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dans fon imagination, on n'a pas fait beaucoup. de chemin: les découvertes étoient fort bornées: on ne trouvoit avec beaucoup de peine que des refolutions particulieres des Problêmes; on fe fatiguoit ; on se rebuttoit; & l'on ne peut affés louer le travail, la patience & la force d'efprit des anciens Geometres d'avoir porté les Mathematiques par des moyens fi difficiles, à l'état où ils nous les ont laiffées.

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On s'avifa heureusement, dans le dernier fiecle, d'exprimer les lignes & les figures par les caracteres familiers de l'alphabet, & de réduire ces expreffions à un calcul facile, qui exprimât auffi tous les rapports fimples & compofés que peuvent avoir ces lignes & ces figures. On forma un Art methodique ( qui eft ce que l'on nomme l'Analyse) pour trouver, par les rapports connus qu'ont les grandeurs inconnues que l'on cherche dans les Problêmes avec celles qui font connues, des équations qui exprimaffent les conditions & la nature, pour ainfi dire, des Problêmes; & pour découvrir les valeurs des grandeurs inconnues de ces équations; ce qui donne la refolution des Problèmes. Monfieur Defcartes perfectionna & réduifit à une extrême facilité ces calculs & cette Analyfe naiffante. Il y ajouta l'excellente methode d'employer les expreffions indéterminées, qui, quelques fimples qu'elles étoient, reprefentaffent pourtant une infinité de grandeurs; & de les déterminer aux grandeurs particulieres de tous les cas aufquels elles peuvent convenir: la methode de réduire les lignes courbes à des équations qui en exprimaffent les principales

proprietés; & de tirer de ces équations toutes les chofes que l'on pouvoit defirer de connoître fur ces courbes: enfin la maniere d'employer les courbes elles-mêmes à la refolution des équations & des Problêmes.

Ces nouvelles methodes, réduifant la Geometrie à un calcul simple & facile, retranchoient ce qu'il y avoit d'embaraffant dans les figures, c'est à dire, tout ce qui fatiguoit l'imagination, & ce qui rempliffoit la capacité de l'efprit. Elles lui laiffoient la liberté de penetrer fon fujet, & de découvrir avec évidence tout ce qu'il renfermoit. Elles augmentoient même, pour ainfi dire, l'étendue de l'efprit par l'art de lui representer, comme dans une perfpective, fous des expreffions fimples & abregées, un nombre infini d'objets. Les Mathematiques devinrent par là fi faciles, que chaque trait de plume donnoit naiffance à des découvertes. Alors le plaifir fucceda à la peine, & le cœur dédommagé permit à l'éfprit de voir les utilités & les beautés des Mathematiques, & il s'y rendit. Auffi ces fciences changerent-elles de forme. On vit une Geometrie nouvelle, qui contenoit tout ce que nous avions reçû des anciens, & qui alloit infiniment plus loin : les refolutions étoient generales, & aucun cas particulier ne leur échapoit.

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On vit naître de la même fource des fciences curieuses & utiles, & prefque toutes les autres en tirerent un nouvel éclat: comme celle qui a appris à donner aux horloges toute la jufteffe neceffaire pour les rendre la mesure exacte du temps:

celle qui nous a donné les moyens d'étendre notre vue aux objets qui nous étoient inconnus par leur trop grand éloignement, ou par leur extrême petiteffe: celle qui a découvert la maniere de jetter les bombes, & de les faire tomber precisément où l'on voudroit, &c.

le mou

Ces methodes étoient affés fecondes pour produire toutes les découvertes; mais il leur manquoit des expreffions, & un calcul qui fuivit pas à pas la nature, laquelle, produifant les figures par vement, n'en fait décrire, aux corps mobiles qui les forment, que des parties infenfibles plus petites que toutes celles que nous pouvons déterminer dans chacun des inftans qui paffent plus vîte que tout temps que nous pouvons mesurer. On ne penfoit pas à donner des expreffions à ces efpaces" qui étoient trop petits pour avoir un rapport déterminé avec ceux aufquels convenoient les expreffions ordinaires, ni à ces inftants que leur petiteffe infinie empêchoit d'entrer en comparaifon avec le plus petit temps que l'on pût prendre pour la mesure de tous les autres. On penfoit encore moins à réduire ces premiers élemens des grandeurs à un calcul qui leur fût propre, & qui les foumît aux methodes de l'Analyfe.

Cependant le principe de ce calcul eft fi naturel, que les premiers Geometres l'ont fait fervir à quelques unes de leurs démonstrations. La plupart des propofitions du douzième livre d'Euclide ne font démontrées que par ce principe; & on le voit fuppofé dans quelques-unes des découvertes d'Archi mede. On s'apperçut bien du besoin que l'on avoit

de ce calcul, pour réfoudre des Problêmes qui furent propofés du temps de Monfieur Descartes & il fut obligé d'exclure de fes methodes les courbes qu'on a nommées aprés lui Mechaniques, qui font pourtant un nombre infini de courbes dont les proprietés font auffi utiles que celles des courbes Geometriques, & qui, à l'aide de ce calcul, deviennent foumifes à ces methodes comme les autres. Les Geometres, qui ont fuivi les methodes de Monfieur Descartes, ont été obligés, aussi bien que les plus anciens, de fuppofer, dans la résolution de plufieurs Problêmes, le principe de ce calcul que l'on touchoit du doigt, pour ainfi dire: mais il falloit que differentes Nations euffent part à la gloire des découvertes. Celles-ci fe font faites en même temps en Allemagne par Monfieur Leibnits & en Angleterre par Monfieur Newton; l'un & l'autre ont trouvé des expreffions, & un calcul propre à ces premiers élemens des grandeurs d'une petiteffe infinie par rapport aux grandeurs entieres dont ils font les premiers élemens; & l'on a pû par le moyen de ces expreffions & de ce nouveau calcul, leur appliquer les methodes de l'Analyse, & remonter de ces élemens infiniment petits aux grandeurs entieres dont ils font les élemens. Ces nouveaux calculs s'appellent le calcul differentiel & le calcul integral.

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Monfieur Leibnits n'eut pas plûtôt rendu publiques fes nouvelles découvertes, dont il cacha pourtant une partie exprès, comme il le dit lui-même, pour laiffer aux autres le plaifir de les trouver , que Meffieurs Bernoulli, qui en virent toute l'utilité, s'y

appliquerent avec tant de fuccés, qu'ils les pénetrerent, fe les rendirent propres, y ajouterent de nouvelles methodes, & en firent ufage dans la refolution d'une grande quantité de nouveaux Problêmes.

Monfieur le Marquis de l'Hospital donna l'excellent Ouvrage de l'Analyse des infiniment petits, où le calcul differentiel, & les principaux ufages de ce calcul pour toutes les courbes, font expliqués: & il fit voir qu'il avoit pénetré dans tout ce que le calcul integral pouvoit avoir de plus caché, par les refolutions complettes qu'il trouva des plus difficiles Problêmes, qui furent propofés par ceux qui s'en étoient rendu les maîtres. Monfieur Varignon doit bientôt donner une fcience generale du Mouvement toute nouvelle, qui eft le fruit des profondes découvertes qu'il a faites dans ces nouvelles metho~ des, & dans la Geometrie compofée. On doit juger du prix de l'ouvrage par les beaux morceaux qui paroiffent tous les ans. Ce font des pieces achevées, remplies de nouvelles découvertes, qui font bien defirer l'ouvrage entier dont elles ne doivent faire que quelques parties. Monfieur Carré employa le principe le plus general du calcul integral à la mefure des furfaces, des folides, des diftances des centres de pelanteur & d'ofcillation. Monfieur Neweton fit paroître de font côté le fçavant Ouvrage des Principes Mathematiques de la Philofophie naturelle, qui est tout fondé fur ces nouvelles methodes qu'il avoit inventées, mais dont il n'a laiffe voir que quelques veftiges , pour donner lieu à ceux qui voudroient entrer dans l'invention même des

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