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flegme en digeftion pendant quelque tems avec l'or, comme j'avois fait la premiere fois. Il s'y eft teint de même legerement en jaune. J'en ay retiré le morceau d'or, & j'ay mis de l'argent à la place: il s'y eft diffous fans ébullition en une bouë noire, comme il avoit fait la premiere fois.

J'ay voulu refaire cette operation avec la même liqueur environ un an aprés. Elle a fait précisément le contraire de ce qu'elle avoit fait en premier lieu, c'eft à dire qu'elle a diffous l'or fort fenfiblement & avec ébullition, & elle n'a rien fait fur l'argent. J'ay refait de nouvelle liqueur femblable à la premiere, qui a diffous l'argent. J'ay laiffé vieillir cette liqueur; & elle n'a plus diffous l'argent, mais elle a diffous l'or: de forte que les circonftances qui m'ont paru neceffaires pour faire diffoudre l'argent dans ce flegme de l'eau-regale, font, qu'il foit premierement foible, qu'en fecond lieu il ait été auparavant en digestion avec l'or, & que troisièmement il foit nouveau distilé.

Il faut obferver icy que ce flegme d'eau-regale eft clair & fans couleur comme de l'eau de riviere, avant que d'avoir été mis fur l'or; qu'il devient jaune pendant qu'il eft fur l'or; & qu'il fe noircit comme de l'encre pendant qu'il eft fur l'argent. Il faut encore observer qu'il ne dissout l'argent qu'après avoir été pendant quelque tems en digeftion avec l'or: Que l'argent ne paroît pas fe diffoudre dans cette liqueur de la même maniere qu'il fait dans l'eau-forte, dans laquelle il devient liquide & transparent comme de l'eau, au lieu que dans le cas dont il s'agit icy, il paroît fe defunir feulement & devient comme une bouë noire: Que tout cecy n'arrive que lorfque ce flegme est nouveau fait : Enfin que quand il a été gardé fept ou huit mois dans un lieu un peu chaud, il produit des effets tout à fait contraires; c'est à dire qu'il diffout fenfiblement l'or qu'il ne paroiffoit pas diffoudre auparavant, & qu'il ne diffout point du tout l'argent qu'il diffolvoit auparavant.

Ces effets qui paroiffent bizarres & extraordinaires, fe peuvent réduire à deux obfervations principales. L'une eft que cette liqueur ne diffout l'argent qu'après avoir été en

digestion

digeftion avec l'or: l'autre eft qu'elle diffout l'argent quand elle eft nouvellement faite, fans qu'elle paroiffe diffoudre l'or; & qu'elle diffout l'or quand elle eft vieille, fans diffoudre l'argent.

Pour concevoir la raison de la premiere, fçavoir pourquoy le flegme de nôtre eau-regale ne diffout l'argent qu'aprés avoir été en digestion fur l'or; il faut confiderer que ce flegme eft une vraie eau-regale, mais fort foible, qui ne laiffe pas de diffoudre une petite quantité d'or, quoiqu'il paroiffe n'en point diffoudre; ce qui eft affez marqué par la couleur jaune qu'il acquiert quand il a été pendant quelque tems fur l'or & qu'il teint les doigts en rouge brun. Il faut encore confiderer que ce flegme ne confifte qu'en une tres petite quantité d'efprit de fel & en autant à peu prés d'efprit de nitre, qui nagent & qui font difperfez en une grande quantité d'eau, & que ce peu d'esprit de fel & ce peu d'efprit de nitre ne fe font pas encore penetrez & mis en une feule matiere, & que par confequent ils peuvent encore agir chacun féparément fur le métail qui lui convient, c'est à dire, l'efprit de sel fur l'or, & l'efprit de nitre fur l'argent.

Et comme la prefence de l'efprit de fel empêche l'efprit de nitre de diffoudre l'argent, & qu'au contraire la prefence de l'efprit de nitre n'empêche pas l'efprit de fel de diffoudre l'or, cette liqueur qui contient en même tems ces deux efprits, ne fçauroit diffoudre l'argent que l'efprit de fel n'en ait été feparé, ou qu'il foit occupé de maniere qu'il ne puiffe empêcher l'efprit de nitre d'agir fur l'argent: ce qui arrive précisément quand on met cette liqueur pendant quelque tems en digeftion fur l'or, parceque tout l'efprit de fel qu'elle contient eft pour lors occupé & chargé d'autant d'or que ce peu d'efprit de fel eft capable d'en diffoudre, de forte que le refte de la liqueur devient à l'égard de l'argent comme s'il n'y avoit point d'efprit de fel, c'eft à dire qu'elle devient une fimple eau-forte, qui eft le diffolvant ordinaire de l'argent. Mais ce peu d'or qui avoit été diffous auparavant par l'ef

prit de fel, & qui reste dans cette liqueur, se précipite lorfqu'on y met l'argent en une poudre noire, laquelle eft capable de teindre toute la liqueur en noir: cette noirceur s'augmente à mesure que l'argent s'y diffout, parceque l'or ne fe précipite qu'à mesure que la diffolution de l'argent fe fait, cette diffolution étant la cause unique de la précipitation de l'or.

La diffolution de l'argent y eft d'abord veritable, c'est à dire qu'elle s'y fait en liqueur tranfparente & claire comme elle fe fait ordinairement par l'eau-forte. Mais comme elle fe mêle à mefure avec celle de l'or qui avoit été faite par l'efprit de fel, & dont la confufion fe précipite toûjours réciproquement; il en réfulte un mêlange d'une chaux d'argent & d'une chaux d'or précipitées l'une par l'autre, qui produisent cette bouë noire qui paroît aprés la diffolution de l'argent.

Il fera facile de trouver maintenant la raifon de la feconde observation; fçavoir, pourquoy le flegme de nôtre eau regale diffout l'argent quand il eft fraîchement fait, fans qu'il paroiffe diffoudre l'or; & qu'il diffout l'or quand il eft vieux gardé, fans diffoudre l'argent. On n'a qu'à fe fouvenir de ce qui a été dit cy-deffus, fçavoir, que ce flegme eft une vraïe eau-regale, mais fort foible, dans laquelle l'efprit de fel & l'efprit de nitre nagent pêle-mêle, mais féparément & fans fe penetrer dans le tems qu'il est nouveau fait; & qu'alors ces deux efprits font encore capables d'agir féparément l'un fur l'argent & l'autre fur l'or, comme nous l'avons vû dans l'explication précedente.

Mais ce flegme ayant été gardé pendant cinq ou fix mois ou davantage dans un lieu non froid; les deux efprits acides qu'il contient, fçavoir, l'efprit de fel & l'efprit de nitre, fe penetrant & s'uniffant peu à peu ensemble, ils produifent une eau-regale inféparable; de forte que mettant cette liqueur fur l'or, les deux acides qu'elle contient n'agiffant plus féparément l'un comme efprit de fel & l'autre comme efprit de nitre, mais de concert comme

une fimple eau- regale, ils diffolvent ensemble autant d'or qu'ils font capables d'en diffoudre, fans toucher jamais à l'argent, foit devant ou aprés la diffolution de l'or.

Et comme par l'union de ces deux efprits, celui du nitre eft devenu auffi un diffolvant de l'or, ce qu'il n'étoit pas auparavant; nôtre liqueur étant vieille doit diffoudre le double de l'or de ce qu'elle étoit capable d'en diffoudre étant nouvellement faite : ce qui a été la caufe de l'apparence qu'elle ne diffolvoit point l'or étant nouvelle, & qu'elle en diffolvoit étant vieille.

Cette operation a féduit un des plus grands Chimistes de l'Europe. Il a crû voir dans cette bouë noire non-feulement une diffolution de l'argent par l'eau-regale, mais de plus une veritable tranfmutation de l'argent en or. Mais en l'examinant avec un peu d'attention, on décou vre fans peine que dans toute cette operation il n'y a rien d'extraordinaire, & que bien loin d'y trouver une vraïe transmutation de l'argent en or, il n'y a qu'une fauffe parence d'une diffolution de l'argent par l'eau-regalė; toutes les obfervations y étant communes & ordinaires, pourvû qu'on en éclairciffe les causes & les circonstances, comme nous venons de le faire.

REFLEXIONS

Sur les apparences du corps de la Lune.

PAR M. DE LA HIRE,

ap.

Es premiers hommes qui s'appliquerent à la contemcorps celeftes, confidererent d'abord 14. Avril leurs mouvemens pour en tirer quelque utilité par rapport à la vie. Le Soleil fut le premier qui reglant le cours de la journée, & divifant les faisons leur fournifloit ce qui étoit neceffaire pour la culture de la terre, qui étoit la principale occupation de ces tems-là. Cet aftre leur mar

quoit la durée des tems par fa révolution entiere fur les étoiles du firmament, & c'eft ce qu'ils appellerent une année. Mais cette année compofée de 365 jours étoit de trop longue durée pour déterminer les differens accidens de la vie qui arrivent chaque jour : c'eft-pourquoy ils eurent recours au second luminaire qui eft la Lune, & qui parcouroit tout le Ciel en moins de 30 jours. Cet efpace de tems leur fervit à partager l'année en 12 parties à peu prés qu'ils appellerent Lunes ou Lunaifons, & c'est par le moyen de ces deux divifions du tems que les faits de l'antiquité la plus reculée & l'ordre dans lequel ils font arrivés, font parvenus jusqu'à nous, fans qu'on pût y remarquer aucune erreur, fi nous n'étions dans l'incertitude des Epoques differentes dont ils fe font servis, & s'ils n'avoient fuppofé plufieurs connoiffances tres - communes dans leurs tems, dont ils ne penfoient pas que la memoire pût jamais être éteinte.

C'en étoit affez pour l'utilité de la vie, & même en quelque façon pour la curiofité, fi l'efprit de l'homme qui n'eft jamais content de ce qu'il poffede, ne s'étoit porté à contempler avec attention les corps mêmes de ces aftres. Le Soleil étoit trop lumineux pour le regarder, & fi on le voyoit quelquefois au-travers d'un brouillard épais, on ne remarquoit aucune inégalité fur fon corps; toutes les étoiles étoient trop petites, il ne reftoit donc que la Lune qu'on pût voir tres-facilement avec toutes les taches qui paroiffent fur fon difque.

Cet aftre fit d'abord leur admiration, en confiderant qu'il ne tournoit jamais vers la terre qu'un même côté de fon globe, ce qu'on remarquoit par le moyen des taches qui y font fi fenfibles & fi bien diftinguées.

Ce font ces mêmes Aftronomes qui confiderant attentivement les phases de la Lune, jugerent bien-tôt qu'elle recevoit fa lumiere du Soleil, & qu'elle devoit être d'une matiere folide, puifque tout ce qu'ils pouvoient y appercevoir ne leur paroiffoit fujet à aucun changement. Cependant l'attention qu'ils apportoient à obferver la

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