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né lieu de placer l'Ame dans le Cerveau. Il n'est pas befoin que je dife qu'elle n'y refide pas à la manière d'un Corps; elle n'eft pas Corps: mais elle y eft préfente à la manière d'une fubftance fimple. Qu'on ne me demande pas ce que c'est que cette préfence; je fais profeffion d'ignorer profondément la Nature intime de l'Ame, & je ne la connois un peu elle-même que par quelques-unes de fes Facultés.

Je fuppofe donc une Ame dans la Tête du Polype. Cette Ame a des fenfations, que lui procurent les Organes dont l'Infecte eft doué. Elle a un fentiment de la présence de fes fenfations; car une Ame ne peut avoir une fenfation, qu'elle ne fente, en même tems qu'elle l'a. Je ne puis dire ce que c'est que ce fentiment; mon Ame n'est pas faite pour fentir à la manière de celle du Polype: mais, je vois affez qu'il n'eft pas précisément ce que nous nommons en nous Confcience ou Aperception. La Confcience fuppofe toûjours un peu de Réflexion; & l'on n'accordera pas la Réflexion à un Infecte. Tout ce qu'on peut raisonnablement lui accorder, c'eft une forte de Réminifcence. Le Polype fent qu'il faifit une proye, qu'il l'avale, il fent encore qu'il a du plaifir à la faifir & à l'avaler: il en conferve un certain fouvenir, qui-lie les fenfations qui furviennent à celles qui ont précédé. Ce fouvenir constitue l'efpèce de Perfonnalité de l'Infecte. Il ne peut dire Moi; mais il poffède un Moi à fa manière. Ce Moi s'approprie toutes les fenfations; il

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s'identifie avec toutes. Il eft le Moi qui faifit un Puceron, qui l'avale, qui l'a faifi, qui l'a avalé.

285. Où réfide le Moi dans l'Infecte qu'on vient de partager en deux tranfverfalement? Des mouvemens qui paroiffent fpontanés & qui ne font que machinaux. Principes propres à les expliquer tirés de la Doctrine de l'Irritabilité.

JE partage l'Infecte

par le milieu fuivant fa largeur : il est bien évident que la Portion où tient la Tête, eft la feule qui conferve le Moi ou la Perfonnalité.

Il n'y a donc plus de Moi dans l'autre Por tion; car nous avons admis que l'Ame réfide dans la Tête; mais, cette Portion paroit pourtant fentir; elle fe donne divers mouvemens, & j'ai vu une moitié de Ver de terre (a), & des tronçons de mes Vers aquatiques, ramper comme l'auroit fait un Ver complet; il y a plus ils fembloient conferver encore toutes les inclinations propres à leur Efpèce. Je ne veux rien diffimuler; je vais donc augmenter la difficulté en transcrivant ici un paffage très remarquable de mon Traité d'Infectologie, Partie 2. pages 93. & 94. (b).

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DANS le compte que j'ai rendu (Obf. II.) de ma première Expérience fur ces Vers

(a) Voyez l'Article 244

(b) Obferv. XIV.

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,, je me fuis arrêté quelque tems à décrire les ,, mouvements de chaque moitié pendant les ,, premiers jours après l'opération. J'ai fait re,, marquer que la feconde, celle qui n'avoit point de Tête, alloit en avant à peu près comme fi elle en avoit eu une ; qu'elle fembloit chercher à fe cacher, qu'elle favoit fe détourner à la rencontre de quelque obftacle, &c. Tout cela, quoique fort remar,, quable, ne l'eft pas néanmoins autant que , ce que j'ai obfervé fur de femblables Vers, ,, peu de tems après leur avoir coupé la Tête. ,, Je les ai vus, à mon grand étonnement

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s'enfoncer dans la boue en fe fervant de leur bout antérieur comme d'une Tête, pour s'y frayer un chemin. J'ai vu le Ver No. II. de la Tab. II. ramper le long des parois du vafe de verre, où je le tenois renfermé, & faire effort pour en fortir, quoiqu'il n'eut ni Tête ni Queuë

CEUX de mes Lecteurs qui ont lû les beaux Mémoires de Mr. DE HALLER fur l'Irritabilité, entrevoyent déjà ce qu'on peut dire pour tâcher à réfoudre la difficulté dont il s'agit ici. On fait que l'Irritabilité eft cette propriété de la Fibre mufculaire en vertu de laquelle elle fe contracte d'elle-même, à l'attouchement de tout Corps, foit folide, foit fluïde. C'est par elle, que le Cœur, détaché de la Poitrine, continuë quelque tems à battre. C'est par elle, que les Inteftins, féparés du Bas- Ventre

& partagés en plufieurs portions, comme nos Vers, continuent pendant un tems, à exercer leur mouvement périftaltique. C'est par elle enfin, que les Membres de quantité d'Animaux, continuent à fe mouvoir après avoir été féparés de leur Tronc. Dira-t-on que ces portions d'Inteftins, qu'on voit ramper fur une Table comme des Vers, font mifes en mouvement par une Ame qui réfide dans leurs Membranes? Admettra-t-on auffi une Ame dans la Queue du Lézard, pour rendre raison des mouvements fi vifs & fi durables qu'on y obferve après qu'on l'a coupée ? Voudra-t-on encore que ce foit une Ame logée dans l'Aiguillon de la Guèpe, qui le darde au dehors affés long-tems après que le Ventre a été féparé du Corcelet? Affurément ces Faits font bien auffi finguliers & auffi embarraffants, que ceux que j'ai raportés dans le paffage cité ci deffus: qui ne voit pourtant que les uns & les autres ne font que les réfultats d'une méchanique fecrette? Mr. DE HALLER a prouvé, que le Cœur, féparé de la Poitrine, ceffe de battre, dès qu'on purge les Ventricules du peu de Sang qu'ils renfermoient encore: l'Irritabilité, cette Force dont la nature nous eft inconnuë n'agit plus alors; rien ne l'excite. C'eft donc par les contractions que l'attouchement d'un Corps étranger, produit dans les Fibres mufculaires de nos Vers, dans celles des portions d'Inteftins, dans celles de la Queue du Lé

zard, &c. que s'opèrent ces mouvements qui nous paroiffent volontaires, & qui ne font pourtant que purement machinaux. La Machine eft montée pour les exécuter, & elle les exécute dès qu'elle est mise en jeu.

286. Nouveau Moi qui eft produit & com

ment.

CETTE Portion du Polype qui n'avoit ni Tête ni Bras, ne tarde pas à en pouffer de nouveaux, & déjà elle est un Polype parfait. qui faifit des proyes & les avale. S'il n'est point de nouvelle création dans les Corps, pourquoi en fuppoferions-nous dans les Ames? Si l'AuTEUR de la Nature a jugé convenable de renfermer d'abord tous les Corps organifés dans des Germes, n'eft-il pas probable qu'il y a renfermé auffi, dès le commencement les Ames qui y deviendront un jour le principe du fentiment & des mouvements volontaires? Imaginera-t-on qu'à chaque nouveau coup de fcalpel, DIEU crée une Ame pour le Germe qui va fe développer? Cela feroit certes bien peu philofophique; furtout fi l'on admettoit des Volontés fucceffives dans la RAISON SUPREME. Comment fuppofer une fucceffion d'actes dans cette VOLONTE' qui a pû créer tout par un feul acte ?

LE Polype qui vient de se développer fous nos yeux, eft donc une nouvelle Perfonne qu'on me permette ces expreffions : il n'a pû

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