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vient donc pas de l'une de ces deux matieres féparément prife, mais de leur mêlange.

La décompofition des matieres fimples fort inflammables nous confirme la même chose, le fouffre commun prend feu ou s'enflamme à l'approche d'une petite étincelle de feu: mais quand on en a feparé la partie acide, comme je l'ay montré dans nos Memoires de l'année 1703, la partie huileufe qui refte dépouillée de fon acide, ne brûle plus, même quand on la met dans la flame d'une chandelle, elle ne fait que petiller, & pour la faire brûler il la faut mettre für des charbons fort ardens. Le phofphore de l'urine est de toutes les matieres inflammables celle qui s'enflamme le plus aifément, puifqu'elle prend feu par un fimple frotement tres-leger: mais quand on en fait l'analyse, on trouve qu'il fe fepare en une liqueur aqueufe tres-acide, comme feroit l'efprit de vitriol, & en une matiere terreuse jaunâtre & un peu graffe, dont la premiere n'eft point du tout inflammable, & la feconde ne brûle qu'avec peine. La plupart des matieres fulphureufes me. talliques, même des volatiles, ne font point du tout in flammables; de forte que la propofition feroit bien vraïe de dire que toutes les matieres inflammables font fulphureufes, mais non-pas celle que toutes les matieres fulphu

reufes font inflammables.

Nous avons remarqué que tous les fouffres non metalliques, comme la graiffe, le fang & [la moëlle dans les animaux, les huiles, les gommes & les réfines dans les plantes, &c. font compofez de fel, d'eau, de terre & d'huile: mais quand on confiderera que toutes les autres parties des animaux, des plantes & des bitumes font pareillement compofez de ces mêmes quatre matieres là, ce fera un furcroit de preuve que le fouffre eft le feul principe actif qui fe trouve dans tous ces trois genres de corps, puifque la matiere huileufe, qui en eft le fouffre particulier, nonfeulement se trouve dans toutes les parties des animaux, des vegetaux & des bitumes, mais auffi que la matiere hui. leufe elle-même comprend ces autres trois principes & en

1706.

10. Juillet.

eft compofée, ce que l'on ne fçauroit dire des autres principes. Cette compofition peut être variée infiniment; car la fubftance d'un corps compofé ne confiftant que dans l'affemblage des matières dont il eft compofé, fi l'on change cet affemblage, ou en rangeant les parties autrement, ou en augmentant quelques-unes de ces parties, dont la combinaison eft infinie, il est constant que le changement de la fubftance de ces corps pourra être infini auffi.

La matiere de la lumière, en produifant les matières fulphureuses, s'introduit dans la fubftance des corps, en change l'arrangement des parties & les augmente, & par confequent elle change la fubftance même de ces corps en autant de façons qu'elle fe peut differemment placer & en differente quantité, ce qui fait une varieté infinie, de forte que fi on vouloit comparer la varieté des matieres qui exiftent à celle qui pourroit être par toutes les combinaisons poffibles, nous ferions obligez de dire, que l'Univers connu n'eft que tres-peu de chofe en comparaifon de ce qu'il pourroit être, & même s'il y avoit plufieurs Mondes comme le nôtre, ils pourroient être tous differemment garnis d'objets fans changer la matiere, ni la maniere dont ces objets feroient compofez; ce qui marque une richeffe & une puiffance infinie de l'Estre qui ą produit l'Univers,

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MIEL

ET DE

SON ANALYSE CHIMIQUE.

L n'eft

IM

PAR M. LEMERY.

pas neceffaire que je traite ici de l'origine du Miel: tout le monde fçait affez que c'eft une fubítance fucrine que les Abeilles ramaffent des fleurs de diverfes

plantes,

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plantes, & qu'elles portent dans leur ruche pour leur nourriture & pour celle de leurs petites mouches. Cette substance fucrine ou miellée fe manifeste assez au goût dans plufieurs efpeces de fleurs, comme dans celles du trefle des prez, dans celles des rofes, des œillets; car fi on les léche principalement vers la partie d'embas, qu'on appelle onglets, & qui eft contenue dans le calice, on fentira un goût doux & agreable. Cette fubftance reçoit dans l'Abeille & dans la ruche une élaboration qui la perfectionne & la réduit en miel.

Plufieurs chofes contribuënt à faire de bon miel, comme la chaleur & la pureté de l'air, la bonté des Abeilles, la nature des plantes qu'elles ont léchées, l'adreffe des Ouvriers qui y travaillent.

On retire le miel des ruches en deux faifons, au Prin. temps & en Automne. Il me paroît que la premiere eft la plus convenable, parceque c'eft le temps où les Abeilles font dans leur plus grande vigueur, qu'elles vont humer & fuccer les rofées qui tombent abondamment aux mois d'Avril & de May, & que la fubftance des plantes eft plus pure dans le renouvellement de la chaleur.

La meilleure maniere de feparer le miel, eft de mettre les tablettes ou gateaux qu'on a retirez des ruches fur des clayes ou nattes d'ofier. Il en coule un beau miel blanc excellent qui fe congelle : on l'appelle Miel vierge.

On tire encore du miel blanc des gateaux qui reftent fur les clayes d'ofier, en les mettant à la preffe dans des facs de corde: mais il n'eft pas fi bon nifi blanc que le premier, tant à cause de la cire qui y donne une legere impreffion, que par l'expreffion des mouches vives ou mor tes, & même des vers gros & blancs qui s'engendrent quelquefois dans les ruches, & qui y portent un grand préjudice fi l'on n'y remedie; car on obferve que quand ces infectes fe font rencontrez dans le miel qu'on a exprimé, il ne fe congelle pas bien, à caufe du vilain fuc qui y eft entré: le goût en eft moins agreable, & il se garde dif. ficilement fans s'aigrir & se corrompre.

1706.

Mm

Le miel jaune eft tiré de toutes fortes de gateaux vieux & nouveaux qu'on a retirez des ruches: on les rompt, on les met dans des chaudieres, on y mêle un peu d'eau, & on les fait chauffer; puis les ayant envelopez dans des facs de toile, on les met à la preffe pour en faire fortir le miel : la cire demeure dans les facs.

Plufieurs cantons du Languedoc & du Dauphiné fourniffent le meilleur miel blanc que nous ayons en France: mais le plus eftimé & le plus recherché de tous, eft celui qu'on fait en un petit Bourg nommé la Corbiere, fitué à trois lieuës de Narbonne : c'eft celui que nous appellons miel de Narbonné. L'excellence de ce miel, à ce qu'on prétend, vient des Romarins qui font abondans & trescommuns dans cette contrée, & dont les Abeilles fuccent les fleurs; neanmoins je remarquay en une année que je demeuray au Languedoc, qu'encore que la gelée qui y fut grande & extraordinaire l'hyver, eût fait perir presque tous les Romarins, le miel qu'on recueillit au Printemps fuivant ne ceda point en agrément ni en bonne qualité aux miels qui avoient été tirez les années précedentes.

Pour le miel jaune nous en voyons de plufieurs fortes qui different dans leur confiftance, dans leur couleur plus ou moins foncée, dans leur odeur & dans leur goût. Celui qui fe tire de Champagne eft le meilleur, il doit être nouveau, de confiftance affez ferme, grenu, de couleur jaune dorée, d'un goût agreable. Les miels qui viennent de Ja Touraine & de Picardie font moins bons; ils font écu meux, mal liez, & fouvent d'une confistance trop liqui de, de couleur jaune affez foncée, fentant un peu la cire, & d'un goût moins agreable que celui du miel de Champagne. Le miel qui fe fait en Normandie eft le moins bon de tous, & le plus mal preparé : fa confistance eft quelquefois affez folide, & fouvent trop liquide: fa couleur eft rougeâtre, son odeur est desagreable, il a un goût de

cire.

Ces differentes qualitez de miels ne viennent pas tant de la temperature du climat, que de la bonne ou mauvai

fe manœuvre des Ouvriers. Ceux de Normandie mettent ́trop d'eau dans leurs gateaux, & ils font obligez enfuite d'en faire confommer une partie c'eft peut-être ce qui rend leur miel rougeâtre. Ils en feparent mal la cire par les preffoirs, ce qui fait qu'il a un goût de cire: ce n'est pourtant pas leur profit, car la cire eft bien plus chere le miel.

que

Le miel eft en ufage dans quelques alimens & dans les remedes, mais il l'etoit beaucoup davantage avant qu'on cût trouvé l'invention du fucre. Les Anciens en affaifonnoient leurs ragouts, & ils l'emploïoient pour leurs confitures, comme quand ils préparoient leur Melimelum, qui étoit du coing ou une autre pomme confite dans du miel. On en fervoit fur leurs tables. Ils s'en fervoient pour leurs firops & pour leurs autres compofitions medecinales, comme nous nous fervons du fucre. Ils en compofoient diverfes fortes de boiffons, comme de l'Hydromel qu'ils appelloient auffi Melicratum, Aqua mulfa, A pomeli. Nous nous fervons fouvent pour la délicateffe du goût à la pla ce de cet Hydromel, de l'eau fucrée.

Ils beuvoient du vin miellé qu'ils appelloient Oenomeli. Nous nous fervons à fa place du vin fucré, de l'Hypocras.

Ils beuvoient auffi de l'Oximel : c'étoit un mêlange de miel & de vinaigre qu'ils temperoient avec beaucoup d'eau pour se rafraîchir. Nous nous fervons à fa place du firop aceteux, du firop de limons, ou des autres Grops aigres, & nous n'emploïons plus guere ces liqueurs miellées que pour les remedes.

Au refte le miel eft fouvent préferable au fucre, quand on n'a point tout à fait égard à la délicateffe du goût; car outre que c'eft un ramas de la fubftance la plus pure & la plus étherée d'une infinité de fleurs qui pofledent de grandes vertus, il eft plus balfamique, plus pectoral & plus anodin que le fucre, qui n'eft que le fuc purifié & épaiffi du feul rofeau.

Le miel devient amer par une trop forte coction, de même que les autres chofes douces; il s'enflamme au feu à peu près comme le fucre.

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