ELOGE DE RENÉ 432343 DESCARTES. DISCOURS QUIA REMPORTÉ LE PRIX Par M. GAILLARD, de l'Académie des Infcriptions Felix qui potuit rerum cognofcere caufas! IBLIOTH DS LA VILLE DE LYON A PARIS; Chez REGNARD, Imprimeur de l'Académie M. DCC, LXV. 回 ELOGE DE RENÉ DESCARTES. ES premiers hommages font dûs aux hommes utiles qui ont fervi la Patrie ; les feconds aux hommes fublimes qui ont éclairé l'humanité. La reconnoiffance a dû se tourner d'abord vers ce Héros étranger, naturalifé par fes victoires, qui a fauvé, vengé, illuftré la France; vers ce Chef de la Magiftrature, en qui nous avons vu revivre le favant Lhôpital, qui nous a donné comme lui des loix fages, & qui, par l'exemple de fes vertus, a peut-être retardé parmi nous la chute des mœurs; vers cet homme fingulier, qui dans la décadence de la marine françoife, a fu lui rendre l'éclat de fes plus beaux jours; vers ce Miniftre auquel tous les autres n'ont plus qu'à reffembler, & qui a cru ne pouvoir mettre le sceau à la gloire du meil A ij leur des Rois, que par la félicité du meilleur. des peuples. Après ce tribut payé aux bienfaiteurs de la Patrie par la reconnoiffance, l'admiration fe tourne aujourd'hui vers l'homme qui a le plus perfectionné la raison humaine, qui a le plus détruit de préjugés, qui méritoit le plus d'arracher à la nature fes fecrets, peut-être impénétrables. En effet, combien d'erreurs, tour à tour maîtreffes des efprits, tour à tour honorées de la faveur publique, & décorées du beau nom de vérités, le temps n'a-t-il pas vu naître, tomber, renaître fous cent formes nouvelles, & avec des fuccès divers? Les vérités révélées, feules fixes, feules immuables, furnagent conftamment fur cet océan des âges, où s'abyme & s'engloutit tout ce qui n'eft que fyftème & opinion. Le monde est livré aux difputes des hommes; mais ces difputes ne font pas abfolument vaines, elles étendent l'efprit, elles exercent la raifon. De ce choc d'opinions partent quelques traits de lumière, quelques étincelles de vérité; les contradictions préviennent l'engourdiffement de l'ame, & l'empêchent de s'endormir dans de trop honteufes erreurs. L'homme a besoin de croire parce qu'il a befoin de favoir; & que croire, c'eft prefque favoir, du moins jufqu'à ce que l'erreur foit foupçonnée. La foibleffe de l'esprit humain cherche un point fixe pour s'appuyer, & fa pareffe aime à fe perfuader qu'elle l'a trouvé. La crédulité difpenfe d'un examen toujours difficile, fouvent infructueux; mais cette crédulité |