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Trappe ne pouvoit fe refoudre à dimínuer les fecours qu'il donnoit aux pauvres. Il ne paroiffoit pas poffible dans une pareille fituation d'entreprendre de nouveaux bâtimens, car quoique le travail des Religieux épargnât une partie de la dépenfe, il ne pouvoit pas fuppléer à tous les frais. La providence de Dieu ne manqua pas de pourvoir à un befoin fi preffant une perfonne de pieté qui s'eft fi bien cachée qu'on ne l'a pû connoître, ayant fçû la neceffité où se trouvoit le Monaftere de la Trappe, y envoya une fomme de douze cent livres par aumône. Cet argent fut fi bien ménagé, qu'avec quelques autres petits secours il fuffit pour mettre ce bâtiment en état de loger vingt-quatre Religieux. On dira à cette occafion qu'on vivoit à la Trappe dans une fi grande pauvreté, que pour trente livres on nourriffoit un Religieux, l'Abbé n'en demandoit pas davantage; cela fuppofe que le travail des Freres fupplée à bien des choses; mais on doit ajoûter que la pauvreté & la frugalité font leur plus grande reffource.

L'étroite obfervance perdit cette année un de ces plus grands ornemens, & un de fes plus fermes appuis, par la mort

de Dom Jean Joüand Abbé de Prieres; fa pieté l'avoit lié d'une maniere tresétroite avec l'Abbé de la Trappe. Il mourut d'une goute remontée au commencement du mois de Juin. L'Abbé de la Trappe avoit à peine rendu à fa mémoire les devoirs de pieté qui font en ufage dans l'Ordre de Cifteaux, qu'il apprit que le Grand Confeil venoit de rendre un Arrêt qui renvoyoit les Reformez devant le Saint Siege pour y regler leurs différends avec la commune obfervance. Les Superieurs de l'étroite obfervance lui écrivirent en même tems, pour le prier de fe rendre à Paris pour y conferer avec eux fur ce qu'il y auroit à faire pour. éviter l'éxécution de cet Arrêt. Il crut que s'agiffant de la cause commune, & d'empêcher la deftruction de l'étroite obfervance, il ne pouvoit refufer à fes Freres, ni fes confeils, ni tous les autres fecours qu'il feroit capable de leur donner. Dans cette vûë il partit de fon Monaftere le troifiéme d'Août, & fe rendit à Paris. On déli- 1673bera long-tems, on propofa plufieurs moyens pour éviter le renvoi en Cour de Rome, qui ne convenoit nullement à l'état des affaires de l'étroite obfervance, Enfin l'Abbé de la Trappe qui connoif

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foit mieux que perfonne la Religion du Roy, fut d'avis qu'on s'adrefsât à fa Majefté. Son fentiment ayant été fuivi, il fe chargea de faire la Requête qui devoit lui être prefentée; c'eft une des plus belles & des plus éloquentes pieces qui ait paru depuis long-tems; mais comme on vient de la donner au public, on fe contentera de dire qu'il y reprefente à fa Majefté avec autant d'éloquence que de pieté, la décadence & la defolation à l'Ordre de Cifteaux, & le danger où l'étroite obfervance fe trouvoit d'être détruite, fi fa protection toutepuiffante ne la foûtenoit pas contre les efforts de fes ennemis. Il fupplie le Roy de donner enfin la paix à l'Ordre, de faire ceffer des conteftations qui duroient depuis plus de cinquante ans à la ruine des deux obfervances, & au fcandale detous les gens de bien, & d'avoir la bonté de nommer des Commiffaires en France qui reglaffent tous les differends, & qui pourvuffent à la confervation de l'étroite obfervance dont la ruine étoit infaillible, fi l'on continuoit comme on' avoit commencé à en détruire les fon-demens.

Comme le Roy étoit alors à Nancy, F'Abbé de Châtillon fut choifi pour y

que

aller prefenter à fa Majefté la Requête de l'Abbé de la Trappe, & celle les Superieurs de la réforme y avoient jointe au nom de l'étroite obfervance. Ces deux Requêtes eurent tout l'effet qu'on s'étoit promis de la Religion du Roy. Sa Majefté fans avoir égard à l'Arreft du Grand Confeil qui renvoyoit les parties à Rome, donna un Arrêt dans fon Confeil d'enhaut, par lequel elle évoquoit à fa perfonne la connoiffance des affaires des deux obfervances, & nommoit des Commiffaires aux fins des deux Requêtes qui lui avoient esté prefentées.

CHAPITRE III.

Les Commiffaires nommez par fa Majesté en confequence de la Requête de l'Abbé de la Trappe s'affemblent pour terminer les dif ferends de la commune & de l'étroite obfervance. L'Abbé eft obligé de faire divers voyages à Paris pour les affaires de la réforme ; le fuccés n'en eft pas heureux ;l'Abbé fe retire dans fon Monaftere dans le deffein de n'en plus fortir ; il porte fes Freres au renouvellement de leurs vœux, il refufe la charge de Vicaire general & de Vifiteur.

Es Commiffaires nommez par le Roy en confequence des deux Re quêtes dont on a parlé s'étant affemblez, les Abbez de l'étroite obfervance crurent que la prefence & l'autorité de l'Abbé de la Trappe leur feroient d'un grand fecours. Il étoit retourné dans fon Monaftere trois jours aprés fon arrivée à Paris. Les Abbez lui écrivirent des

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