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AN. 1509.

Ratisbonne,

prouve par l'exemple même de la république, qui riche; puiffante, respectée, il y avoit peu de jours, étoit tombée dans un état qui la rendoit méconnoiffable à fes yeux pro1677. ch. 3. pres, & à ceux de fes ennemis ; hors d'espérance de fe reoù cette ha- lever jamais, fi la nation Allemande achève de l'écraser. rangue de Juftiniani eft « Au nom du Doge (dit-il, ) du grand confeil & du peuple juftifiée contre de Venife, je prie humblement votre majesté impériale, Jean-Baptif, je la fupplie, je la conjure de nous regarder d'un œil de 113. & fuiv. " compaffion, & de nous tendre une main charitable ; quel

te Leoni, p.

» ques conditions de paix que vous nous prefcriviez, nous »y foufcrirons: nous ferons plus; nous les tiendrons juftes, » nous les réputerons honorables, & nous les obferverons » comme telles. Nous vous abandonnons tout ce que nos » ancêtres ont occupé dans l'empire & dans vos pays hé» réditaires. Pour rendre encore ces offres plus convenables » à notre condition présente, nous y joignons tout ce que » la république a poffédé en Terre-ferme: & fans faire au» cune attention aux droits que nous pourrions avoir sur ces » domaines, nous vous les réfignons comme à notre véritable » seigneur, & à notre fouverain. Nous payerons toutes les » années à votre majefté & aux empereurs fes fucceffeurs, » un tribut de cinquante mille écus d'or. Nous ne vous de» mandons qu'une chofe: défendez-nous de l'infolence de » ceux qui étoient, il y a peu de temps, nos compagnons » d'armes & qui font aujourd'hui nos plus cruels ennemis. "Que votre protection nous mette à l'abri de leur fureur, » & vous ferez notre père, vous ferez le fondateur de notre L'empereur "ville, & nous nous avouerons votre peuple. » Le reste du ne veut pas difcours ne contient que de grands éloges de l'empereur fe rendre aux pour attirer fa protection, & une peinture fort humiliante prières des de la trifte fituation où fe trouvoit la république.

XL.

Vénitiens.

Spond. ad

hunc ann.

1509. n. 4.

Jul. II. t. 3.

Ce difcours n'eut aucun effet : l'empereur fier de tous ces grands fuccès qu'il n'auroit prefque ofé efpérer, & ouBembo. 1. S. bliant l'inconftance des chofes humaines, refufa d'entrer Ciacon. in dans aucun traité fans la participation du roi de France. Le pape ne fe montra pas plus traitable. Il fe rendit maître XLI. de la citadelle de Ravenne, dont il fit la garnison prisonnière. Le pape fe Les cardinaux Grimani & Cornaro étant venus lui demanmontre fort der, au nom de leur patrie, qu'il levât les cenfures portées dur à l'égard des Véni- contre la république, puifqu'il étoit maître des places qu'elle renoit auparavant dans le domaine de l'églife, il ne voulut

P. 224.

tiens.

AN. 1509.

Ciacon in

pas voir ces ambaffadeurs ni leur parler, il exigeoit des Vénitiens la reftitution des fruits qu'ils avoient reçus pendant Bembo. lib. la jouiffance de ces domaines, & une fatisfaction entière de 8. leurs entreprises téméraires fur la juridiction eccléfiaftique. Jules II.1.3. Cette demande du pape irrita tellement le fénat, qu'il n'y p. 224. eut point d'invectives qu'on ne fit contre fa fainteté, qu'on traita même de bourreau du genre humain, qui prenoit en vain la qualité de père commun. Il y en eut quelques-uns qui propofèrent d'envoyer au grand feigneur pour lui demander du fecours; mais les plus fages d'entre les fénateurs arrêtèrent ces premières faillies, & firent prendre des mefures plus conformes à la fituation de leurs affaires.

XLII.

Le pape fe laifle fléchir.

an, n. 14. &

Ledoge écrivit au pape dans les termes les plus foumis, & le laiffant maître de la fatisfaction qu'il exigeroit fans aucune réserve pourvu qu'il voulût bien écouter fix ambaffadeurs que la république envoyoit demander l'abfolution des cenfures qu'elle avoit encourues, & les admettre à baiser ses pieds. Jules ne tenant plus contre cette humiliation, répondit au doge avec bonté. Il fit plus, malgré les inftances des princes ligués qui lui repréfentoient qu'il contrevenoit au traité de Cambray, il propofa dans le confiftoire d'admettre Guicchardin, les ambaffadeurs de la république. Les cardinaux le lui con- 1. 8. feillèrent & il fuivit leur avis parce qu'il étoit conforme au Raynald. hoc fien. La démarche du pape commença de raffurer les Véni- 15. tiens. Mais ils furent encore plus encouragés par le procédé XLIII. de Louis XII. Ce prince pouvoit aifément fe rendre maître LesVénitiens des villes qui étoient du partage de l'empereur, fauf à les lui gés par la rendre, lorfqu'il le jugeroit à propos: Vicenze, Padoue, conduite de Vérone lui avoient envoyé leurs clefs; mais content de recouvrer ce qui étoit du duché de Milan, il laiffa ces villes aux ambassadeurs de Maximilien, auxquels elles fe rendi- 409. rent, & ne voulut pas pénétrer plus avant jufqu'à ce que l'empereur fût arrivé en Italie. Les Trevifans feuls refuferent de fe foumettre, & ne voulurent pas fe rendre à un fans refufent nommé Dreffina Vicentin que l'empereur y avoit envoyé de fe foumetfans

font encoura

Louis XII.
Petrus de An-

gleria. ep.

XLIV.

Les Trevi

reur.

troupes,fe flattant que fon député n'avoit qu'à fe pré- tre à l'empe fenter pour prendre poffeffion de Trévife. Mais les habitans Guicchardin, demeurèrent fidelles aux Vénitiens. Six cents fantaffins com- 1. 3. mandés par Cafolaio, entrèrent dans la ville criant: S. Marc, & en chafferent Dreffina. Dès-lors la république conçut l'espérance de pouvoir recouvrer une partie de fes domaines,

& fentit qu'elle s'étoit trop hâtée d'abandonner ce qu'elle AN. 1509. poffédoit en Terre-ferme. L'indolence de Maximilien rendit courage aux Vénitiens, & leur donna le temps de refpirer, après avoir fléchi le pape à force de fupplications. Ce prince s'étoit arrêté à Infpruck, malgré fa promeffe folennelle de fe mettre en campagne avant que les quarante jours, qui lui étoient donnés par le traité de Cambray, fuffent expirés: il ne l'avoit point fait, quoiqu'il eût touché plus d'argent qu'il ne lui en falloit pour la dépenfe de la campagne, & ce ne fut qu'aux preffantes follicitations du pape qu'il s'étoit avancé jufqu'à Trente, où il étoit encore, lorfque les Vénitlens abandonnèrent l'état de Terre-ferme.

XLV.
Le cardinal

I invite à une

Louis XII.

Maximilien y étoit encore, lorfque le cardinal d'Amboife d'Amboife va l'y vint trouver de la part de Louis XII pour l'inviter à une trouver l'em- entrevue. Le lieu fut affigné à Garda, qui eft aux confins de pereur, & la vallée de Trente & du Milanès; & ce fut dans ce deffein entrevueavec que le roi de France après avoir terminé la guerre de Venife avec tant de fuccès, étoit venu àMilan; mais l'empereur man. qua de parole, s'excufant fur les mouvemens arrivés dans le Frioul, qui demandoient abfolument fa préfence. Il ne laiffa pas de continuer fon féjour à Trente, & ce fut dans cette ville qu'il accorda à LouisXII l'inveftiture du duché de Milan, & qu'il la fit expédier en bonne forme, comme il s'étoit obligé de le faire par le traité de Cambray. Cette inveftiture eft du quatorzième Juin de cette année, & énonce le droit de fa majefté très-chrétienne, comme defcendue de ValenCorio. lib. 3. Recherches tine Visconti fon aïeule, fille de Jean Galeas, & époufe de des droits de Louis duc d'Orléans, fils de Charles V roi de France, étant appelée par le contrat de mariage de Jean Galeas Vifconti fon père, elle & fa poftérité, à la fucceffion de l'état deMilan, au défaut des enfans mâles de lui Jean Galeas: ce qui n'avoit pas été à la vérité ratifié par l'empereur, qui étoit alors Venceflas, attendu fa démence; mais il avoit été approuvé & confirmé par le pape d'Avignon Clement VII, parce que la partie des contradians étoit alors dans fon obedience.

la couronne,

P. 373.

XLVI.

tiens fe ren

La république de Venife, qui avoit été fi abaiffée, comLes Véni mençoit à fe relever; maitreffe de Trevife qui avoit arboré dent maîtres l'étendard de faint Marc, elle penfa à profiter de l'indolence de Padoue. de Maximilien : & informée de la difpofition des Padouans Mocenigo, qui ne pouvoient fupporter la domination tyrannique des rac. I. z. Allemands, & qui ne penfoient qu'à fecouer leur joug, elle

belli

Came

Guice. 1.8.

Juftiniani

lib. 29. n. 85.

XLVII. Autres com

quêtes des

ne voulut pas laiffer échapper une occafion fi favorable de rentrer dans cette ville. André Gritti s'avança fecrétement AN. 1509. vers cette place avec mille hommes d'armes & quelque infanterie, & s'en rendit maître le dix-huitième de Juin à la lib. 1o. faveur du peuple qui lui ouvrit les portes, après avoir pris, Mariana, les armes contre les Allemands, en avoir tué un grand nombre, & contraint le refte à fe retirer avec précipitation dans la citadelle: ce qui arriva quarante-deux jours après que la ville eut été conquife par l'empereur. Les Vénitiens conçurent tant de joie de cette conquête, qu'ils ordonnèrent qu'on en feroit une fête folennelle tous les ans, qui s'y célèbre encore aujourd'hui avec beaucoup de pompe, en mémoire du recouvrement de leur liberté&du rétabliffement de leur république. La ville de Padoue prife, tout fon territoire retourna bientôt à fes premiers maîtres; qui profitant de la fortune qui commençoit à les favorifer, furprirent Affula, & paffèrent Vénitiens. au fil de l'épée cent cinquante Espagnols qui y étoient en garnifon. Ils firent le même traitement à deux cents autres qu'ils trouvèrent dans Castel Franco, & firent prifonnier Alvarado qui les commandoit. Le fénat, pour engager davantage les fujets de la république, publia un décret, par lequel il promettoit de dédommager les peuples de toutes les pertes qu'ils avoient faites, & de toutes celles qu'ils pourroient faire dans le cours de la guerre préfente; il tint fa parole & n'eut pas fujet de s'en repentir. Ses anciens fujets n'oublièrent rien pour fe dévouer à fon fervice; & avec ce fecours, les Vénitiens trouvèrent encore moyen de furprendre Legnano, place bien fortifiée & importante par fa fituation, qui lui rendoit un paffage fur l'Adige, & qui iui ouvroit la porte à de plus grandes efpérances.

Ce changemeut fi heureux dans les affaires des Vénitiens, n'empêcha pas LouisXII de s'en retourner dans fon royaume où fa présence étoit néceflaire. En partant d'Italie il laiffa un officier, & fous lui fept cents lances à la garde de l'état de Milan, avec commiffion d'obéir aux ordres qui lui viendroient de l'empereur, & de veiller aux intérêts communs. Cet officier s'acquitta de fa commiffion avec avantage. Verone & Vicenze, qui fcupiroient après leurs anciens maitres, tramoient fecrétement une révolte à l'exemple de Padoue, & fe difpofoient à chaffer les Impériaux. La Paliffe, informé de leur deffein, rompit toutes leurs mefures. Quoi

Mariana, 1. 29. n. 85.

XLVIII.

Louis XII. revient en

Seyf. hit. de
Louis XII.
Guice. 1. 8:

France.

AN. 1509.

XLIX.

Mariana, 1. 29. 11. 89.

19.

II.

que l'armée Vénitienne fe fût déjà mife en campagne dans l'efpérance de fe faifir de ces deux places, l'approche des François l'obligea de fe retirer fous Padoue, & ces villes furent encore quelque temps maintenues dans l'obéiffance de l'empereur, qui étant alors à Marostica à l'entrée des Alpes, & craignant que les ennemis, après ces premiers fuccès, n'entrepriffent de le couper & de lui fermer le paffage de l'Allemagne, fe retira avec affez de précipitation au château de Scala fur les frontières du Tirol, qui appartenoit à la maifon d'Autriche.

Ce fut alors qu'avec de nouvelles troupes qu'il reçut, il L'empereur fait le fiége forma une armée de trente mille hommes, fans compter de Padoue. treize cents lances que le roi de France lui envoya, trois cents autres de fa fainteté,& mille foldats Efpagnols qui vinrent lejoindre. Ayant fait la revue de fes troupes, il s'avança, rentra de nouveau en Italie, parut devant Padoue le troifième Septembre, & en forma le fiége qui devoit encore une Raynald. ed fois décider de la destinée de la république.Le comte dePetihunc. an. n. liane & les autres généraux de l'armée Vénitienne, informés du deffein & de la marche des impériaux, vinrent fe jeter Pet. Juftiniani. l. 10. & dans la ville avec toutes leurs troupes, qui furent jointes à tout ce qu'on put raffembler de bonnes milices; enforte que fa garnifon fe trouva être de près de vingt-cinq mille hommes, fans compter un grand nombre d'ouvriers propres travailler aux fortifications,& toutes les provifions de guerre & de bouche qu'on put ramaffer. La jeune nobleffe, piquée d'émulation, s'y rendit au nombre de plus de trois cents gentilshommes, les fils du doge Loredano à leur tête; & peu de temps après leur entrée dans la ville, l'empereur vint camper à trois milles de la place. Il tenta inutilement de détourner le cours de la Brente, il s'avança, & fon armée se trouvant trop peu nombreuse pour inveftir entièrement Padoue, il ne put occuper que le terrain depuis la porte de fainte Croix jufqu'à la baffe Brente; & après avoir reçu l'artillerie nombreuse qui lui vint d'Allemagne, il dreffa fes premières batteries du côté de l'endroit qui fe trouvoit le plus fort, c'étoit vis-à-vis de l'ouvrage qui étoit à côté de la porte de fainte Croix, de forte qu'il falloit transporter l'attaque du côté du bastion qui étoit à côté de la porte par laquelle on fort pour aller à Venife.

La principale défenfe de la ville confiftoit en deux mille chevaux

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