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aux exactes recherches d'un fiecle.

per

auffi éclairé que le nôtre. Il me paroît que nous fommes encore bien enfoncés dans les ténèbres, & que les fciences loin d'avoir à nous donner de la vanité font encore dans un état fi éloigné de la fection, que ce doit être pour nous un fujet d'abaiffement & de mortification.C'eft dans cette vûë que je me propofe d'en examiner les défauts. Si l'exécution répondoit à mon deffein, je ferois lur d'avoir l'aprobation des lecteurs exemts de partialité.

CHAPITRE SECOND.

C

Des Langues.

Omme les Langues font les canaux des fciences, il faudroit qu'elles n'euffent ni obfcurité ni ambiguité pour nous donner des connoiffances claires & certaines. Si ces canaux font corrompus, les eaux qui y coulent ne peuvent pas être claires. Les mots ne font pas des fignes fort certains des choses. L'équivoque qui y regne fouvent leur donne diverfes fignifications. On ne doit pourtant pas difconvenir, qu'il n'y ait des sujets affez intelligibles par eux-mêmes

pour être entendus dans le même fens en toutes fortes de langues; mais il n'en eft pas ainfi à l'égard des fciences. Ce font des matieres délicates où il faut prendre le fens

précis, & où l'on ne peut fe tromper dans un mot fans s'écarter de la pensée.

re,

La premiere langue, c'est-à-dila langue Hebraïque étoit tres-nette & tres- fimple; preuve convaincante que cette langue est originale: elle avoit peu de racines toutes tres-fimples & non compofées, elle n'étoit pas tant destinée à l'acroiffement de la doctrine des hommes, qu'à la perfection de leurs mœurs ; & c'eft une fin à laquelle elle répondoit parfaitement. Les langues anciennes font en général les moins compofées, & par conféquent elles font plus faciles & plus claires : mais d'un autre côté tant qu'elles font reftées en cet état, on les a trouvées auffi défectueufes qu'elles étoient aifées. C'est pourquoi l'on a été obligé de s'appliquer au progrès du langage. Sur tout à mesure qu'on a découvert les arts, les langues fe font

augmentées. Il a fallu forger de nouveaux mots pour exprimer les nouvelles idées que l'on a euës des choses. C'est de là que les langues ont receu tant d'étenduë : & prefentement qu'ellesabondent en mots,elles font plus embaraffantes que lorfqu'elles en manquoient. Les langues ont deux principaux inconveniens, la diverfité & l'inftabilité.

Premierement s'il n'y avoit qu'une langue dans le monde, nous aurions plus de facilité que nous n'en avons à acquerir les sciences. Nous pourions nous appliquer d'abord aux chofes, au lieu qu'il faut que nous emploïons une grande partie de notre temps à des mots; & fouvent avec fi peu d'utilité que la pointe de notre efprit refte émouffée après une étude fi rude & fi defagreable.

Lorfqu'on a furmonté les difficultés des langues, on a beau en

élever le prix & fe croire avancé dans les fciences: on ne tient encore rien de folide, & fi l'on ne s'attache aux chofes qu'elles expliquent,on peut en entendre plufieurs fans être pour cela plus fçavant. C'eft à cette fin qu'on doit les aprendre, & la dure condition des sciences eft de dépendre des langues. En effet pour devenir fçavant, il faut neceffairement dévorer ce travail. C'eft une mine qu'il faut creufer. Avant que de fe rendre maître du riche metail qui y eft caché, on a bien de l'écume à féparer, & bien des obstacles à détruire.

Quand je parle de la diverfité des langues, je ne dis point qu'elles foient toutes néceffaires; du moins ce n'eft pas pour les fciences en general: autrement il y aurcit peu de favans acomplis mais quoiqu'elles ne foient pas toutes néceffaires, il y en a dont on ne peut fe

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