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qu'il y a une difference fenfible entre le Son de la voix de la Parole & celui de la voix de Chant, même entonné fur le Ton de la Parole. La question eft de trouver la cause de la difference de ces deux voix, & de dire en quoi elle confifte.

Les longues tenuës fur une même note dans la Mufique peuvent fervir à cette découverte. C'est à cette occafion que je me fuis apperçu dans la voix de Chant d'une certaine ondulation qui n'eft pas dans la voix de la Parole. Cette ondulation eft affez semblable aux vibrations qu'on remarqueroit dans un poids fufpendu au milieu d'une corde bandée horizontalement, fi aïant tiré ce poids en embas ou en enhaut, on l'abandonnoit au reffort de cette corde bandée. Car alors ce poids auroit un branle haut & bas, plus ou moins preffé felon que la corde feroit plus courte ou plus longue, plus ou moins bandée. Tout le monde ne s'apperçoit pas de cette efpece de branle flottant dans les belles voix, qui fuppofent un degré de force fuffifant pour donner lieu à la caufe de la difference du Son de la voix de Chant & de la voix de Parole par une ondulation moderée & foûtenuë: mais tout le monde s'en apperçoit dans les voix de Chant foibles & naturellement tremblantes. On voit bien que je ne parle pas du tremblement des cadences, puifque ces tremblemens font compofez de l'intervalle d'un Ton ou d'un demi Ton, ce qui ne fe trouve pas dans l'ondulation dont je parle.

Je dis donc que ces voix naturellement tremblantes dans le Chant, ne font pas toûjours tremblantes pour la Parole. En voici la raifon. Tout tremblement involontaire vient de foibleffe. Il doit donc paroître dans tous les mouvemens volontaires qui éxigent plus de force qu'il n'y en a dans l'organe du mouvement, & le tremblement ne doit point paroître dans les mouvemens qui font proportionnez à la force. La voix de la parole ne tremble pas ordinairement dans ceux qui ont la voix de Chant tremblante. Il y a donc apparence que la voix de Chant éxige plus de force que la voix de la Parole, même dans le Ton

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de la Parole. Ce qui eft tremblement par foibleffe involontaire dans la voix de Chant naturellement tremblante, cela même est cette espece de flottement volontaire & foûtenu, dans le Son de la voix de Chant en ceux qui ont la voix agreable. Mais dans le Chant tremblant c'est une chûte pefante & frequente, & dans le Chant agreable c'eft comme une espece de vol, aifé, temperé, & foûtenu. D'où je me perfuade qu'il s'enfuit que la difference du Son de la voix de la Parole & de la voix de Chant dans ceux-cy, vient de la difference qu'il y a entre le larynx affis fur fes attaches en repos pour la voix de Parole, & le larynx fufpendu fur fes attaches en action, par une efpece de balancement volontaire qui s'enfuit, fans qu'on y faffe reflexion de la feule volonté de paffer de la voix de la Parole à celle du Chant. fur le ton de la Parole. J'ajoûte fur le ton de la Parole, afin qu'on n'ait pas lieu d'attribuer au changement de ton, ce qui n'eft que l'effet du changement de fon.

J'ay dit que cette difference confifte en ce que la voix de Chant s'execute par la glotte dans un larynx fufpendu & en mouvement de haut en bas & de bas en haut fur fes mufcles fufpenfeurs, & la voix de la Parole dans un larynx affis fur les mêmes attaches en repos. La voix, foit de la Parole, foit du Chant, eft toute entiere de la glotte dans le Son & dans le Ton: mais l'ondulation qui en fait la difference n'eft ni du fon, ni du ton, ni de la glotte, mais du larynx entier. Cette ondulation paroît dans le son, mais comme circonftance du fon, & non comme partie du fon. En un mot elle n'est dans le fon, que parceque la partie fonante, c'eft à dire la glotte, eft portée dans un canal flottant, c'eft à dire dans le larynx. On voit quelque chofe de femblable dans le tremblant de l'Orgue, qui ne change rien au Ton de chaque tuyau, & qui ne peut avoir été inventé que pour imiter la voix du Chant par cette circonftance; ce qu'il ne fait pourtant que fort imparfaitement. La glotte ne fait donc rien à cette circonstance du fon; car tous les mouvemens de la glotte 1706.

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font de ferrer plus ou moins: or ces mouvemens feroient differens Tons. Les doigts de la main gauche des joueurs de Luth, de Theorbe & de Viole pratiquent quelque chofe de femblable à ces vibrations du larynx haut & bas toutes les fois qu'ils veulent embellir leur jeu en imitant la voix. Tous ces Inftrumens ont leur manche divifé par des touches. Or quand le joueur d'inftrument veut imiter la voix, il foûtient de la main gauche le fon de la chorde frapée ou pincée de la droite. Pour cet effet il agite haut & bas entre deux touches le doigt de la gauche qui presse fur le manche la corde pincée, & il foûtient par ce mouvement alternatif un Son continué, ondoïant fur le Ton de cet entre-touche. Ce Son eft fort agreable, & imite fort bien un port de voix. Or un des agrémens de ce Son est l'ondulation, qui ne vient que de ce que le doigt de la main gauche, agité haut & bas, preffe de moins en moins la corde contre la touche, quand il gliffe de bas en haut, & la preffe de plus en plus quand il gliffe de haut en bas; d'où il arrive que la touche donnant le ton, il demeure le même quant au jugement du fens, quoiqu'il ne foit pas le même mathematiquement parlant: mais paroiffant le même, il eft fenfiblement varié, & par-là rendu plus agreable.

Mais d'où vient la difference qui fe trouve entre ces deux voix, en ce qui regarde non-feulement cette circonftance du fon, mais le fon même dans ceux en qui la voix de la Parole n'eft pas agreable, & en qui la voix de Chant eft belle ? C'est une autre question. Mais comme cette queftion fuit naturellement la premiere inftance, par laquelle j'ay infinué que ces deux voix font differen tes dans la même perfonne, je veux bien faire plus que je ne m'étois propofé, & tâcher de réfoudre encore cette queftion. La folution dépend du principe d'une autre circonftance de la voix de Chant; car elle eft non-seulement ondoïante, ce que la voix de la Parole n'eft pas, mais elle eft encore plus fonante que celle de la Parole. En voici la raison, fi je ne me trompe.

Il est ordinaire lorfque plufieurs mouvemens concou rent à la même action, quoique differemment, que dés que l'action eft commandée tous les mouvemens concurrents s'executent, & qu'ils s'executent avec plus de force quand l'action eft plus difficile & demande plus d'attention. Telle est l'action du Chant à l'égard de celle de la: Parole. Ainfi dés que les mufcles fufpenfeurs du larynx font, pour ainfi dire, avertis d'entrer en action par le Chant, les dilatateurs du larynx entrent dans celle qui. leur convient pour contre-bander la glotte, les dilata teurs de la glotte entrent en mouvement pour la dilater, & les cordons tendineux de la glotte avertis par le feul contrafte de leur état naturel, commencent à fe bander pour foûtenir le ton de la Parole entonné en Chant. De tout cela résulte un fon plus net que celui de la Parole. Car la voix de la Parole dans les Tons qui lui conviennent eft plus negligée que celle du Chant; & quoique le Ton foit fuppofe le même, & par confequent l'ouverture la même pour les dimenfions, les parties qui lui donnent ces dimensions ne font plus au même état, étant les unes contre les autres dans un contrafte plus marqué. Voilà pour ceux en qui la voix de la Parole eft defagreable, & qui ne laiffent pas de chanter agreablement. Pour les autres il n'eft pas difficile d'imaginer qu'un contrafte immoderé peut produire un Son defagreable, comme j'ay obfervé en quelques perfonnes dont la voix du Chant prend un fon de canard ou de cornet, ou devient ràde & tremblante, quoiqu'elle foit plus agreable dans la converfation.

Tout cela fait voir une action plus marquée dans la voix de Chant, que dans la voix de la Parole. Et cela fe con. firme en ce qu'ane longue converfation hauffe le Ton de la voix à mesure que la converfation s'anime, au lieu qu'un Chant foûtenu long-tems fur le même ton baifle prefque inévitablement, comme on voit dans tous les Chacurs de plein Chant, qui ne font foûtenus d'aucun inftrument de Mufique; car on eft obligé pour cette rai

1706. 28. Avril.

fon à remonter le ton à la fin des longs Pfeaumes; cette précaution étant neceffaire pour empêcher que le ton baiffant de plus en plus, la plupart du Choeur ne fût obligée ou de fe taire avant la fin de l'Office, ou de prendre l'octave en haut dans les tons les plus bas de chaque verfet. Or tout cela ne vient que de la grande action qui accompagne le Chant dans toutes les circonftances qui le rendent different de la Parole. Et comme cette action fi marquée & fi compofée a été excitée à l'occasion du mouvement imperceptible de la glotte pour entonner, qui a donné le branle à tous les autres mouvemens beaucoup plus confiderables: tous ces mouvemens pris ensemble laffant toute la region vocale, le relâchement des autres parties donne à fon tour occafion à la glotte de se relâcher comme les autres parties, quoique ce foit celle qui travaille le moins dans le plein Chant ; & c'eft de ce relâchement que vient le baiffement du ton.

Voilà pour le Son de ces deux differentes fortes de voix, & fur la caufe probable de leurs differences.

OBSERVATIONS

DE LA COMETE

Faites depuis le 18 Mars qu'on a commencé de la voir, jufqu'au 16 d'Avril qu'elle a ceffe de paroître.

L

PAR MTS CASSINI ET MARALDI.

E 18 de Mars à minuit par les alignemens que nous fîmes des étoiles de Bootes & de la Couronne à l'égard de la Comete, nous déterminâmes fon ascension droite de 237° 20', & fa declinaifon feptentrionale de 36° 0.

Le 19 Mars le Ciel fut couvert.

Le 20 Mars à 11° 38′ nous déterminâmes la difference d'ascension droite entre l'épaule orientale de Bootes &

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