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l'éclairer de fi près le jour fuivant, qu'il le pût furprendre & lui reprocher fon pcu de

fincérité.

Les Cavaliers reconduifirent les Dames : Madame de Fraizai fut la derniere qu'on conduifit chez elle, parce que l'équipage lui appartenoit. En fortant du carroffe le Chevalier lui donna la main: elle lui fut ferrée, le Jeune-homme en usa de même. Le Cocher eut ordre de remettre d'Orneville à fa maison, & de jetter en paffant l'Abbé à fa porte,qui demeuroit auffi dans le Marais.

Le carroffe enfilloit la rue Sainte Croix de la Bertonnerie, lorfque l'embarras d'un grand nombre de voitures l'obligea de s'arrêter. D'Orneville en fut furpris;ces fortes d'inconveniens étant fréquens à Paris pendant le jour, mais n'arrivant prefque jamais la nuit, à moins que ce ne foit à la fortie du Bal de l'Opera. Cette inquiétude lui fit baiffer une glace; & il demanda à un Cocher, qui comme lui ne pouvoit paffer outre, ce qui occafionnoit l'embarras. Une voix fortant du carroffe conduifoit cet homme

que

que

s'écria; Me tromperois-je, il me femble c'eft Monfieur d'Orneville? Celui ci s'entendant nommer, mit la tête à la portiere, & reconnut au flambeau l'Abbé.... La rencontre eft charmante, dit d'Orneville Hé, mon Dieu! vous êtes bien tard dans nos quartiers. Je forts de table, reprit l'Abbé. Un Bal vient de commencer dans cet Hôtel où j'ai foupé, & comme la danfe n'eft ni de mon goût ni de mon ministere, je m'en retournois chez-moi. Pourroit - on fçavoir, continua d'Orneville, qui peut donner lieu à cette Fête, & en quelle faveur elle fe donne,car nous ne fommes pas encore dans le Carnaval? Volontiers, continua l'Abbé, l'hiftoire eft finguliere. Mais à propos, vous en fçavez déja une partie : vous n'avez pas oublié fans doute celle que je vous fis ànotre dernier foupé, d'une Venitienne nommée Laura, qui fe trouva mal à faint Eustache à la vûë d'un Pauvre qui vint lui demander l'aumône? Ah! j'y fuis, Monfieur, interrompit le jeune d'Elby; fon Tuteur prétendoit qu'elle étoit fa femme. Juftement, rę¬

prit l'Abbé, & c'eft fon mariage qui occafionne la Fête prefente. Mon Dieu! Monfreur, s'écria le Chevalier avec empressement, que nous fçachions la fin de cette avanture? vous obligerez Monfieur d'Orneville. Sans doute, reprit ce Gentilhomme en foûriant, cela vous fait trop de plaifir pour que je ne le partage pas; tout ce qui a rapport à l'amour vous flatte, & il n'eft pas poffible que la fin de ce joli roman ne vous amufe. Comment donc roman, interrompit l'Abbé en fortant de fon carroffe, & en invitant d'Orneville & fa compagnie à en faire autant, ne traitez pas s'il vous plaît l'histoire dont il eft queftion de ce nom; elle eft hiftoire & très hiftoire, & il ne tient qu'à moi dès ce moment de vous en montrer le Héros. Nous vous prenons au mot, reprit d'Orneville, cette occafion pourroit ne pas fe trouver aifément. D'ailleurs je fuis bien aife de procurer au Chevalier, de voir un de nos Bals de Paris, afin qu'il convienne qu'ils font un peu differens de ceux de la Princeffe.

L'Abbé fit paffer ces Meffieurs par une grande Cour, où le mouvement qu'il s'y faifoit donnoit affez àpenfer que la maison étoit dans la joye. Avant que je vous introduife dans la Salle du Bal, dit l'Abbé à la compagnie, il faut vous achever l'avanture que je vous ai commencé; & pour que nous ne foyons point troublé, nous entrerons s'il vous plaît, dans cet appartement. Il en fit ouvrir un par un Vallet, avec un ton qui dénottoit qu'il avoit du crédit dans la maifon. On leur fit grand feu. Les dorures, les glaces & la magnificence faifoient connoître l'opulence de ceux qui en étoient les maîtres. Les yeux fe promenerent pendant quelque tems fur les objets mais après que l'on eût pris place, l'on fe tourna vers l'Abbé qui parla en ces termes.

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CHAPITRE IV.

Suite de l'hiftoire de Laura & de Clario.

L

Hiftoire de Laura, fi je ne me trompe,

étoit reftée à l'entrée de cette Demoifelle dans un Couvent: parti pris à caufe des bienséances,jusqu'à ce que le procès que lui intentoit fon Tuteur, fût terminé. Cet homme qui fembloit avoir changé fon amour en haine,ne vouloit entendre à aucun accommodement. Comme il eft fort riche,& que l'on fçait que cette qualité est d'un poid infini,l'on ne doit pas être furpris des appréhenfions cruelles dont étoit tourmentée la tendre Laura. Elle m'en faifoit part tous les jours,& fa confiance auffi bien que celle de Clario, m'avoit extrêmement attaché à leurs interêts. Ce Jeune-homme étoit toujours à la veille du défespoir. Peu riche, Etranger à Paris, fans appui, il avoit effectivement lieu de fe méfier de fa bonne fortune. Je lui procurai des amis; chacun de

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