Imágenes de páginas
PDF
EPUB

he voulut pas retourner. Peut-être fe feroit-il encore adouci, fans un incident qui acheva de l'aigrir. En fortant de Boulogne il apprit que Jules s'étoit fervi de la fufpenfion d'armes accordée par le roi de France durant l'affemblée de Mantoue, pour furprendre Gènes ; & cette action l'indigna vivement contre lui. Au refte, Jules en fut lui-même très-mal récompenfé. Pour mieux cacher fon deffein, il avoit envoyé à Gènes l'évêque de Vintimiglia déguisé en marchand. L'évêque fur furpris & arrêté conduisant un troupeau de bœufs, & on le mena prifonnier à Milan, où il avoua tout. On n'osa prononcer contre un miniftre du faint fiége qui fe reconnoiffoit coupable; mais on n'eut pas les mêmes égards à Gènes pour fes complices, qui furent tous punis de divers fupplices.

à

AN. 1511

XVII. Le pape Ju les crée huit

Cardin. 1.3.

all, n. 47

La promotion des cardinaux que le pape Jules fit à Ravenne quelque temps avant que l'évêque de Gurck arrivât Boulogne, fut de huit; favoir Christophe Bambridge, An- cardinaux. glois, archevêque d'Yorck, prêtre du titre de fainte Praxe- Garimb. de de, ambaffadeur de Henri VIII auprès de fa fainteté, & qui cap. ultim. fut élevé à cette dignité pour avoir détaché fon maître des Cabrer. in intérêts de la France: d'ailleurs homme ignorant, plein de Jul. II. vanité & fort intempérant. 2. Antoine Ciocchi, dit auffi Raynal. hoc Monti ou du Mont, Italien, archevêque de Siponto, prêtre du titre de faint Vital, puis de fainte Praxede, & évêque de Porto. 3. Matthieu Schiner, furnommé le Lang, Suiffe, évêque de Sion, prêtre du titre de fainte Pudentiane & évêque de Novarre. C'eft celui qui, à la follicitation du pape, avoir fait rompre aux Suiffes fes compatriotes l'alliance qu'ils avoient avec Louis XII. 4. Pierre Accolti, Florentin, évêque d'Ancône, prêtre du titre de faint Eufebe, puis évêque de Cadiz, de Maillezais, d'Arras, de Cremone, archevêque de Ravenne, évêque d'Albane, de Palestrine & de Sabine. 5. Achilles de Graffis, Boulonnois, évêque de Boulogne, prêtre du titre de faint Sixte, puis de fainte Marie au-delà du Tibre. 6. François Argentino, Vénitien, évêque de Concorde, prêtre du titre de faint Vital, puis de faint Clement. 7. Bendinelli Sauli, Génois, évêque de Girace, diacre du titre de faint Adrien, puis prêtre du titre de fainte Sabine. 8. Alphonfe Petrucci, Siennois, évêque de Suana, diacre du titre de S. Theodore, qui fut privé de la pourpre par Leon X. Onuphre fe trompe en y ajoutant l'évêque de Gurck, qui ne fut promu à cette dignité que fous le même Leon X.

XVIII.

Trivulce fe

fon armée.

Auffitôt après la rupture de l'affemblée de Mantoue, ori AR. 1511. agit des deux côtés plus vivement qu'on n'avoit encore fait. Trivulce renouvella la guerre, & fe mit en campagne le met en cam- premier de Mai avec une armée de douze cents lances & pagne avec de fept mille hommes d'infanterie, & vint camper fur le bord du Pô, pendant que le duc d'Urbin, qui commandoit l'armée du pape, occupoit l'autre rivage. Le roi catholique gleria, epift. n'oublioit rien pour adoucir les efprits; il chargea Cabanil452. & 453. las, fon ambaffadeur auprès du oi de France, de repréfenter Guicciard. à ce prince qu'il fe rendroit indigne du nom de roi très1.9. f. 271.

Petrus de An

chrétien, s'il continuoit de pouffer à bout le pape, qui n'étoit pas fi dépourvu d'amis, qu'il n'attirât aifément dans fon parti plus de la moitié des princes chrétiens; que c'étoit à Louis à arrêter un fchifme qui alloit naître dans l'églife, & une guerre qui ne pouvoit être que très-funefte à la religion chrétienne; qu'il pouvoit enfin la faire ceffer en ne protéPlaintes du geant plus le duc de Ferrare. A quoi fa majefté très-chréToi de Fran- tienne répliqua, qu'elle connoiffoit les difpofitions du pape, ce à l'ambaf- qui n'en vouloit au Ferrarois que pour attaquer enfuite plus fadeur d'Ef- aifément le Milanès; que fa fainteté confentiroit bientôt à la

XIX.

pagne.

XX. Trivulce

& s'avance

paix, fi elle ne se sentoit pas appuyée des forces d'Efpagne. Que le roi catholique fe fervoit du prétexte de la guerre d'Afrique, & que fa flotte équipée en Espagne fur les côtes de la mer Méditerranée, chargée de foldats & de munitions de guerre, s'étoit divisée en deux ; que la moitié avoit à la vérité fait voile vers les côtes de Barbarie, mais que le refte prenoit la route de Naples, & y portoit huit mille Efpagnols naturels, qui étoient l'élite des forces de Ferdinand : qu'une telle conduite ne montroit pas que ce prince fût porté à la paix, & que fi fes demandes étoient fincères, il devoit retirer fes troupes de l'armée du pape & défarmer fa flotte; ce que fit fa majesté catholique, auffitôt qu'elle eut été informée de la réponse de Louis XII.

Dans cet intervalle Trivulce avec fon armée attaqua s'empare de Concordia, & s'en rendit maître. Comme il étoit père de Concordia › la comteffe de la Mirandole, & que d'ailleurs il n'aimoit vers Boulo- pas Jules, il entreprit de la venger de l'injustice que lui avoit faite ce pape en fe faififfant de fes états. Sa fainteté, Coccin. de en fortant de Boulogne, y avoit laiffé une garnifon affez Rayn. hoc mal difciplinée; elle avoit précipité fon départ, ne fe croyant an. 1. 58. pas en fureté dans cette ville, & s'étoit fervi de la commo

gne.

bello Italic.

ité des troupes Espagnoles que le roi catholique rappeloit de l'armée eccléfiaftique, pour retourner à Ravenne fous AN. 1511. leur escorte. Les Bentivoglio, qui entretenoient des correspondances fecrètes avec Trivulce, lui ayant promis de lui faire livrer une des portes de la ville par le moyen de leurs partisans; ce général y accourut avec fes troupes, & entra dans Boulogne fans nulle compofition, parce que le duc d'Urbin, que le pape son oncle avoit laiffé pour commander dans la place, informé de la venue des François, & de leurs intelligences avec quelques-uns des principaux, fortit brufquement avec fes officiers & fa garnifon. Comme il fe voyoit trahi, & qu'il ne pouvoir pas efpérer d'étre Secondé des bourgeois, s'il entreprenoit de fe défendre, il appréhenda de tomber entre les mains des ennemis.

XXI. Dont il fe rend maître;

trer les Bea

tivoglio.

Guicciard

1. 9. Mariana, L Paul. Jov.in

30. n. 11.

an. n. 59.

Le cardinal de Pavie y étoit resté en qualité de légat; on le nommoit François Aledofi, & il étoit alors au comble de la faveur auprès du pape. Paul Jove dit qu'il en étoit tout à il y fait ren fait indigne, & qu'elle avoit commencé par une mauvaise voie. Jules, outre l'évêché de Pavie & le chapeau de cardinal, lui avoit donné l'archevêché de Boulogne: & quoique la bonne politique ne lui permit pas de mettre l'autorité fpirituelle & la temporelle entre les mains d'une même perfonne, il avoit pourtant voulu que le cardinal fût gouver- clog. t. 4. neur de fon diocèfe, comme s'il n'y avoit point eu d'autre Raynald.ad homme dans le monde à qui il pût confier la principale de Ciacon. in fes conquêtes: mais les plus habiles ne font pas toujours de Jul. 11. 20. 3. juftes difcernemens, & la faveur ne donne & la faveur ne donne pas les qualités P. 229. néceffaires pour les emplois qu'elle procure. Ce cardinal auffizôt après le départ de Jules, qui fut le quatorzième de Mai, perdit le jugement. Ayant voulu introduire mille hommes dans la ville pour renforcer la garnifon, le peuple leur ferma XXII. les portes, & ce fut-là le fignal du tumulte. Le cardinal fe Le cardinal croyant perdu, par une lâcheté fans exemple, abandonna de Pavie, lėfon archevêché & fon gouvernement, pour prendre le che- Boulogne, & min d'Imola, & enfuite de Ravenne, fous l'escorte de cent s'enfuit à Ra chevaux. Les foldats de la garnifon fautèrent par-deffus les venne. murailles pour fe retirer chez eux. Un petit nombre des plus hardis eut le courage de fe renfermer dans la citadelle.

gat quitre

Rayu. hac an. n. 52. Ciacon. tom.

Dès que le légat fut parti, le fénat fe déclara pour les 3. P. 230. Bentivoglio, qui furent reçus dans Boulogne comme les fouverains légitimes. L'armée de Venife informée de ce

XXIII.

en pièces la

pe.

Ciacon. in Jul. II. t. 3.

P. 229.

changement, se retira par les montagnes, où la plupart des AN. 1511. foldats furent tués ou dévalifés par les payfans. Il ne reftoit plus dans Boulogne que la citadelle, qui fut rendue par Jean Vitelli que le cardinal de Pavie y avoit laiffé, & en même temps rafée par les bourgeois, parce que Virfruft, commiffaire de Maximilien en Italie, demandoit qu'elle fût remise entre fes mains. La crainte que le roi de France n'y mît des troupes, fit prendre ce parti aux bourgeois. Le peuple fit Les Boulon- éclater fa haine contre le pape Jules, en abattant & en metnois mettent tant en pièces fa ftatue, qui étoit l'ouvrage du fameux Michelftatue du pa- Ange. Jules étoit repréfenté debout dans une attitude de foldat, élevant néanmoins la main droite au ciel comme pour donner la bénédiction. Sa fainteté l'avoit fait élever lorfqu'elle prit poffeffion de Boulogne, après en avoir chaffé les Bentivoglio. Auffi fut-elle d'abord un fajet de fcandale pour le peuple de Boulogne, qui demanda plufieurs fois, fi c'étoit pour le bénir ou pour le maudire, que cette terrible statue levoit le bras. Une fois que le pape fut informé de cette demande, il répondit : « c'eft ou pour l'un ou pour l'autre, » fuivant que les Boulonnois mériteront d'être punis ou ré» compenfés. » Ils fe reffouvinrent de cette parole en cette occafion, & ce fouvenir excita encore plus leur indignation & leur fureur. Il ne tenoit qu'à Trivulce de potiffer plus loin fes conquêtes. Toutes les villes de la Romagne lui tendoient les mains, celles d'Imola & de Forli vinrent lui apporter leurs clefs; mais comme il avoit reçu feulement ordre de rétablir les Bentivoglio dans Boulogne, conformément au résultat de l'affemblée de Tours, il s'abftint d'agir contre l'état eccléfiaftique, & les nouveaux ordres qu'il reçut bientôt après de la cour de France, juftifièrent fa conduite.

XXIV.

Ferrare s'em

Le duc de Ferrare profita de la terreur & du défordre où Le duc de fe trouvoit l'armée ennemie. Il reprit Certo, la Piévé, Copare de plu- tignola, Lugo, & quelques autres places dont la conquête fieurs places, raffura fa capitale. Il fe vengea fur-tout d'Albert Pio, prince & fe venge de Carpi, pour les mauvais offices qu'il lui avoit rendus audu prince de près du pape, & il s'empara d'une grande partie de fa principauté de Carpi.

Carpi.

Le pape Jules s'attendoit fi bien à fe voir dépouiller, qu'il commença à désespérer de pouvoir conferver le fouverain pontificat. Il paffa quelques jours à Ravenne, où le cardinal de Pavie vint le trouver. Comme on attribuoit la perte de

Boulogne

Boulogne à fa lâcheté, & même à fa trahison, le cardinal AN. 1511.

bin accufé devant le pa.

[ocr errors]

Rub. hift. Raven. I. 8.

XXVI.

Ce duc af

fatline le car

P. 1953.

voulut fe juftifier de ces mauvais bruits, & rejeta fur le duc XXV. d'Urbin l'accufation qu'on formoit contre lui.Il ne craignoit Le duc d'Urpoint devant l'oncle d'accufer le neveu de trahifon, de lui reprocher de s'entendre avec le duc de Ferrare, dont il avoit pe par le carépoufé la nièce Eleonore, fille de fa four Ifabelle epoufe de dinal de PaFrançois marquis deMantoue,& de lui découvrir les deffeins vie, d'avoir laiflé perdre & les réfolutions de fa fainteté. Le duc d'Urbin, irrité de Boulogne. ce reproche, réfolut de s'en venger. Un jour que le cardinal Mariana,lib alloit au palais bien accompagné, & fuivi d'un affez bon 9. Raynald.. nombre de fes domeftiques & de fes créatures; le duc, ef- hoc anno corté de fes amis & de fes foldats, attaqua le cardinal au mi- 65. lieu de la rue, fe jeta fur lui & le tua de fa propre main à coups de poignard. La douleur dont fut frappé le pape, quand il apprit cet affaffinat, paffa jufqu'aux cris & aux larmes. Mais comme les jugemens des hommes font bizarres, dinal de Pa& qu'ils ont un malheureux penchant à croire le mal, quel- vie en pleine ques légères qu'en foient les apparences, il fe trouva des, rue. In opere cui gens qui accusèrent fauffement fa fainteté d'avoir eu part titulus: Politià ce crime, & qui crurent qu'il ne s'étoit commis que par ca Imperialia fon ordre: que même la fuite du duc d'Urbin avoit été con- apud Goldaft. cerrée entre l'oncle & le neveu. Quelques auteurs fe font Hift. de la li appliqués avec raifon à juftifier Jules fur cette accufation. gue de CamLe fejour de Ravenne devenant infuportable au pape de- bray, t. 1.1. puis le meurtre du cardinal de Pavie, il prit le chemin de Raynald. Rome. Pour comble d'affliction, il vit en paffant à Rimini hoc ann les placards affichés pour intimer l'indiction du concile gé- 1511. n. 6o néral qui devoit fe tenir à Pife pour le mois de Septembre. 11. 1. 3. p. Pendant fa route, Jules tenta d'amufer Trivulce, en lui en-, 248. voyant le cardinal de Nantes pour lui parler d'accommode-. XXVII: ment. Ce cardinal étoit Robert de Guibé évêque de Rennes pape enen Bretagne, neveu par fa mère du fameux Landais favori nal de Guibé du duc de Bretagne. Quoique François, il étoit fort avant à Trivulce, dans la faveur de fa fainteté,qui l'avoit fait cardinal en 1505,, ler d'accom pour lui par& qui avoit fi bien tourné fon efprit, qu'elle le gagna contre modement. le roi même; auffi fut-il privé du revenu des bénéfices qu'il Guicciard. 1. avoit en France. Trivulce écouta ce cardinal, & lui réponAubery, hift. dit que le roi fon maître avoit fait à Jules des propofitions des cardiqui avoient été rejetées, & qu'il n'étoit pas de fa dignité naux. d'en faire d'autres ; qu'il dépendoit de la cour de Rome de hift. de Breles accepter, ou d'en propofer de nouvelles en leur place; tagne, l. 3ɔ. Tome XVII,

G

3. p. 443.

Ciacon.inJul.

Le

voie le cardi

D'Argentré

« AnteriorContinuar »