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VIII

abandonne

'Afin d'augmenter les forces de la ligue, on y engagea les Florentins; mais cet engagement ne fit point d'honneur à AN. 1568. fes auteurs. On ne pouvoit le faire fans nuire beaucoup à Pour y faire ceux de Pife. Ces deux peuples, en conteftation l'un contre entrerles Flo l'autre, avoient choifi pour arbitres de leurs différents les rois rentins on de France & d'Aragon. Le public étoit pour ceux de Pife: les Pitans. chacun jugeoit en leur faveur. On s'attendoit au moins que Mariana les deux princes termineroient la dispute à l'amiable; mais 1. 29. 11. 66. le défir d'avoir les Florentins de leur côté, leur ferma les yeux, & ils abandonnèrent les Pifans à leurs adverfaires. Les princes, pour juftifier leur conduite aux yeux du public, publièrent que c'étoit l'unique moyen de conserver la paix de l'Italie. Il eft vrai, que dans le deffein qu'ils avoient pris Raynald, ad de détruire la république de Venife, il étoit de leur intérêt de an. 1558. n 5.& 6. laiffer le refte de l'Italie tranquille, pour n'être point obligés d'occuper leurs armes ailleurs, & pour réunir toutes leurs forces contre les Vénitiens. On accufa les deux rois de n'avoir favorifé les Florentins, que pour les engager à entrer dans la ligue de Cambray,& à fournir cent mille écus qu'ils avoient promis pour les frais de la guerre, pourvu qu'on voulût leur remettre la ville de Pife. « Trafic honteux (dit Mariana ) & » indigne de la générofité de ces deux grands princes: car "pouvoient-ils l'un & l'autre, fans fe déshonorer & fans » flétrir leur mémoire, vendre à fi vil prix la liberté & tra>>hir les intérêts d'un peuple dont la confiance devoit faire » la fureté ? Il faut avouer que Ferdinand étoit plus inexcu» fable que Louis XII, & ce fut une tache à fa gloire, d'avoir » abandonné les Pifans qu'il avoit reçus fous fa protection.»

in diariis.

Enfin, après avoir fait encore entrer le roi de Hongrie IX. dans cette ligue, en le flattant qu'il pourroit recouvrer la Signature de Dalmatie fur les Vénitiens, elle fut fignée à Cambray le la ligue de dixième de Décembre de cette année 1508 par Marguerite Mariana Cambray. d'Autriche & le cardinal d'Amboife, felon les pouvoirs que ibid. n. 67. l'un & l'autre avoient reçus de ceux qui les faifoient agir. Bun Buonaccurf Le nonce du pape qui étoit fur les lieux, refufa de figner "Surita, lib pour fa fainteté, prétendant n'avoir pas un plein pouvoir à 8. c. 27, cet effet. Mais le cardinal d'Amboife le fit en fa place, fous le feul titre de légat du fouverain pontife en France, quoique cette qualité ne lui donnât pas ce pouvoir. L'ambaffadeur d'Aragon ayant vu que cette ligue étoit avantageuse à fon maître, à qui elle affuroit la jouiffance paifible de la

AN. 1508.

X.

Le pape dif

Guicciar.l. 8.

ep. 409.

hoc an, n. 3.

Caftille jufqu'à la fin de la guerre, la figna fans balancer; fûr que Ferdinand fauroit bien éluder cet engagement, s'il ne le trouvoit pas conforme à fes intérêts. L'empereur ratifia le traité à Malines treize jours après, & Louis XII environ dans le même temps, avant qu'on fut à Venise le fuccès & la fignature de cette ligue.

Le pape, fans défavouer expreffément la fignature que le fère à figner cardinal d'Amboife avoit faite en fon nom, montra par fa cette ligue conduite qu'il n'eût pas voulu aller fi vîte. Il craignoit les Petr. de Ang. fuites de l'établiffement de l'empereur en Italie: il n'aimoit pas affez Louis XII pour augmenter fon pouvoir; & il eût Raynald, bien voulu recouvrer les domaines de l'état eccléfiaftique, fans favorifer aucun de ces deux princes. Comme les Vénitiens eurent bientôt connoiffance de la ligue, & en parurent alarmės, le pape preffentit d'abord leur ambaffadeur, pour favoir fi fes maîtres feroient dans la difpofition de donner quelque fatisfaction au faint fiége, en rendant du moins Faënza & Rimini. Mais n'en ayant eu aucune bonne réponse, il s'adreffa à Badoëre fon collégue: il lui repréfenta le péril éminent qui menaçoit la république, fi la ligue étoit exécutée, & lui dit que l'unique moyen pour l'empêcher de laratifier, étoit de reftituer au faint fiége Faënza & Rimini parce qu'il trouveroit dans cette reftitution une excufe fuffifante pour ne point ratifier le traité, qui tomberoit auffitôt que lui pape n'en feroit pas l'appui. Badoëre en écrivit à la république le fénat s'affembla, & après avoir féricufement délibéré fur la réponfe qu'il convenoit de faire à l'ambaffadeur, on fe rendit à l'avis du procurateur Trevifani, qui repréfenta qu'on ne devoit point fe fier au pape; qu'après avoir recouvré Faënza & Rimini, il figneroit la ligue pour avoir encore Ravenne & Cervia ; que l'inobfervation des traités étoit le caractère de la cour de Rome. Sur les remontrances de Trevifani, on refufa de s'accommoder avec le pape, qui fur ce refus accepta & ratifia la ligue de Cambray. Son acte de ratification en forme de bulle eft du vingtdeuxième de Mars 1509..

XI.

gais font la

Il n'y eut prefque que le feul Emmanuel roi de Portugal, Les Portu- qui ne voulut point entrer dans cette alliance, & qui, pendant que les autres ne travailloient qu'à fe faire une guerre Maures d'A- affez fanglante, augmentoit la foi, fon empire & fa réputafrique tion dans l'Afie & dans l'Afrique. Un certain Maure nommé

guerre aux

Ofor. lib. 6.
Rayn. hoc
an. n. 9.
Barrof. deci

2. lib. 3. c.

2. 3. 4.

Maf. lib. 34

Zefam, mécontent du roi de Fez dont il étoit coufin-ger- AN. 1508. main, étoit venu de lui-même s'offrir aux Portugais, avec Mariana, li promeffe de les rendre maîtres d'Azamor, une des plus 29. n. 62. confidérables villes de la côte, s'ils vouloient fe fier à lui. Emmanuel ne crut pas devoir négliger l'offre du Maure: il fit équiper une flotte confidérable, fur laquelle il fit monter quatre cents chevaux & deux mille hommes d'infanterie fous le commandement de D. Juan de Menezès. La flotte étant partie de Lisbonne le vingt-fixième de Juillet, ne fut pas plu- & 4. tôt arrivée fous les côtes d'Afrique, qu'on reconnut que le Maure étoit un perfide, & qu'on avoit trop légèrement ajouté foi à fes promeffes; il fe fauva & rentra dans Azamor. Les Portugais craignant d'être furpris par les infidelles, fe rembarquèrent promptement, & perdirent quelques-uns de leurs vaiffeaux, qui demeurèrent échoués fur la vase avec une galère. La flotte n'ayant pu gagner le port de Lisbonne, fut obligée d'entrer dans le détroit de Gibraltar pour se mettre à l'abri dans quelques ports, jufques à ce que les vents permiffent de retourner en Portugal. Mais cette disgrace produifit un grand bien.

XII.

les Maures

Mariana

Le neuvième d'Octobre le roi de Fez, irrité des conquê tes des Portugais, ou animé du défir d'en faire lui-même,, Ils chaffens vint mettre le fiége devant Arcilla avec une nombreuse ar- de la ville mée. Il emporta la place d'affaut, & celui qui la commandoit d'Arcilla. fe retira dans le château, qui fut auffitôt battu fans interrup- ibid. n. 63. tion avec une prodigieufe artillerie. Dom Juan de MeneRaynald. zès, qui s'étoit retiré dans le port de Tanger, ayant appris hoc an. n. 1z cette fàcheufe nouvelle, vint avec fa flotte au fecours des af Surita. lib 5. cap. 23. fiéges, chaffa les ennemis d'un bastion dont ils s'étoient rendus maîtres, & fit entrer dans la place des foldats, des vivres, des munitions & toutes les chofes dont les affiégés avoient befoin pour fe défendre. Ferdinand, qui étoit alors à Séville, craignant que les Maures ne formaffent de nouvelles entreprifes, envoya ordre au comte Pierre de Navarre, qui étoit avec fa flotte dans la baie de Gibraltar, d'aller promptement au fecours des chrétiens. Il arriva à la vue d'Arcilla le trentième d'Octobre, & canonna le camp des Maures d'une manière fi continuelle, qu'ils furent obligés de l'abandonner : & le roi de Fez n'eut plus d'autre parti à prendre que de mettre le feu à la ville, & de fe retirer avec le refte de fon armée délabrée à Alcaçarquivir. Cet avantage mit à couvert

AN. 1508.

XIII. Les grands de Caftille peu fatisfaits de Ferdi

les places Portugaifes, & le roi Emmanuel écrivit à Ferdinand pour le remercier du fecours qu'il lui avoit envoyé fi à propos.

Ferdinand n'étoit pas fans inquiétude dans fes états. Quelques foins qu'il eût pris pour affermir fon autorité dans la Caftille: il y avoit toujours des mécontens parmi les grands, dont il craignoit la brigue & la puiffance. Les principaux Mariana, étoient D. Alphonfe Maurique évêque de Badajoz, & celui Raynald, hoc de Catane en Sicile. Depuis la démarche qu'ils avoient faite

nand.

ibid. u. 64.

an. 11. 13.

XIV.

d'abandonner le parti de Ferdinand pour s'attacher au roi Philippe, ils avoient toujours été oppolės à fa majefté catholique : & le peu d'efpérance qu'ils eurent d'en obtenir le pardon, ne fervit qu'à fortifier leur haine, & à les affermir dans leur opiniâtreté;au lieu d'effacer le fouvenir de leur faute paffée par un prompt retour, ils s'otèrent eux-mêmes toute reffource,par des fautes nouvelles & plus grandes que les premières. Ferdinand en ayant porté fes plaintes au pape, pour Le pape faire le procès à ces deux évêques, fa fainteté commit l'arche commiflaires vêque de Tolède & l'évêque de Burgos pour faire les informapour infor- tions néceffaires, & les lui envoyer pour les juger. L'évêque de Badajoz voulut s'enfuir & fe retirer en Flandre auprès de l'archiduc, mais il fut reconnu & arrêté proche de fan-AnMariana, der. Le prélat fut quelque temps en prifon dans la citadelle ibid. n. 54. d'Atiença, & enfuite remis entre les mains de l'archevêque

nomme des

mer contre

deuxévêques

d'Espagne.

Parif. Ms. Arch.

Vat. p. 185.

de Tolède conformément aux ordres de fa fainteté.

Ces deux évêques n'écoient pas les feuls qui faifoient de Raynald, ut la peine à Ferdinand. Ce prince, malgré fa vigilance & fes Supra. bienfaits, fe trouvoit fouvent dans l'embarras. Comme il étoit à Cordoue, il fut averti que le cardinal Bernardin de Carvajal, légat en Allemagne, favorifoit davantage les intérêts de l'empereur que ceux de la Caftille dont il étoit chargé. Le prince en écrivit au pape, & lui demanda de retirer ce miniftre peu fidelle. Le pape y fatisfit auffitôt & rappela le cardinal à Rome. Le roi catholique partit de Cordoue fur la fin de l'automne pour aller à Séville, où il fut reçu avec de grandes démonftrations de joie. Il menoit avec lui la reine Germaine fon époufe & fon petit-fils D. Ferdinand. Mais ce diffipe une prince, né pour être traverfé & vivre dans l'agitation, fut conjuration. contraint de quitter Séville au fort d'un hiver rigoureux, Mariana, & de reprendre en diligence la route de Caftille pour diffi

XV.

Ferdinand

4.64.

per une conjuration qui fe formoit contre lui, à la tête de laquelle étoit le duc de l'Infantado. Dès qu'il fe fut montré,

il

il affoiblit le parti des conjurés, & gagna les grands par careffes, intimida les autres par menaces, fit des grâces aux plus opiniâtres & les mit dans fes intérêts.

AN. 1508.

XVI.

Le foudan

des Indes.

c. 6.

Le foudan d'Egypte nommé Campfon, follicité par les rois de Cambia & de Callicut, preffé même en fecret par les Vé- d'Egypte nitiens, & plus encore par l'intérêt du commerce de l'E- veut chaffer gypte, entreprit de chaffer les Portugais des Indes. Ce def. ies ortugais fein paroiffoit difficile : le foudan le fentoit, & ne voulant Barros. Dec. pas d'abord en venir à une violence ouverte, il tenta la voie 2.2 & feq. de la négociation. Il choisit le P. Maur gardien du faint féSpond. ad pulcre de Jérufalem, & l'envoya en Italie & en Espagne ann. 1508. pour ménager cette affaire auprès du pape & de leurs ma- ". 3. jeftés Catholique & Portugaife. Mais ce moyen n'ayant pas 29. n. 68. eu le fuccès dont il s'étoit flatté, il réfolut d'employer la Ciacon, in force, & d'obtenir par les armes ce qu'il n'avoit pu gagner add. to. 3. p. par la négociation.

Mariana, 1.

244.

Raynald, hoc an. n. 9.

XVII.

Il fait équi

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29. c. 16. &

22.

Il fit conftruire & équiper à Suès, qui n'eft qu'à trois journées de chemin du grand Caire, une flotte composée de fix galères, d'un gros galion, & de quatre gros bâtimens per une flotde charge, fur laquelle il fit embarquer huit cents Mam- te qui estvicmelus, & choifit pour chef de cette expédition un certain torieufe. Mirocem Perfan de naiffance, habile & expérimenté géné- Oforius, lib: 4.& 6. ral, qui du port de Suès mit à la voile, defcendit le long Maff. lib. 4. de la mer rouge, rangea les côtes d'Arabie, doubla le Golfe Mariana, de Perse, aborda au royaume de Cambïa, & vint mouiller dans l'île & au port de Diu, une des plus riches villes de Raynald.hoc tout l'Orient par le grand commerce qui s'y faifoit. Laurent ". ". 9. Bofius, p. 2, d'Almeyda, fils du viceroi des Indes, avoit été envoyé pour 1. 17, défendre les côtes, & escorter les vaiffeaux Portugais qui étoient partis du port de Cochin, chargés de riches marchandifes pour retourner en Portugal. Arrivé au port de Chaoul, il apprit l'arrivée de la flotte du foudan d'Egypte, que le gouverneur de Diu avoit jointe avec trente-quatre fuftes : on fe contenta le premier jour de fe canoner de loin avec plus de bruit que de mal.

Le lendemain Almeyda comptant beaucoup fur la valeur de fes gens, entreprit d'enlever à l'abordage le vaiffeau de Mirocem, qui portoit le pavillon d'amiral: mais il ne puten venir à bout; il fut même dangereulement bleffé de deux flèches, & un grand nombre de matelots & de foldats furent mis hors de combat. On revint à la charge le lendemain : Tome XVII.

B

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