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paffer, particulierement celles qu'on appelle favantes ; & à caufe de la liaifon qui fe trouve entre elles, il eft difficile d'exceller en une,fans avoir quelque teinture des autres.Cela eft évident pour la langue Grecque & pour la Latine. On en doit encore être plus perfuadé à l'égard des langues Orientales qui ont plus de rapport

ensemble.

Deux des langues quipaffent pour les plus favantes, font la langue Arabe & la langue Grecque. Malheureusement ce font les deux plus abondantes, & les deux plus difficiles qu'il y ait. Ceux qui fçavent l'Arabe * nous affurent que cette langue abonde en fynonimes, & qu'elle a plus de cinq cens mots differents pour fignifier un lion, & près de mille pour fignifier une epée: quantité qui fuffit pour former une langue entiere, & qui * V. VValton proleg. 14. §. 6.

égale prefque le nombre des racines de la langue Hebraïque. Pour ce qui eft de la langue Grecque qui eft favante fans contredit, on fçait affez combien elle eft abondante. Il eft vrai qu'elle n'a pas beaucoup de racines. Quelques-uns n'en comptent guere plus de trois mille* :mais en récompenfe elle a un nombre infini de compofés. Si les racines en font fimples & refferrées, les branches en font bien étenduës. Ajoutons à cela la multitude de fes dialectes, & toutes les différentes inflexions de noms & de verbes, qui en diverfifient les mots & les diftin

guent:nous trouverons que le travail eft immense pour ceux qui s'y appliquent. Ainfi la diverfité des langues & l'abondance de celles qui ont le nom de fçavantes prefentent un grand détour dans le chemin des sciences.

* V Vilk. R. Ch. Cap. ult.

L'inftabilité eft le second inconvénient des langues. Quoiqu'il y en ait un grand nombre, fi la nature en étoit fixe & la condition certaine, on pourroit s'y donner avec plus de confiance: mais leur Instabilite jointe à leur multitude, nous jette dans des difficultés encore plus grandes. Les mots comme les autres chofes, font sujets à la viciffitude des temps: ils font dans un flux & reflux continuel, & ils n'ont prefque point de pério de fixe. L'ufage feul en eft le maître; & comme cet ufage dépend du caprice des hommes, c'eft à dire, de l'inconftance même, il eft prefque impoffible que les langues aïent un autre fort. Auffi fontelles indépendantes de l'autorité des Frinces. Cefar, qui donna des loix à Rome, n'en a jamais pû donner à la langue de cette ville; & l'on regarda comme une loüange outrée le mot de ce Parafite,

qui ofa le flatter d'un femblable pouvoir. C'eft donc l'ufage feul qui en décide.

Nous n'en avons point de meilleur exemple que dans la langue Latine dont il eft ici queftion. La langue que l'on avoit parlée peu apres la fondation de Rome, n'étoit plus intelligible au temps d'Augufte. On a peine même à entendre préfentement fans commentaire le langage qui étoit vul gaire quelques centaines d'années après; & moins de cent cinquante ans avant Ciceron. Pour en avoir

des

preuves, il il ne faut que jetter la vue fur l'infcription de la Colomne Roftrale, qui eft encore exiftante, & dont l'Evêque Walton* nous a donné une copie. Du temps de Ciceron cette langue étoit à fon plus haut degré de pureté. Jufqu'alors elle s'étoit accrue. Depuis elle a toûjours été en déclinant, 2 Proleg. p. S.

&

& elle a duré bien peu dans fon point de perfection. On a remarqué que ceux qui font venus aprés écrivent avec quelque mélange. Tite-Live même avoit fa Patavinité ; & par ce mot je croirois qu'on a voulu lui reprocher quelques expreffions fingulieres de fon païs natal. Plus le temps s'éloignoit plus la corruption étoit grande. Paterculus, Seneque &c. écrivent encore avec plus de mélange, jufqu'à ce qu'enfin les Romains fe joignant à des nations. étrangeres, chez lefquelles ils envoyoient des colonies, où recevant une foule de peuples barbares qui fe retiroient chez eux, acheverent de corrompre leur langage.

La langue Grecque a eu le mê me fort que la Latine. Il est vrai qu'elle a été vulgaire plus longtemps. Les Romains n'ayant commencé à cultiver les arts, ni travaillé à polir leur langue, qu'après

b

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