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Mes yeux ne me

auffi variés que la Natare. permettant pas toujours d'écrire moi-même, je condamnai mon Cerveau à retenir ce qu'il avoit compofe, jusqu'à ce que quelqu'ami vint me préter fa main, & écrire fous ma dictée. De-là cette diverfité de caractéres que vous trouverez dans le Manufcript que je vous envoye.

CEPENDANT je n'étois pas au bout du plan que je m'étois tracé. La multitude des objets que j'avois encore à confidèrer, m'effrayoit: mes Recherches fur l'ufage des Feuilles étant furvenues, je fufpendis mon grand Ouvrage; & lors que je l'eus fufpendu pendant un tems, je n'eus plus la force de m'y remettre. Je le laissai donc dormir dans mon Cabinet, après l'avoir lû en entier à une Société de Gens de Lettres, qui en fut plus contente que je n'avois ofé l'efpérer. Pendant que cet Ouvrage dormoit, il me venoit de tems en tems en penfée, d'en détacher quelques parties pour les donner au Public. Mais les imperfections que je découvrois dans ces productions, la juste défiance où je fuis de mes talens & de mes lu

mières, détournoient toujours cette idée de mon

Esprit.

ENFIN, vos admirables Obfervations fur le Poulet ont parû : je les ai luës avec avidité; & j'ai été agréablement furpris de la conformité de quelques-unes de vos idées avec les miennes; j'ai commencé à me fentir un peu réchauffé pour cet Ouvrage infortuné que j'avois abandonné à la poussière de mon Cabinet. J'ai donc pris le parti de vous écrire fur ce qui m'avoit roulé fi long-tems dans l'Esprit; mais je l'ai fait en fort peu de mots: vos réponses ont achevé de me convaincre que nous avions les mêmes idées fur la Génération. Aujourd'hui vous avez la bonté de vouloir vous occuper de la fuite de mes méditations, ce défir eft très-flatteur pour moi: je foumets donc mon Manuscript à votre jugement. S'il avoit le bonheur de vous plaire, je ferois très-récompenfé de mon travail. S'il vous plaifoit affés pour qu'il vous parút mériter d'être publié, une des principales raisons qui m'engageroient à y confentir, feroit l'extrême impatience que j'ai de me parer auprès du Public de l'amitié dont

vous m'honorez, Monfieur, & de lui aprendre à quel point je vous estime & je vous refpecte.

EN lifant ce Manufcript, veuillez vous fouvenir qu'il a été compofé, comme le reste de l'Ouvrage, tantôt dans un Jardin, tantôt dans la Campagne, tantôt dans un Bois, à Pied, à Cheval, en Caroffe. La partie qui fuit immédiatement celle-ci, eft un Parallèle des Plantes & des Animaux, dans lequel j'ai raffemblé en petit tout ce que ces deux Claffes d'Etres organifes offrent de plus intéresfant. Quand j'ai lu ce que l'on a écrit avant vous, Monfieur, fur la Formation des Corps Organisés, j'en ai été peu fatisfait, & j'étois prefque tenté de préférer mes idées à celles des Auteurs qui m'avoient précédé. Au moins il me fembloit que j'aprofondiffois un peu plus la matière qu'ils ne l'avoient fait.

EN me renvoyant mon Manufcript, Mr. DE HALLER m'honora d'une Réponse, qu'il me permit de rendre publique, & que je produits ici, parce qu'il me femble que la véritable modeftie ne confifte pas à taire l'aprobation d'un

Grand Homme; mais qu'elle confiste à ne la regarder que comme un encouragement. Il faut bien d'ailleurs que le Public fache les motifs qui m'ont engagé à ne pas fuprimer les prémices d'un travail, que j'ai tâché dans la fuite de perfectionner.

À Roche le 5. de Janvier 1759.

FE vous fuis très-obligé, Monfieur, de la lecture agréable & inftructive que vous m'avez procurée. Elle est venué bien à point dans un accès de goute qui m'a tenu depuis quinze jours, & dont quelques momens ont été des plus douloureux. Je vous le renvoye, vôtrè Manufcript, en vous priant avec le zèle d'un Cofmopolite, de le publier. Je ferois charmé fi je pouvois contribuer à tirer du Cabinet un Ouvrage auffi bien pensé que le vôtre. 11 deux Claffes de Sçavans: il y en a qui obfervent, fouvent fans écrire; qui écrivent fans obferver.

ya

il y en a aussi,

On ne fauroit

trop augmenter la première de ces Claffes, ni peut-être trop diminuer la feconde. Une troi

fième Claffe eft plus mauvaife encore, c'eft celle qui obferve mal.

JE cédai à une invitation fi preffante, & fi propre à me raffurer fur le jugement du Public, & immédiatement après avoir achevé mon Essai Analytique fur l'Ame, je repris mes recherches fur les Corps Organisés. Je ne fongeai d'abord qu'à composer un nouveau Chapitre, qui contiendroit un précis des découvertes de Mr. DE HALLER: mais, dès que j'eus commencé à exécuter ce projet, je prévis que je ferois appellé à creufer divers fujets, que je n'avois qu'éfleurés dans mon premier Ecrit. Je ne voyois point encore jufqu'où ces nouvelles méditations me conduiroient: je ne fentois que la néceffité de perfectionner mes recherches, & je la fentois fortement.

VOILA` comment j'ai été acheminé à remanier mon fujet, à développer & à rectifier mes premières idées, & à préfenter au Public, une nouvelle fuite de Faits, de conféquences & d'analyses.

Je n'ai pas parcourû tous les Auteurs qui ont écrit fur les Corps organifés; le nombre en étoit trop grand. Je me fuis borné à confulter ceux

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