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fans vous être affaffiné. D'Orneville vouz lut repartir, mais tous ceux qui étoient entrés après le Commiffaire éleverent leur voix, & prirent le parti du Filou, n'étant que trop prouvé, difoient-ils, qu'on en vouloit à la vie de leur voifin par les circonftances de l'action. Ils protefterent même que fi l'on n'envoyoit pas fur le champ d'Orneville & d'Elby en prifon, ils les y conduiroient eux-mêmes; qu'on ne pouvoit faire une justice trop prompte à de pateils attentats, lefquels impunis étoient cause qu'on n'étoit pas en fureté chez foi. Le murmure augmentoit à tel point,que le ce Commiffaire eut bien de la peine à faire valoir fon autorité; & fans les Archers qui étoient à la porte, aufquels ils ordonfia de faire retirer tout le monde, il n'auroit été de long-tems en état d'inftruire cette affaire. Ces premiers ordres executés, il fit fermer la porte & tenir le Guet dans l'antichambre. Il rentra dans l'appartement avec les Cavaliers & le Filou, pour fçavoir de quoi il étoit queftion.

Le

Le fripon d'Abbé, prévenu que ce Juge de Police n'avoit été mandé que par les clameurs qu'on avoit fait, continua fur le même ton avec le Commiffaire. D'Orneville eut bien de la peine à s'en faire écouter; mais l'ayant affuré que c'étoit' par fon ordre qu'un Laquais avoit été le chercher, le Juge fit attention à cette preuve, & lui préta l'oreille. Le Filou & la grande femme craignant ces explica tions, voulurent encore répliquer; mais le filence leur ayant été imposé, d'Orneville déclara qui il étoit, & en quelle confideration il prénoit les interêts du Chevalier , rapporta l'avanture du vol qu'on a vû dans la premiere Partie, non fans être niée bien des fois de la part du Filou, & appuya cette histoire par l'aveu que lui avoit fait la grande fille, qui proteftoit que la feule force étoit la caufe qu'elle fe trouvoit compromise avec ces malheureux. Le Commiffaire à ce difcours, fit approcher la jeune perfonne; fon air feul prouvoit la verité de ce qu'on ve

II. Partie.

I

noit de dire; il lui fut ordonné de par ler. Elle fe jetta aux pieds de ce Juge, en l'affurant de fon innocence & en le fupliant d'avoir pitié d'elle. Le Commiffaire répondit, qu'elle devoit tout efperer de la verité & de fon innocence. Fan chon raffurée par ces mots, s'étant réleyée, & ayant effuyées fes larmes, commença ainfi fon hiftoire.

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Hiftoire que conte Fanchon, Fille d'une mere Grenadier dans le Regiment de Bourbonnois. Vol de confequence manqué, & pourquoi.

A mere étoit Grenadier dans le Re

Με

giment de Bourbonnois.... Grena dier? interrompit le Commiffaire en riant. Oui, Monfieur, continua Fanchon. Fille d'un pere qui maltraitoit extrêmement fes enfans, elle fe fauva de la maison avec un frere qu'elle aimoit tendrement, & qui au bout de quelque tems ne fçachant que devenir, fe fit Soldat. Ma mere ne voulant pas quitter fon frere, fe travestit en homme, & fuivit le même fort; fon frere fut tué au bout de dix ans dans une bataille. Le defefpoir fit faire des chofes fi prodigieufes à ma mere pour venger la mort de fon frere, qu'au fortir de l'action on la fit paffer dans la Compagnie de Grena

diers, comme une diftinction dûë à fa valeur & qui la fit furnommer Sans-quar

tier.

Lorfqu'on fit le Siege de Fribourg à la derniere Guerre, elle fut commandée à l'attaque du Chemin couvert un fatal coup de feu l'étendit fur le carreau, & en la bleffant à mort il me donna la vie. Lorfqu'on emporta les bleffés, l'on me trouva près d'elle par terre, l'un & l'autre prêts à rendre les derniers foupirs. Les efforts que ma mere avoit fait fans doute pour se délivrer de moi & me foigner, contribuerent beaucoup à précipiter fa fin. Elle eut cependant la confolation,avant que de fermer les yeux, de me voir enlever par fes camarades; elle expira un moment après avec un air content. Cette hiftoire fit du bruit. Le Général en faveur de sa fingularité donna un petit pour qu'on cût foin de moi; & les Officiers du Regiment, genereux comme le font prefque tous ceux de cette claffe, fe cottiferent à l'envi pour qu'on élevat, difoit-il, la petite

fond

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