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avoir fubjugué la Grece, s'y perfectionnerent bien par le moyen des Grecs; & ceux-ci d'un autre côté fe corrompirent par le commerce qu'ils eurentavecleurs vainqueurs, ou d'abord quand ils eurent été foumis à leur domination, ou enfuite lorfque l'Empire eut été transferé à Conftantinople, & que cette Ville fut devenuë une nouvelle Rome & le fiége de l'Empire. Depuis ce temps, la langue Grecque s'eft altérée bien vite: ce qui devoit neceffairement arriver pendant que la Latine étoit la langue de la Cour, & celle dont on fe fervoit dans les actes & dans les Tribunaux, & que la Grecque étoit en quelque façon abandonnée au menu peuple. Peu de temps aprés Conftantin & fous l'Empire de Juftinien, il eft fur qu'elle étoit fort corrompuë. Nous le voyons dans les actes des Conciles de ces temps-là,

& dans les acclamations du peuple & du Clergé en pareilles occafions. Du Cange nous en fournit des exemples dans la favante préface de fon Gloffaire Grec. A mesure que nous defcendons la corruption devient plus grande, comme ce favant homme le remarque. La conquête de Conftantinople par les Francs fut un autre grand revers. L'inondation des Barbares, les Turcs qui renverferent tout devant eux porterent le fatal & dernier coup. On peut voir dans Crufius, & quel eft prefent l'état de cette langue, combien elle est corrompue & pourquoi. On y aprendra que cette corruption confifte dans le mélange de la langue Latine de la Turc-Arabe & d'autres ; dans la féparation de mots qui devroient être liés ; dans la liaison

a S. 7.

Turco Græc. p. 99. 224. &c.

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de mots, qui devroient être féparés ou en d'autres fautes de l'ortographe qui est fort négligée maintenant parmi eux. Ce qu'il y a de plus fâcheux, c'est que le langage d'Athènes Ville autre-fois i renommée renommée pour les Sciences & pour l'éloquence, eft à prefent plus corrompu & plus barbare encore que celui d'aucun autre endroit de la Grejufques-là même,comme Crufius ajoute, qu'il n'y a perfonne de qui ce déplorable changement ne tirât des larmes. * Par toute la Grece la langue a tellement dégénéré de fon ancienne pureté, qu'un homme qui fçait le grec par etude ne peut pas entendre la langue prefentement vulgaire ; & les Modernes entendent encore moins le Grec ancien.

Or parmi cette multiplicité & Ce changement de langues, quel* Ib. p. 99:

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les difficultés n'avons-nous pas combatre? quels doutes à fixer? les mots font en fi grand nombre qu'il eft bien difficile de leur donner place à tous dans notre memoire ; & après cela nous tombons dans un nouvel embaras pour en déterminer le fens. Il faut remonter à leur origine, les fuivre dans leur progrès jufqu'à leur fin; & en remarquer les différens temps & les différentes révolutions: Car les mots changent fouvent de nature, ou même de fignification ; & la véritable en eft quelque-fois bien incertaine. Lorfque les langues font mortes, & qu'elles ne font plus vulgaires, ce n'eft que par les livres qu'on peut découvrir la fignification des mots: dailleurs n'en manque-t-il pas toûjours quelques uns, & combien ceux qui restent ont-ils de défauts ? S'ils font d'un ufage populaire, font-ils propres pour les

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fciences, qui font des chofes abftrufes & peu aifées à expliquer en termes clairs & précis? Les termes des arts, par exemple, font obfcurs de neceffité, parce qu'ils ont plufieurs fignifications & qu'ils comprennent plus d'une idée : ce qui feroit avantageux, & fembleroit abréger l'étude des sciences, s'il n'avoit fallu fouvent d'amples commentaires pour expliquer un feul mot, que ces commentaires n'ont quelque-fois fervi qu'à rendre plus douteux.

le

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J'avoue qu'il eft venu à notre aide des dictionaires tres-amples & compilés avec beaucoup de foin tant pour les mots que pour les Sciences & les Arts mais outre peu de raport qui fe trouve entre les uns & les autres, ces livres font devenus fi gros & fi nombreux, que loin de nous procurer le fecours qui nous étoit promis, ils ne font que nous embaraffer.

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