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CX.

Il étoit temps de mettre les troupes en AN. 1510. quartier d'hyver; mais le repos n'étoit pas du goût du pape : la retraite des Suiffes, fes deux Le pape fait vaines tentatives contre Ferrare & contreGeinutilement nes ne le rebuterent point; il reprit le deffein unefeconde de chaffer les François de cette derniere ville. tentative On eut beau lui reprefenter que les François

fur Genes.

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étoient fur leurs gardes, & avoient pris de juftes mefures pour fe garantir des intelligences de fa fainteté au dedans, & de fes infultes au dehors, qu'ils avoient dans le port de Genes une armée navale, & que la garnifon y étoit très-forte; il s'obftina contre toutes ces remontrances, & menaça les Venitiens de rompre avec eux s'ils ne lui fourniffoient l'armée navale qui gardoit l'embouchure du Pô. Ils y confentirent malgré eux, & donnerent le commandement de leur armée navale à Gafpard Contarini, parce que Jules le fouhaitoit. Ce nouveau general mit à la voile, & parut à la hauteur de Civita-Vecchia où le pape étoit allé pour le recevoir. Ce fut-là que Jules benit avec folemnité le pavillon du vaiffeau amiral. Cet appareil étoit trop grand pour être inconnu à Chaumont; il envoia fes ordres à Pregent, qui ne voulant pas s'enfermer dans le port de Genes, parce que fa flotte étoit inferieure à celle des ennemis qui auroient pû l'investir, aima mieux aller fe mettre à couvert dans Porto-Venere. Contarini s'en approcha, & fit tous les efforts pour attirer les François en pleine mer, fans y pouvoir réuffir: ce qui obligea le general Venitien à paffer outre, & à fe prefenter devant Genes, où le pape croioit que le parti des Fregofes dans cette ville prendroit auffitôt les armes ; mais tout demeura tranquille, parce qu'on avoit ordonné aux habitans dont

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on fe défioit, de fe tenir dans leurs maisons, & que l'on avoit difpofé dans chaque rue des AN. 1510, gens pour les obferver, & même pour les charger, en cas qu'ils fiffent connoître qu'ils penfoient à s'attrouper.

CXI.

Les avenues du port & le rivage étoient bordez de cavalerie & d'infanterie:& la flotte ennemie ne pouvoit débarquer aucuns foldats, qui ne fuffent auffi-tôt environnez & pris. Ainfi les Venitiens, après avoir fait montre pendant trois jours de leurs galeaffes, & La flotte du grand nombre de leurs bâtimens, furent des Veniobligez de s'en retourner fans rien faire à Ci- tiens & celle du pape vita-Vecchia, avec perte de cinq galeres qui se retirent furent brifées par la tempête au détroit de fans avoir Meffine, les autres furent jettées fur les côtes rien fait. de Barbarie, d'où elles ne revinrent qu'après avoir été fort maltraitées. Tous ces malheurs ne fervirent qu'à irriter le pape contre la France. Il fit mettre dans le château Saint-Ange Rayn, ad', le cardinal d'Auch qui faifoit à Rome les af- hunc an, ny faires du roi. La protection que Louis XII. 18, donnoit au duc de Ferrare, augmentoit encorefa haine pour lui & pour ce duc. Cependant Louis ne demandoit pas mieux que de fe réconcilier avec Rome. Preffé par la reine Anne de Bretagne fa femme, qui ne pouvoit fe perfuader qu'on pût être à la fois un véritable enfant de l'églife, & broüillé avec le pape, il cherchoit les voies de s'accommoder : mais ilen vouloit de juftes & d'honorables. Les Venitiens de leur côté follicitoient le pape à accorder la paix à l'Italie, & à s'accommoder auffi avec les François & les Allemands: & tout autre que Jules fe fût rendu à ces follicitations, & à la juftice de ce qu'on lui demandoit ; mais ce pape n'étoit pas accoûtumé à fuivre le confeil des autres, lorsqu'il

AN. 15 10.

zoïaume de

Rn. 11. 24.

l'empêchoit de fe fatisfaire,

Sa majefté catholique qui fouhaitoit fort CXII. que la couronne de Naples demeurât pour Le pape ac- toujours réunie à celle d'Arragon, & qui ne corde l'in- favoit prefque comme s'y prendre pour y veftiture du réuffit, crut que la meilleure voie pour en veNaples à nir à bout, étoit de s'adresser au pape, & de Ferdinand profiter de la haine que Jules avoit conçûë Mariana 1. contre la France: mais quelque animée que 24. n. 102. fût fa fainteté, elle ne voulut pas d'abord Ray boc écouter la propofition du roi catholique ; & hoc. ful. II. 1. ce ne fut que quelque temps après que fa Bullar. 80. haine augmentant toujours, & fe voiant à la P. $35. veille d'avoir fur les bras toutes les forces de la France, elle réfolut de fe prévaloir du befoin que l'Espagne avoit du faint fiege, & de fe ménager un puiffant fecours de ce côté-là, pour n'être point accablé par les ennemis. Jules fe rendit donc, & accorda à Ferdinand l'inveftiture du roiaume de Naples pleine & entiere, de la maniere & en la forme la plus ample qu'il l'auroit pû fouhaiter; puifqu'au lieu que la redevance annuelle des deux dernieres inveftitures que le pape Alexandre VI. donna fucceffivement à Charles VIII. & à Louis XII. étoit de huit mille écus d'or, celle que Jules II. accorda au roi catholique, n'étoit que fous la fimple redevance d'une haquenée avec deux mille écus d'or feuleMariana 1. ment. Mariana ajoûte que Jules voulut en24. x. 102. Core que les rois de Naples fuflent obligez Rayn. hoc d'entretenir à leurs dépens trois cens lances an. n. 18. au fervice du faint fiege, toutes les fois qu'il auroit à foutenir la guerre dans l'état ecclefiaftique. Sur quoi il ne voulut jamais fe relâcher, parce qu'il avoit réfolu de s'en fervir contre le duc de Ferrare.

Louis XII. extrêmement irrité de ce qui

voquer

venoit de fe paffer entre le pape & Ferdinand, trouva très-mauvais que fa fainteté l'eût dé- AN. 1519. pouillé des droits qu'il avoit fur la couronne CXIII. de Naples, pour les tranfporter à un autre. Il Louis XII. accufa le roi catholique de l'avoir trompé veut l'oblipar fes artifices; & le pape, de n'avoir fuivi ger à la réque les mouvemens de fa paffion & de fa Guice. l. 9. haine, & le de fe menaça la voie f. 249. Ú venger par des armes, s'il ne révoquoit au plutôt ce qu'il 262. venoit de faire. Il envoia en même temps ordre à l'évêque de Rieux fon ambaffadeur en Efpagne, & qui fe trouvoit alors auprès du roi catholique à Monçon, de lui en porter fes plaintes, & de le menaçer d'une rupture entiere, s'il ne s'en tenoit aux premiers traitez. Comme Ferdinand avoit tout ce qu'il fouhai toit, & qu'il ne craignoit pas beaucoup d'être chaffé d'un roiaume dont il étoit depuis affez long-temps paifible poffeffeur, il ne s'ébranla guéres ni des menaces, ni des plaintes de l'ambaffadeur. Le pape de fon côté cherchant alors un prétexte de rupture entiere avec Louis XII. demanda à ce prince quelques villes fur lesquelles le faint fiege avoit quelques prétentions. Louis qui ne reconnoiffoit point ces vaines prétentions du pape, & qui appercevoit bien le motif de fa demande, la lui refufa:& fur ce refus auquel Jules s'atten doit, ce pape l'excommunia, mit fon roïaume en interdit, & le donna au premier qui pourroit s'en faifir. Il fulmina la même excommunication contre tous les princes qui tien-` droient le parti du roi, & donna auffi leurs terres & feigneuries à ceux qui pourroient les envahir. Et pour ne s'en pas tenir aux feules armes fpirituelles dont il craignoit la foibleffe en cette occafion, il marcha à la tête de fes troupes contre le duc de Ferrare pour faire

peine à Louis.L'agent de Florence qui lui conAN.1510. feilloit de s'accommoder avec le roi de France, en fut traité fi durement, qu'il fut plufieurs jours fans ofer paroître. Un envoïé secret du duc de Savoie aiant ofé offrir à fa fainteté la médiation de fon maître, elle le traita d'efpion; elle le fit mettre à la question, & le retint long-temps en prifon comme l'émiffaire de fes ennemis. Enfin Jules partit de Rome, quoique le mois de Septembre fût fort avancé, & fe mit en campagne dans le deffein d'affieger Ferrare.

CXIV.

veut affie

f. 256.

9.

que

Le pape fe propofoit d'enlever tout d'un Le pape coup cet état. Mais il apprit dès le lendemain Chaumont y avoit envoïé deux cens cinger Ferrare. Guice. l. quante lances fous la conduite de Châtillon & deux mille hommes de pied fous le jeune d'Alegre. Le duc de Ferrare avoit outre cela trois cens lances Françoifes, deux cens Italiennes, & trois mille fantaffins vieux foldats; & d'ailleurs fes fujets lui étoient affez affectionnez, pour attendre les dernieres extrêmitez, avant que de parler de fe rendre. Sur ces nouvelles Jules preffa le fénat de Venise de renvoier deux nouvelles flottes, l'une devant Ferrare, l'autre devant Comachio. En vain le fénat lui remontra que fon arsenal étoit vuide, qu'il lui faudroit plufieurs années pour mettre en mer des vaiffeaux femblables à ceux qu'on avoit perdu au golfe de Meffine: ces raifons ne fatisfirent pas fa fainteté, qui vouloit une obéiffance aveugle; & les Venitiens en attendant qu'ils euffent équippé une flotte réguliere, loüerent une partie des vaiffeaux marchands de leur république, tirerent de leurs ifles ceux qu'ils y tenoient, & compoferent de tout cela une armée navale qu'ils diviferent en deux corps pour les envoier aux

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