laquelle de l'ancienne philofophie oa de la moderne étoit preferable? Pour moi je ne veux point entrer dans une difpute fi échaufée; mais il me femble que nous ne fommes guere au fait de la chofe: autrement nous fçaurions mieux à quoi nous en tenir ; & fi je voulois parler, je dirois qu'il n'y a pas plus d'avantage d'un côté que de l'autre. Il n'eft pas aifé de fçavoir aprés tant de fiecles écoulés, en quoi confiftoit la fageffe des anciens. Par les échantillons qui nous en restent, il ne paroît pas qu'elle ait eu rien d'extraordinaire, ou que leur pofterité ne pût découvrir fans leur aide. Des expreffions obfcures qui tenoient de l'oracle, ne fuffifoient-elles pas pour faire donner à un homme le nom de fage? Falloit-il plus qu'une opinion bi-. zarre & quelque-fois extravagante pour mettre un homme à la tête d'un parti, & pour le faire au

teur d'une fecte de Philofophes? La plus ancienne philofophie étoit envelopée de fimboles & de nombres, qui ne renfermoient rien de bien mistérieux, autant que nous pouvons nous y connoître aujourd'hui. Ces grands hommes étoient intéreffés à fe tenir dans un point de vûë cloigné; ainfi ils donnoient une haute idée de la profondeur de leur efprit, & ils fe faifoient respecter par l'obfcurité de leurs écrits. Entre ceux qui fe font exprimés plus clairement, les uns n'ont pû répondre aux difficultés qu'on feur à oppofées ; & les autres n'ont dit guere plus que ce que le bon fens conduit par l'expérience & par la réflexion, dicteroit à la plûpart des hommes fans le fecours de f'étude. Outre la grande diverfité de leurs opinions, dont je parlerai dans la fuite, ils ne s'accordoient pas fur le premierCriterium de la vérité. Ils ont fait toutes les recher

pas encore

thes poffibles pour le découvrir: & par la différence des voyes qu'ils ont prifes, ils ont bientôt donné lieu aux Sceptiques de douter de tout & les ont portés enfin à nier qu il y eut rien de véritable dans le monde. Les modernes n'ont été jufques là; mais ils en ont pris le chemin, & il eft aifé de juger qu'ils nous y conduifent. Depuis que les écoles ont rejetté la philofophie d'Ariftote fous qui nous étions plus tranquiles & peut-être autant dans la voye de la vérité, nous n'avons pû nous fixer nulle part. L'incertitude nous a jettés d'une opinion dans une autre.

La philofophie de Platon s'introduifit d'abord avec le rétabliffement des lettres grecques : elle eut un fuccès étonnant. On croyoit y voir quelque chofe de divin, & pour cette raison on la fuivoit avec ardeur mais on s'apperçut bien

tôt qu'elle conduisoit a l'héréfie ce qui la fit negliger pour la feconde fois.

Les modernes fe trouverent alors affez de fageffe pour travailler par eux-mêmes; & leurs propres inventions étoient plus de leur goût, que les fiftêmes infipides des anciens philofophes. Ilfe fit plufieurs tentatives qui reüffirent peu. Enfin la confufion que les nouveaux fentimens caufoient, porta M. Defcartes à les examiner tous, & à fe retrancher, pour ainfi dire, dans le doute. Il paffa d'une réfléxion à une autre & aprés avoir été le joüet de fes incertitudes, il s'imagina avoir fait éclore l'évidence d'entre les ténèbres de fes doutes. Il fe fentit fi perfuadé & fi convaincu des raifons qu'il avoit de douter, qu'il s'en fervit pour prouver une premiere vérité, fçavoir la certitude de fon existence. Il crut auffi avoir trouvé de grandes

reffources dans les idées qui ont été perfectionnées depuis, en comparant le rapport & la contrarieté qu'elles ont entr'elles, & avec la réalité des chofes, Depuis que cette comparaison n'a pas femblé afsez évidente, on a confulté le * divin xóyos, ou le monde ideal, dans l'efperance d'en tirer des idées plus parfaites, & l'on eft enfin parvenu à fe figurer que l'on voyoit toutes chofes en Dieu. Si cette methode étoit auffi aisée à pratiquer qu'on l'affûre, je ne fçais pas ce que nous aurions à defirer de plus: car à peine verrons nous plus clairement dans l'état de la gloire. C'est ce que nous toucherons plus particulierement dans la fuite.

Il en eft des autres fciences com❤ me de la philofophie. Nous avons beau nous enorgueillir de nos prétenduës découvertes, & nous fatter qu'il y a peu

*Le Verbe de Dies.

de chofes cachécs