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DIVERSES EXPERIENCES

ET

OBSERVATIONS CHIMIQUES

ET PHYSIQUES.

Sur le Fer & fur l'Aimant.

PAR M. LE MERY le fils.

E Fer eft de tous les metaux le plus commun, & ce- 1706. pendant celui qui merite da davantage l'attention des 14. Avril. Phyficiens & des Médecins. Les Phyficiens trouvent dequoi s'occuper en confiderant avec quelle facilité la matiere magnetique paffe au travers de fes pores, & les effets furprenans qu'elle produit fur ce metal; & les Medecins ne peuvent affez l'étudier, puifqu'il eft fouvent un excellent fpecifique dans plufieurs maladies. D'ailleurs il entre dans la compofition d'un grand nombre d'eaux minerales, non-pas fous fa forme metallique, mais fous une autre qu'il a acquife en s'uniffant avec differens fels, & l'on peut dire qu'il fait la principale & peut-être la feule vertu de ces eaux. Il eft donc important de s'inftruire le plus qu'il eft poffible de la nature particuliere de ce metal, des differentes metamorphofes dont il eft fufceptible, & de celles qui peuvent le rendre plus ou moins propre à produire de bons effets dans nos corps. C'eft dans cette vûë que j'ai fait un affez grand nombre d'experiences, dont je ne rapporterai prefentement que quelques-unes, par lef. quelles j'efpere faire voir, 1°. Que le Fer fe décompofe affez facilement. 2°. Quels font les principes dont il eft compofé. 3°. Que le Fer n'eft foûmis à l'action de la matiere magnetique que par une partie de lui-même, qui étant feparée des autres, n'en reçoit enfuite que que mieux

cette matiere dans fes pores; & enfin comment on peut conjecturer que le Fer fe prépare, & s'altere dans les entrailles de la terre pour devenir enfuite la matiere la plus propre à faire de bon Aimant.

En faisant les trois premieres experiences dont je vais parler dans la suite, je voulois m'éclaircir de deux chofes. 1°. Si dans les matieres où l'on fçavoit certainement que le Fer avoit entré, & où il n'en reftoit plus de vestige, il avoit tout à fait changé de nature, où s'il étoit réductible dans fa premiere forme; car quoique les autres metaux se revivifient, on avoit lieu de foupçonner qu'il pouvoit bien n'en pas être de même du Fer qui eft un metal groffier, indigefte, dont on tire par la Chimie un fou fre fenfible, & qui femble ne devoir produire les effets dans certaines maladies qu'en fe décompofant dans nos

corps.

2o. Comme l'on fait un vitriol femblable au vitriol commun avec le Fer & avec plufieurs efprits acides, je voulois fçavoir fi l'on ne pourroit point trouver quelque marque de Fer dans le vitriol commun, pour me convaincre encore plus que je ne l'étois, que le vitriol naturel se forme dans les entrailles de la terre, avec les mê. mes matieres, & de la même maniere que nous en faisons dans nos laboratoires,

Pour fatisfaire à ces deux vûës, je pris trois fortes de matieres: la premiere étoit un vitriol de Mars que j'avois fait à la maniere ordinaire avec la limaille de fer, & avec l'efprit de vitriol. Je paffai fur ce vitriol artificiel, & autant fec qu'il le pouvoit être, une lame d'acier aimantée, qui n'y fit pas la moindre chofe. Je le mis enfuite dans une cornuë, & je le distillai à grand feu: j'eus un efprit acide, mais qui fentoit fi fort le foufre commun, qu'il étoit impoffible de tenir un moment le nez deffus. Cette odeur fe conferve long-temps aprés la diftillation de ce vitriol; car elle a duré plus de cinq mois & dure encore affez fortement. La matiere reftée dans la cornuë étoit rouge, fentant auffi beaucoup le foufre commun, c'étoit

un

un veritable colcotar. J'y passai une lame d'acier aimantée qui n'y fit rien.

Il est a remarquer que cette matiere s'humecte facile. ment à l'air, principalement quand on ne lui a pas enlevé pendant la diftillation autant d'acides qu'on le pouvoit faire, & il fe forme à la furface de ce colcotar plufieurs floccons d'une matiere graffe, jaunâtre, & qui ref semble beaucoup au foufre commun; je mis ce colcotar dans un creufet recuit & tres-fec, je plaçai ce creufet dans un fourneau de fonte, & aprés que la matiere qui étoit dedans eut été pouffée par un feu tres-violent, & qu'elle eut jetté une forte odeur de foufrre commun, elle devint noire, rarefiée, & fut attirée par l'Aimant du moins auffi fortement que le fer ou l'acier.

La feconde matiere dont je me suis fervi étoit de la roüille de fer réduite en poudre, qui étoit autant parfaite qu'elle pouvoit l'être, & fur laquelle l'Aimant ne produifoit prefque plus aucun effet. Cette feconde matiere pouffée dans le même fourneau par un auffi grand feu que la premiere, jetta une forte odeur de foufre commun enfin devint noire, & fut aifément attirée par une lame d'acier aimantée, mais non-pas tout à fait si bien que la précedente.

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&

La troifiéme matiere fur laquelle j'ai travaillé étoit du colcotar resté dans la cornuë aprés la distillation du vitriol d'Angleterre, & adouci autant qu'il avoit été poffible avec de l'eau commune. En cet état il n'a rien fait avec l'Aimant, mais aprés avoir été pouffé par un feu femblable à celui des deux premieres operations, & avoir donné une forte odeur de foufre commun, il s'eft réduit en une matiere noire pareille à celle qui avoit été tirée du vitriol artificiel diftillé, & enfuite calciné par un feu de fonte. Cette derniere operation nous prouve certainement que le vitriol commun ne differe point de celui que nous faifons; & elle nous apprend en quoi confiste la nature particuliere du colcotar, qui eft un remede dont on fe fert beaucoup en Medecine.

En examinant les trois matieres qui m'étoient restées aprés les operations dont je viens de parler, je crus d'abord que le Fer s'étoit revivifié en fa premiere forme, cependant cette forte odeur de foufre commun qui s'étoit fait fentir dans chacune des trois operations, me donna lieu de penser que le Fer pouvoit bien avoir perdu en cette occasion une affez grande quantité de parties effentielles, pour être enfuite different de ce qu'il étoit auparavant. Je fis donc pour m'en convaincre quelques experiences fur le fer & l'acier, & en même tems fur ces trois matieres. Voici les differences que j'y remarquai.

1o. Les grains de ces trois matieres s'écrafent facilement, foit dans un mortier, foit entre deux instrumens d'acier trempez; & des grains de même volume de fer ou d'acier s'y applatiffent plutôt que de s'y écraser.

2o. La limaille de fer, & particulierement celle d'acier étant jettée fur les charbons ardens, ou dans la flamme d'une bougie, s'y allument & petillent fortement, ce qui n'arrive point à nos trois matieres réduites en poudre.

3°. Je n'ai point remarqué que ces matieres fe roüillaf fent à l'humidité, ni dans les eaux douces & falées, comme le fer.

4°. Plufieurs fucs doux & aigres des vegetaux qui tirent fort aisément & en affez peu de tems de fortes teintures du fer & de l'acier, ne font rien aprés un long-tems fur ces matieres. Cependant j'ai remarqué que la matiere tirée de la rouille donnoit avec quelques-uns de ces fucs un de teinture; on en verra la raifon dans la fuite.

peu

fo. L'eau-forte & l'efprit de nitre qui fermentent fi vioIemment avec le fer ne font rien du tout fur les trois ma-' tieres.

6°. L'efprit de fel qui fermente affez fortement avec le fer, & l'efprit de vitriol qui aprés une fermentation assez confiderable réduit le fer en vitriol, demeurent tranquilles avec ces trois matieres, & ne leur caufent aucune alteration fenfible.

Enfin l'huile de vitriol & les efprits d'alun & de foufre

verfez fur ces trois matieres, n'y paroiffent pas d'abord faire aucun effet, fi ce n'eft l'efprit de foufre qui y produit une ébullition fi petite, & qui dure fi peu, qu'à moins qu'on ne l'éxamine de prés & avec attention, on a bien de la peine à s'en appercevoir. Quand les efprits dont il a été parlé ont refté quelque tems fur ces matieres, il fe forme à leur furface une poudre blanche & un peu graffe qui conferve plus ou moins de tems fa blancheur, & qui devient fouvent rouge brune dans la liqueur même. Ces matieres autant alterées qu'elles le peuvent être, feparées de la liqueur qui étoit deffus & fechées, font enfuite attirées presqu'auffi bien qu'auparavant par une lame d'acier aimantée, & n'ont tout au plus fouffert en cette occafion qu'une rouille tres-legere. A l'égard du fer & de l'acier, l'huile de vitriol & les efprits d'alun & de foufre, leur caufent des changemens bien plus confiderables, que je rapporterai avec plufieurs autres experiences destinées pour un fecond Memoire fur le fer. On peut donc dire en general que les liqueurs qui diffolvent le plus parfaitement le fer, font à peine capables d'apporter une petite alteration aux matieres dont il s'agit.

De toutes les experiences que j'ai faites fur le fer, je croi pouvoir conclure qu'il eft compofé d'une matiere terreuse, unie intimement à une matiere huileufe. Comme il fe décompofe aifément par le fecours des moindres acides, il ne paroît pas vrai-femblable qu'un principe auffi propre à détruire ce metal, foit entré en grande quantité dans fa compofition; je croi même que moins les principes qui ont fervi à le faire ont contenu d'acides, plus le metal qui en eft provenu a été malleable & parfait. On dira peut-être qu'on trouve dans le fer des marques d'une affez grande quantité d'acides; mais je tâcherai de faire voir en parlant de la roüille, que ces acides font étran gers au fer; qu'avant que d'avoir produit quelque effer fur le fer, ils n'y font point unis intimement, qu'en les chaffant alors de ses pores, il n'en devient que plus pur, & s'il m'eft permis de parler ainfi, plus fer qu'auparavant,

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