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une épée à fon côté par deffus fon fac, auffiAN.1509. bien que tous les autres prêtres & religieux. Ce fpectacle bizarre & nouveau ne laiffa pas de faire rire toute l'armée, malgré la véneration & la crainte qu'imprimoit Ximenès; mais ce cardinal d'un air grave & férieux s'avança à la tête de l'armée, & harangua les chefs avec beaucoup de force & d'éloquence; fon difcours échauffa le cœur des officiers & des foldats: ils s'emprefferent de venir les uns & les autres autour de lui, & lui marquerent l'ardeur qu'ils avoient de lui montrer combien ils lui étoient foumis. En même temps. tous le prierent de fe retirer dans l'église, & d'y adreffer fes prieres à Dieu pour l'heureux fuccès de cette expedition. Ximenès ne put réfifter à leurs follicitations, & il retourna à Mafalquivir, où il entra dans la chapelle de faint Michel, & y demeura profterné devant Dieu tant que dura le combat.

LXIII.

bataille en

Gem in vit.

Xim. I.

4.

Les deux armées après s'être regardées Tout fe dif- quelque temps fans rien entreprendre, la capofe à une valerie des Maures qui fe voioit beaucoup trelesChré- plus nombreuse que celle des Chrétiens, entiens & les gagea le combat avec de grands cris. Elle fut Maures. reçûë piques baiffées, avec un profond filenMariana l ce; elle revint plufieurs fois à la charge fans 29. n. 77. pouvoir ouvrir les bataillons d'Efpagne; cependant le canon de la fortereffe & des vaiffeaux faifoit un furieux ravage parmi la cavalerie des Maures. La vûë d'Oran redoubla le courage des Chrétiens, & les armées occupant toutes deux un terrain uni, tout fe mêla, tout combattit. Deux mille chevaux qui n'avoient point été débarquez à Mafalquivir, arriverent devant Oran. Cette cavalerie fe partagea en deux corps, dont l'un prit le chemin de la porte de Tremecen

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qu'on avoit promis de livrer au cardinal; & l'autre demeura caché derriere une colline qui en déroboit également la vûë, & à la ville, & à l'armée ennemie. L'intelligence que le cardinal y avoit, réuffit: Deux Maures & un Juif qui l'avoient formée, tinrent parole, la porte fut livrée; & comme tout ce qu'il y avoit de gens de défense étoit forti à la réserve d'un petit nombre, la cavalerie y entra fans réfiftance, s'empara des principaux poftes & des murailles, s'y retrancha, & tourna le canon contre la ville, menaçant de la réduire en poudre, fi l'on faifoit le moindre mouvement pour s'y défendre. Les étendarts d'Oran furent auffi-tôt arrachez, & l'on vit paroître à leur place fur les murailles ceux de la croix cantonnée des armes d'Espagne.

LXIV.

fontbattus,

4.

29. n.79.

1

A cette vûë l'armée chrétienne reprit de nouvelles forces, & s'avança jusqu'à une ef- Les Maures pece d'aqueduc pour s'y loger. Ce fut là où & l'armée" le choc recommença; les Efpagnols à la fa- chrétienne veur de leur artillerie chafferent les Maures de entre dans tous les poftes qu'ils occupoient, & les con- Oran. traignirent de prendre la fuite en defordre. Gom, in vit. Les Chrétiens animez par un fuccès fi heureux Xm. 1. fe mettent aux troufles des fuïards, les Mariana l pourfuivent avec ardeur; & comme les portes Raynaldad. d'Oran étoient fermées, les vainqueurs & les bunc an. vaincus ne gardant plus leur rang, fe trouverent mêlez & confondus. Les Maures demeurez dans la ville voiant ce defordre, firent une fortie, attaquerent l'armée Espagnole, & la prenant par derriere, ils l'obligerent à fe défendre elle-même, & à abandonner les fuiards. Les Chrétiens fans s'effraïer se rallie-_ rent, & foutinrent avec une intrepidité merveilleufe le choc des Maures: pendant qu'une partie des Espagnols étoit aux mains avec les

ennemis, l'autre s'efforçoit de planter les AN.1509. échelles aux murailles d'Oran, & d'emporter -la ville par efcalade. Les Maures de leur côté coururent fur leurs remparts pour arrêter l'effort des Chrétiens, & rendre leurs deffeins inutiles.

LXV.

La ville d'Oran eft prife d'af

faut.

Mariana l.

29.

:

Mais dans la chaleur du combat où les uns & les autres étoient occupez à fe battre & à se défendre, les mille chevaux tout frais fortant de derriere la colline, tomberent fur la Gom, in vit. cavalerie Maure, qui étonnée de fe voir atXimen. 1. 4. taquée de tous côtez, croïant le nombre de leurs ennemis beaucoup plus grand qu'il n'étoit, perdit courage, auffi-bien que l'infanterie, tout plia. La cavalerie s'enfuit à toute bride; l'infanterie ainfi abandonnée effaia de fe retirer mais l'effroi y aïant mis le defordre, elle fut enfoncée. Les Espagnols en firent un fi furieux carnage, qu'il refta fur le champ de bataille cinq mille hommes de tuez, fans compter les bleffez qui moururent la plûpart de leurs bleffures, & les prifonniers qui furent en grand nombre, & que l'on envoïa aux galeres. Navarre prit l'élite de fes troupes, & marcha vers Oran pour secourir les fiens; il y entra fans peine ; mais il trouva les rues & les avenues des places barricadées ; & le peuple revenu de fa premiere furprise, réfolu de fe défendre. Ces barricades furent bien-tôt emportées; le foldat irrité fans diftinction d'âge ni de fexe, pafla tout au fil de l'épée; l'on força les maisons qui furent pillées, & le maffacre y recommença avec d'autant plus de cruauté, que l'on n'y trouva que des femmes, des vieillards & des enfans, la plûpart incapables de fe défendre; enforte qu'il n'y eut que la nuit qui fit ceffer le carnage. On fit huit mille efclaves des Maures ren

fermez

fermez dans les mofquées; & le nombre des morts qu'on trouva dans les rues & dans les AN. 1509. maifons monta à quatre mille.

LXVI.
Le cardinal
Ximenes y
fait fon en-

3. p. 182.

Rayn, boc

✔ 26.

Le cardinal Ximenès n'eut pas plûtôt appris la conquête d'Oran, qu'il monta fur une galere pour venir en prendre poffefsion. Il fut reçu à la defcente par Vianelli au milieu trée, & en d'une double haie d'infanterie & de cavalerie prend pof qui bordoit le chemin depuis le port jusqu'au feffion. château. Pierre de Navarre qui l'attendoit à Gom. in vit. la porte de la ville, lui en préfenta les clefs, Xim. 1. & le félicita fur la victoire. Le cardinal entra Mariana 1. aux acclamations de toutes les troupes à 29.79. Ciacon. in quelque diftance du château, il rencontra le ful. II. to. gouverneur qui le lui venoit remettre. Il étoit accompagné de trois cens efclaves chrétiens, qui fe jetterent aux pieds de Ximenès, an. n. 250 en lui préfentant leurs chaînes qu'il avoit rompues, & l'appellant leur libérateur : ce qui lui caufa une véritable joie. Ce gouverneur étoit un des deux Maures avec qui il étoit en intelligence pour la reddition d'Oran. Le cardinal le retint auprès de lui, fe fit amener l'autre Maure & le Juif qui l'avoient fi bien fervi, & les conduifit en Espagne lorfqu'il s'y en retourna. Il prit poffeffion du châtear, fit l'éloge des chefs & des foldats, les remercia au nom du roi, à qui il envoïa un Courier pour lui porter la nouvelle de fa conquête. Son premier foin fut de faire nettoïer la ville de tous ces corps morts qui commençoient à l'infecter, de purifier enfuite les mofquées, de les faire orner à l'ufage des Chrétiens ; & lui-même dédia la plus grande fous le nom de Notre-Dame de la Victoire Il établit dans cette ville un clergé, des moines, des hôpitaux ; leur affigna des fonds pour leur fubfiftance, & des maifons commodes pour Tome XXV. C

les loger: ce qui y attira un grand nombre

AN. 1509. d'habitans.

LXVII.

Après avoir ainfi difpofé toutes choses, il Il s'embar. fit proclamer Ferdinand feigneur fouverain que & arri- de la ville & de l'état d'Oran, en déclarant le

pagne.

ye en Ef toutefois que l'un & l'autre releveroit pour Gom. in vit, fpirituel de l'archevêché de Tolede, & s'apXi.. 4. propriant le domaine, les revenus publics, & generalement tout ce qui avoit appartenu aux anciens rois de cet état. Enfin croiant avoir affez fait pour fa gloire & l'execution de fes projets, de voir Oran conquis par fes foins, & l'armée chrétienne en état de pouffer plus loin fes conquêtes en Afrique, il s'embarqua le vingt-troifiéme de Mai pour repaffer en Efpagne, & il eut le vent fi favorable, qu'il arriva le même jour à Carthagene: il y reçut des lettres du roi qui l'invitoit de venir à la cour, afin d'y recevoir les louanges qui lui étoient dûës pour les fervices importans qu'il venoit de rendre à l'état & à la religion. Ximenès remercia fa majefté catholique, & le pria de trouver bon qu'il allât fe délaffer de fes fatigues à Alcala, où il arriva fans vouloir fouffrir qu'on lui fit aucune entrée, ni aucun compliment. Il difoit à tous, qu'on étoit plus redevable de cette victoire à la protection du ciel, & à la valeur des troupes, qu'à fes foins.

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LXVIII.

Les riches dignitez qui étoient fondées dans Démêlé de l'églife de Tolede, la dépendance où il vouXimenes a- loit que fût Oran à l'égard de cette églife vec un cor- pour le fpirituel, & quelque dignité nouvelle delier, qui que le cardinal vouloit établir pour conferver être évêque la memoire de fa conquête, tout cela renoud'Oran. vella l'ambition d'un religieux cordelier qui Gom. in vit avoit été fait depuis quelques années évêque Kim. 1.4 in partibus, fous le titre d'évêque d'Aurea

prétend

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