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en peut faire un admirable. D'Orneville montra au Chevalier la place où étoit ci-devant un monument fondé pour une Chatte favorite, & qui prouvoit jusqu'où va l'égarement & la manie du cœur humain, qui, lorsqu'il eft frappé, fe prévient auffi facilement pour des êtres intérieurs que pour fes femblables. Le Chevalier, curieux de tout ce qui eft extraordi naire, fe fit conter cette hiftoire par quelle il apprit, que la Ducheffe de Lefdiguieres morte en M. DCC. XVI. étoit fa derniere de ce nom, & qu'elle tiroit fon origine des Gondy de Retz, de l'Etat de Florence.

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Après avoir fait cette courte ftation; nos Cavaliers furent aux Célestins. Nous y dîneront, dit d'Orneville, il y a bien des chofes curieufes à y voir, & je me trompe fort fi vous les oubliez.

Les Céleftins, qui font aujourd'hui répandus dans toute la France, y ont été attirés par les Ordres de Philippe le Bel, en M. CCC. qu'il les fit venir de Naples,

our ceux de ce Couvent doivent leur Fondation à Charles V. en M. III. LXVI. Ce Prince leur céda une partie des Jardins de l'Hôtel de Saint Paul, dont il étoit le. Fondateur, & où il logcoit encore lorfqu'il fit l'établissement de ces Religieux, qu'il avoit fait venir de Chartres.

D'Orneville en étoit là, lorfque le Pere. Theodore, qu'il avoit fait demander ar riva. Cet ancien ami du Mentor parut ravi de le voir; il conduifit ces Cavaliers dans fa chambre, après quoi il leur demanda la permiffion de s'acquitter de quelques affaires qu'il avoit, afin, difoit-il, de pouvoir jouir tranquillement de leur bonne compagnie, n'aimant point, à ce qu'il ajoûta, d'être interrompu, & qu'étant Procureur de la Maifon, il étoit. fujet à beaucoup d'embarras: On le pria de ne point fe gêner & en attendant l'heure du repas, d'Orneville conduifit le Chevalier dans les endroits les plus remarquables de la Maifon. Après que nos Cavaliers curent vifité l'Eglife, le Meng

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tor fit remarquer plufieurs Tombeaux de confequer ce dont il détailla les noms; enfuite il le fit paffer à l'un des coins du petit Cloître. Lifez, lui dit-il, avec une attention finguliere l'Epitaphe que vous voyez, c'eft celle d'Antoine Perez, Miniftre & Secretaire d'Etat de Philippe II. Roi d'Efpagne. Vous voyez devant vos yeux un exemple célebre du défordre des paffions, & de l'empire qu'a le cœur fur l'efprit & fur la politique. En attendant le diné, je veux vous faire l'hiftoire fecrette de cc Miniftre: elle n'eft pas commune, mérite affurément votre attention; je crois même qu'elle fera de votre goût : il m'a paru jufqu'ici que vous aimez l'extraordi naire, & que tout ce qui a part à l'amour trouvoit aifément le fecret de vous plaire. D'Orneville prononça ces derniers mots avec un fouris malicieux : Le Chevalier en

&

parut embarraffé. Le Mentor feignit de n'y point faire attention: & lorfqu'ils furent entrés dans la chambre du Pere Theodore il s'acquitta de fa parole en ces termes,

HISTOIRE

D'ANTONIO PEREZ,

ET DE LA PRINCESSE

D'EBOL Y1

PHILIPPE II. Roi d'Efpagne étoie

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d'un tempéramment tendre & volup tueux; fa politique fervoit à voiler fes nclinations les plus cachées : & le grand ufage qu'il avoit acquis de fe mafquer, déroboit à la Cour une partie de fes fecrets. La crainte dont il étoit prévenu qu'elle ne trompât la vigilance, lui faifoit éviter dans fes intrigues le fecours des confidens; & lorfqu'il ne pouvoit s'en paffer abfolument, il s'en tenoit toujours au nêre & ne varioit jamais : il avoit encore une maxime excellente pour éviter l'éclat ; c'étoit de placer fon cœur en lieu éminent, afin qu'une Maîtreffe fut engagée par fa naif

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fance & par fon honneur, à être de moitié des précautions qu'il prenoit, pour que perfonne ne pénétrât leurs amoureufes intelligences: mais malgré tant de foin & de diffimulation, il ne put empêcher que fon intrigue avec la belle Anne de Mendoza, dans la fuite Princeffe d'Eboly, ne fut fçûe, non feulement de toute fa Cour & de toutes celles de l'Europe, mais qu'elle ne lui produisît dans la fuite deş chagrins effentiels, & qui interrefferent jufqu'à fa Puiffance. Cette Hiftoire que je Yous dirai en peu de mots, renferme en elle bien des leçons, & doit apprendre par l'exemple de ce grand Roi, les foibleffes qu'occafionne l'Amour; dont on fe doit d'autant plus défier, qu'il eft rare qu'on ait autant d'empire fur foi-même qu'en avoit ce Prince, & qui ne donne que trop de preuves du peu de fond, que nous devons faire fur nous-mêmes. Fléchir devant une femme, c'eft bien humilier fon amour propre.

La Reine d'Efpagne étant morte le

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