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CHAPITRE PREMIER.

Un Jeune-homme eft volé par des Filoux : Un Gentilhomme Normand fe charge de lui.

Létoit trois heures après minuit; les lenternes étoient prefque tou

tes éteintes, excepté quelques

unes dont les lumieres mourantes prêtoient encore une clarté douteufe; l'on n'entendoit

plus de carroffes, fi ce n'étoit quelques-uns

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de ceux qui revenoient du jeu, ou qui fortoient de quelque rendez-vous fufpect; le pavé de Paris n'étoit battu alors que par le Guet, ou par quelque gens aimant l'avanture: tout paroiffoit tranquile, ou devoit l'être, lorfque Monfieur d'Orneville, Gentilhomme Normand ( mais fort honnête ( homme,) fortit de l'Hôtel de Gefvres pour regagner le Marais, où il demeuroit. En traverfant la rue Tiron, Il entendit les plaintes d'un homme qui invoquoit inutilement le fecours des paffans. O Ciel! s'écrioit-il, perfonne n'aura-t'il pitié d'un malheureux qui fe trouve étranger dans cette Ville, & qui dans l'état où fon peu d'experience l'a réduit, n'a pas la liberté d'aller chercher un afile? Il fe tut après avoir proferé ces paroles, & il fembloit écouter fi elles ne lui attireroientpas lacompaffion des paffans.M.d'Or. neville n'y prêta qu'une legere attention, & Continua fon chemin. Le long-tems qu'il y avoit qu'il demeuroit à Paris,lui avoit donné J'experience & l'usage de cette grande VilleIl fçavoit trop bien le danger qu'on court

pendant la nuit dans les ruës, lorfqu'on s'arrête aux fubtilités de la plûpart de ceux qui vivent aux dépens des fots: il doubla le pas; & il étoit déja hors de la portée de cette voix, lorsqu'il rencontra au fortir de la rue deux Moufquetaires de fes amis, qui retournoient à l'Hôtel. Ils s'arrêterent tous trois, & se rendirent un compte mutuel de leur foirée c'eft affez la coutume des jeunes gens. Ils revenoient, à ce qu'ils dirent, de fouper avec des femmes, dans le quartier du Palais Royal, où ils avoient pouffé la débauche jusqu'à ce moment. D'Orneville leur apprit à fon tour qu'il fortoit de l'Hôtel de Gefvres, où il avoit été obligé d'accom pagner un de fes amis, qui avoit perdu confiderablement avant le foupé. Il n'oublia pas auffi la plainte qu'il venoit d'entendre. L'un des Moufquetaires lui reprocha de ce qu'il étoit paffé fans fçavoir ce qui y donnoit lieu. Meffieurs, leur répliqua-t-il, ce n'est ni manque de charité, ni de valeur; j'ai, Dieumerci, de l'un & de l'autre: mais je ne vois pas à quoi il eft bon d'hazarder sa bourse &

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fa vie, pour une curiofité inutile & dangereufe, & qu'on ne fait souvent naître que pour vous attirer à prefent que nous fommes en état de ne rien craindre, il ne tiendra qu'à vous de la fatisfaire. Ces jeunes gens, qui n'avoient rien de mieux à faire, l'accompagnerent. On fit refter le Valet qui portoit le flambeau, avec ordre d'accourir au premier fignal qu'on lui donneroit.

Ils avoient à peine fait trente pas, qu'ils s'arrêterent à la voix dont on vient de parler. 'Au nom de Dieu ( leur difoit-elle, les entendant venir,) qui que vous foyez, venez me fecourir; ne craignez rien. Je fuis un jeune-homme, qui en débarquant à Paris ̧ ai donné dans le panneau que m'ont tendu des malheureux ; je ne puis marcher, & je fuis fur le pavé depuis long-tems. Ayez patience, s'écria l'un des Moufquetaires, nous fommes à vous. En même tems ils accoururent; en donnant le signal, le flambeau arriva. Dieu foit loüé, leur dit-il en les voyant; fans vous, Meffieurs, j'aurois peri: le froid m'a faifi, & à peine pourrai-je peut-être

me fervir de mes jambes. En leur difant ces chofes,il les leur montra: elles étoient liées; il n'avoit que fa chemife, & il étoit étendu par terre, fans pouvoir fe remuer. Sa phifionomie, fa bonne mine & fon malheur les émurent de compaffion; chacun apporta la main pour le dégager de ces liens:le laquais d'un desMoufquetaires avoit une redingote, on la donna au Jeune-homme; & il fe trouva bientôt en état de les fuivre. D'Orneville propofa d'aller à un Cabaret qu'il connoif-, foit, & qui ouvroit aifément la nuit; ils y furent. Pendant le chemin on s'informa à l'Inconnu de ce qui avoit pû donner lieu à l'état où on l'avoit trouvé. Je vous ai trop d'obligation, Meffieurs, leur dit-il, pour vous celer ce qui m'eft arrivé: je vous demande feulement en grace de vouloir bien attendre que nous foyons dans l'endroit que vous venez de dire; je ne me sens affez de force pour fatisfaire votre curiosité. Il leur apprit en attendant, qu'il étoit de famille, ce qui lui attira de leur part des offres de fervices. La porte du Cabaret fut

pas

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