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Indigens trouvoienr à fa porte de la foupe & de la viande, qu'elle faifoit diftribuer chaque jour. Elle établit à Valernes, une Confrairie du St. Sacrement, qui réuffit au-delà de fes efpérances. Son zèle actif lui faifoit tous les jours entreprendre quelque chofe d'avantageux pour la gloire de Dieu & pour le falut des ames. Le fruit qu'elle en retira, fut la converfion de plufieurs hérétiques, & de quelques perfonnes dont la vie fcandaleufe lui avoit fait répandre plus d'une fois, les larmes les plus amères.

Elle s'affocia, à Riez, plufieurs Dames vertueuses, qui alloient, tour-à"tour, à l'Hôpital, rendre les plus importans fervices à l'humanité fouffrante. Aix & plufieurs autres Villes de la Province, furent autant de théatres de fon amour pour les pauvres, & de fon dévouement à la pratique des plus émi

nentes vertus.

Elle s'appliquoit à ces faints exercices avec ardeur, lorfque le defir de la retraite lui fit concevoir le deffein de fe renfermer dans le couvent des Capucines de Paris. Cette maifon, & la règle qui s'y obferve, fatisfaifoient le goût de cette illuftre pénitente. L'Abbeffe du Monaftère à qui elle confia fon projet, tâcha de l'en dégoûter, en lui faifant obferver que fa viduité lui paroif foit un obftacle à fon admiffion. Pour faire réuffir fon deffein, Madame d'Oraison prit le parti de fonder un Couvent de Capucines à Marseille; elle s'y rendit avec fept Demoifelles, qui reçurent avec elle l'habit' de Novice, des des mains des Capucines qu'on envoya de Paris pour venir occuper cette nouvelle Maifon, La cérémonie de la Vêture fe

fit le 19 Juillet 1626. Quoique la Marquife eût depuis longtems renoncé au monde, l'acte qu'elle venoit de faire lui en donna encore plus de mépris; tout ce qu'on lui difoit à l'avantage de fes parens, lui caufoit une vraie peine; le nom de Fondatrice faifoit fon fupplice. Pour éviter des honneurs qu'elle ne croyoit pas mériter, elle partit, avec la permiffion de fes Supérieures, pour aller achever fon noviciat à Paris, où elle arriva accompagnée de M. Combe, & d'une Demoiselle de même nom qu'elle avoit auprès d'elle depuis long

tems.

Les Capucines la reçurent avec les diftinctions dues à fa qualité; mais elles refufèrent de l'admettre parmi elles, à la prière des Parens de la Marquife, qui, n'ayant pu empêcher fon départ de Provence vouloient, pour ainfi dire, la forcer d'y revenir; Dieu, qui en avoit difpofé autrement, permit qu'ils fuffent trompés dans leur efpérance. Madame d'Oraifon, fe voyant ainfi refufée par les Capucines de Paris, fit favoir fon état au Baron d'Allemagne, fon beau-frère, qui s'y trouvoit alors. Il courut à fon fecours: la Marquife en reçut des bienfaits; après quoi elle fe retira chez la Marquise de Magnelais, fa parente, en attendant de pouvoir exercer les œuvres de charité auxquelles Dieu la deftinoit. Madame de Magnelais, qui avoit auffi reçu des lettres de Provence, fit tous fes efforts pour déterminer fa pieufe coufine à retourner à Marseille. Le Baron d'Oppède, premier Préfident en Provence, & plufieurs autres perfonnes de diftinction, fe joignirent à elle pour l'engager à quitter Paris. Comme les

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Un jour elle s'approcha d'elle & lui dit: Ma chère Coufine, je ne puis plus yous cacher l'ordre que j'ai reçu de M. notre Archevêque.... Il m'a commandé de vous dire de quitter l'habit de Religieufe que vous portez, puifque les Capucines ne veulent pas vous recevoir.

Madame d'Oraifon fe foumit à l'ordre prétendu de l'Archevêque; mais elle ne changea pas de deffein. Dès qu'elle fut fortie de la maifon de fa Couline, elle commença la miffion pour laquelle Dieu l'avoit retenue à Paris. Tous les jours elle fe rendoit de grand matin à l'Hôpital, où elle paffoit jufqu'au foir à fervir les malades, & à les édifier par fes pieufes exhortations, & par la régularité de fa conduite. Elle ne prétendoit d'abord fe fixer que pour un tems dans cet Hôpital; fon zèle l'y fixa jufqu'à fa morr. Sa fidelle compagne, Mademoiselle Combe, ne l'abandonna jamais; elle reçut de notre pieufe Fondatrice, tous les fecours qu'elle pouvoit defirer dans une maladie fâcheufe, qui lui faifoit fouffrir les douleurs les plus aiguës.

Les Dame's de Guife, de Vendome & de Magnelais, ayant été informées de la réfolution que venoit de prendre Madame d'Oraifon, fe rendirent auprès d'elle pour la conjurer avec inftance, de prendre un appartement dans leur hôtel: la Maifon de Dieu, leur répondit-elle, eft bien plus confidérable que celle des Princes de la terre. Je fuis

avec Dieu, étant dans fon hôtel avec les pauvres. Je vous prie de me laiffer dans cet exercice, où je trouve toute la fatisfaction poffible, & une grande affurance pour mon falut. Elle remercia enfuite ces Dames de leur politeffe, & les quitta pour aller vaquer à fes exercices ordinaires. Elle diftribuoit l'argent & les provifions, que des perfonnes vertueufes lui envoyoient, aux pauvres qu'elle fervoit. Les Capucines, fes chères Soeurs, n'étoient pas oubliées dans ces fortes d'occafions; mais les aumônes qu'elle leur faifoit étoient fecrètes, & on ne fut d'où elles venoient, qu'après fa mort.

Le bruit de fon mérite fe répandit dans tout Paris. On ne parloit d'elle que comme d'une Sainte; on s'empreffoit de la vifiter, & on étoit toujours. édifié des exemples frappans qu'elle donnoit. Son jeûne étoit continuel. Après fa mort, les Religieufes de l'Hôtel-Dieu ont attesté ont attefté, qu'elle ne prenoit jamais pour nourriture que les morceaux de pain qui reftoient aux malades, réfervant pour eux la viande qu'on lui donnoit.

Sa foible complexion ne put pas foutenir longtems un genre de vie fi auftère. Une fièvre violente la faisit ; & après avoir reçu les Sacremens des mourans elle couronna fa fainte vie par une mort glorieuse, par une mort glorieufe, le 30 Mai 1627.* Tout Paris accourut à l'Hôtel Dieu pour avoir des reliques de cette illuftre morte. Plufieurs reçurent des faveurs fignalées en l'invoquant. Les Religieufes de l'Hôtel-Dieu paroiffoient inconfolables; elles fe difpofoient à rendre à son corps les honneurs de la fépulture, lorfque les Capucines leur difputèrent ce droit

L'affaire fut portée devant M. l'Arché vêque de Paris, qui ordonna : que le Corps de Madame d'Oraifon feroit enfé. véli dans le Sépulchre des Capucines. du Monaftère de Paris, avec l'habit de Capucine, puifque ç'avoit été toujours là fa volonté, & qu'elle en portoit l'habit fous fon habit ordinaire. Les Dames, les plus qualifiées de Paris, affiftèrent à fes Funérailles, après lefquelles le P. Raphaël de Clé, Capucin, prononça son Oraison, funèbre.

Il s'eft fait dans la fuite plufieurs Mi racles fur fon Tombeau.

(Extrait de fa vie, par le P. Marc de Baudun.

La famille d'Oraifon a produit des Savans dans différens genres. Elzéar d'Oraifon fit imprimer à Lyon, en 1619, in-4°. chez Morillon: [Etat de l'Eglife Militante, avec les Arrêts généraux fur les différens meus en la Religion, Extraits des Regiftres authentiques, & dédiés au Très-Chrétien Roi de France & de Navarre, Louis XIII du Nom, fils aîné de T'Eglife; enfemble le Catalogue univerfel des fouverains Pontifes en l'Eglife de Dieu, depuis la naissance du Monde, par le Sr. Elzéar d'Oraifon, fieur de Thorame & d'Antrages, Confeiller & Avocat du Roi au Siège de Digne en Provence, nouvellement habité à Marseille.

ORLÉANS DE LA MOTHE(LOUISFRANÇOIS-GABRIEL D'), l'un des plus vertueux Evêques de ce fiècle, nâquit à Carpentras, en 1683, d'un famille noble. Succeffivement Chanoine Théologal de l'Eglife de cette Ville, Grand-Vicaire d'Arles, Administrateur du Diocèfe de Senez; il fut nommé, en 1733, Evêque d'Amiens. Il ne dût cette Dignité qu'à fes qualités perfonnelles. Jamais, en effet,

il n'avoit approché de la Cour, & la Capitale (chofe peut-être unique dans ce Siecle) ne l'avoit pas vu une feule fois.

Ses vertus fe manifeftèrent avec un nouvel éclat après fa promotion. La principale fut fon humanité. Les Hommes difoit-il, nous louent pour la moitié de notre devoir que nous faifons, & nous devons trembler pour l'autre moitié que nous ne fajons pas. Vivant fans fatte & comme un iimple Prêtre, à peine avoitil les meubles néceffaires pour fes befoins. Il n'étoit que le dépolitaire de les revenus dont les pauvres étoient, pour la plus grande partie, les ufufruitiers. Dans les faifons les plus rudes, il rejetoit tout adouciffement. Il difoit, que l'afpérité des faifons eft une espèce de Pénitence publique que Dieu impofe aux hommes,; & qu'il n'y a qu'une difpofition anti Chrétienne qui peut feule chercher à en éviter les rigueurs. Ses Vifites paftorales dans les Campagnes, étoit pour lui une miffion continuelle. Il prenoit plaifir à s'entretenir avec ce peuple laborieux, qui, felon l'expreffion d'un Auteur moderne, expie les crimes des Grands.

Ce digne Evêque, accablé fous le poids des années & des infirmités, mourut le 10 Juillet 1774, à l'âge de 91 ans. Comme un nouveau François de Sales, il allioit à l'aménité du caractère. la vivacité de l'efprit le plus aimable: bien-faisant, charitable comme lui, le plaifir de fou lager les malheureux étoit un plaisir pour fon cœur comme lui enfin, homme fans préjugés, Prélat fans ambition, il fut tout à la fois le modèle des Pasteurs, l'exemple de fon Clergé, l'Apôtre de fon Diocèfe & les délices des gens de bien.

La gravité Paftorale & l'austérité Chré

tienne, n'avoit point étouffé en lui la plaifanterie honnête, & même piquante, que l'occafion faifoit briller pour un moment comme une lueur rapide fur fa bouche ingénue. Entr'autres faillies vives qu'on lui attribue, nous rapporterons nous rapporterons celle-ci. Des perfonnes accoutumées à venir chez lui, avoient pris l'habitude de tourner le derrière vers la cheminée, après avoir relevé les bafques de leurs habits, pour fe chauffer plus à leur aife. Cette habitude, fi fort adoptée par nos petits-maîtres, parut indécente au Prélat: Je favois bien, leur dit-il, avec fon air enjoué, que les Picards avoient la tête chaude, mais je ne favois pas qu'ils euffent le derrière froid.

Ses Lettres Spirituelles ont été imprimées à Paris, en 1777, en un vol. in-12. elles renferment le double avantage de l'inftruction & de l'agrément. Tout y refpire la candeur, le defir du bien, & fur-tout cette noble fimplicité qui caractérifoit cette illuftre Evêque. Ceux qui voudront de plus amples détails fur fa vie, peuvent confulter fon Eloge, fait par M. de Machault, fon Succeffeur, imprimé à Mons, in-4°. en 1774.

(Extrait fourni par M. P.)

ORONCE & VINCENT, frères, nâquirent dans l'ancienne Nice, de parens nobles, mais qui pratiquoient le culte des idoles. Elevés dans la religion de leurs pères, ces jeunes enfans facrifièrent aux fauffes Divinités; mais à peine eurentils entendu annoncer l'Evangile, à peine eurent - ils été témoins des prodiges qui s'opéroient par le ministère des Chrétiens, que, renonçant au Paganisme, ils demandèrent, avec ardeur, de recevoir le Baptême. C'étoit peu d'avoir reçu ce précieux avantage; devenus Apôtres auffi

tôt que Chrétiens, ils inftruifirent ceux à qui ils devoient le jour, & ils les bapti

sèrent eux-mêmes.

Nice n'étoit plus agitée par les troubles & les perfécutions qui l'avoient défolée quelques années auparavant ; mais les Chrétiens d'Efpagne étoient pourfuivis par le Préfident Ruffin, & la crainte des tourmens en avoit ébranlé plufieurs. Cette nouvelle parvint à nos jeunes Néophytes; il n'en fallut pas davantage pour embrafer leur zèle: l'efpoir de foutenir leurs frères, joint au delir de remporter la palme du Martyre, leur fit concevoir le projet de fe rendre en Espagne. L'exécution fuivit de près. Ils fe mettent en route, & arrivent à Rhodes, auprès du Diacre Victor, qui les reçut dans les tranfports d'une joie fainte. Bientôt ils, s'uniffent pour annoncer la Parole divine; & les converfions les plus éclatantes couronnent leur fuccès.

Ruffin ne pouvoit l'ignorer long-tems; il s'adreffa d'abord à Victor, à qui il demanda pourquoi il détournoit le peuple du culte des Idoles, & pourquoi il s'étoit affocié Oronce & Vincent, qu'il appelloit des féducteurs. Victor lui répondit avec force; c'est à tort que tu appelles féducteurs,ces adorateurs de Jefus-Chrift notre Dieu : ils tirent leur extraction du Sang Royal; ils connoiffent les Ecritures, & ils ne manquent jamais d'adorer le vrai Dieu fur la montagne voifine.

Ruffin étonné de ce difcours fe rendit fur le champ à la montagne que lui indiquoit Victor. Les deux Frères apprenant fon arrivée, vinrent au devant de lui avec autant d'affurance que de fatisfaction. Le Président leur ordonna de répondre à ses queftions; il leur repréfenta d'abord les défenfes de l'Empereur, relativement au

culte

culte du Christ qu'ils adoroient; il tâcha même de les attirer à lui par l'espoir des récompenfes. Vous êtes jeunes, leur ditil, votre age & votre naissance vous donnent droit aux premières Dignités : conformez-vous aux ordres de Dioclétien, & je vous promets que vous ferez dans peu élevés aux plus brillantes Charges de l'Empire. Oronce & Vincent, bien loin d'être touchés par les difcours de Ruffin, lui répondirent, qu'ils n'adoroient que le Dieu du Ciel & de la Terre, & que le bonheur éternel qu'ils attendoient, étoit bien préférable aux honneurs périffables qu'il leur promettoit. Ruffin voyant qu'il ne gagnoit rien par les promettes, employa les menaces; vous périrez tout à T'heure, repart il, fi vous n'adorez Jupiter. La réponse des Sts. Défenfeurs de la Foi de Jefus-Chrift, fut qu'ils n'adoroient point des Divinités imaginaires, faites par la main des hommes.

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Leur Martyre fuivit de près cet interrogatoire. Ruffin donna ordre de les faire venir dans la plaine, & de leur trancher la tête; ce qui fut exécuté fur le champ. On rapporte l'époque de leur mort à la fin du troisième Siècle.

Le Lévite Victor ramaffa leurs précieufes Réliques, & les cacha foigneufement dans fa maifon : mais le Préfident Ruffin l'ayant appris, fit couper le bras à Victor, & le fit enfuite mener dans la plaine où

Oronce & Vincent avoient reçu la Couronne du Martyre, pour y être pareillement décapité.

Le culte des Sts. Martyrs, Oronce & Vincent, eft fort étendu. Leur Fête eft placée au 22 Janvier dans les différens Martyrologes. La Ville d'Embrun fe flatte de poffeder leurs Réliques. ( V P. )

ORTIGUES, (ANNIBAL D') d'une famille noble de Provence, qui fubfifte encore de nos jours à Apt & à Marseille, nâquit à Apt vers la fin du feizième Siècle, & fut élevé avec foin aux exercices de la jeune Nobleffe. Dès que fon âge le lui permit, il fuivit la profeffion des armes, fans qu'il négligeât pour cela la poésie, qui avoit pour lui des attraits finguliers. Il dit lui-même, dans l'Epitre dédicatoire à Louis XIII, qu'on voit à la tête du Recueil de fes Poéfies, imprimées à Paris, en 1617, qu'il a fervi long-tems Henri IV dans la profeffion des armes, & que ce Monarque a daigné faire quelque cas de fes écrits, dans un tems où les troubles d'une Guerre civile, allumée dans tout le Royaume, ne fembloient pas lui permettre de jeter quelques regards fur les Mufes. Il donne des preuves de fa reconnoiffance dès la première pièce de fon Recueil; elle eft intitulée, La Renommée d'Henri le Grand. C'eft une fiction. La Renommée fe montre à l'Auteur, & lui dit :

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