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I I.

LES HUNS,

Autrement appellés HAN ou premiers TCH AO.

Après J. C

IEOU-YUEN-HAI, Fondateur de cette nouvelle Dynastie des Huns, né parmi les Hordes qui étoient établies à Sin-hing (a), étoit fils de Pao, Chef des Hordes d'Orient, auquel les autres Chefs avoient donné le titre de Lieou-chi. Lieou eft le nom de famille de la Tein-choi Dynastie des Han, que les Huns avoient pris, parce qu'ils fe prétendoient defcendus de ces Empereurs Chinois, en conféquence des alliances qu'ils avoient contractées avec eux, & particulierement du mariage de l'ancien Tanjou Me-té avec une Princeffe de la Chine. Pao avoit épousé une femme de la famille appellée Hou-yen-chi, qui étoit la premiere & la plus illuftre parmi les Huns. Comme Lieou-yuen-hai fut un grand homme, & fur-tout le Chef d'une Dynaftie & le Reftaurateur de la Nation des Huns, on a crû devoir orner l'Hiftoire de fa naiffance de prodiges qui annonçoient ce qu'il devoit être dans la fuite. On prétend qu'un jour fon pere demandant au Ciel un fils, apperçut un grand poiffon qui avoit deux cornes fur le fommet de la tête; ce monftre s'approcha de l'endroit où l'on faifoit le facrifice, & difparut après y avoir refté pendant quelque tems. Les Devins annoncerent cette apparition comme un heureux préfage. La nuit fuivante la femme de Pao vit en fonge le même monftre changé en homme, tenant dans fa main quelque chofe qui repandoit une lumiere extraordinaire & qu'il lui donna en lui annonçant qu'elle auroit un fils. A fon reveil elle inftruifit Pao de cet événement, & celui-ci rappellant dans fa mémoire

(a) C'étoit alors un canton dont la Capitale s'appelloit Kio yam, qui eft aujourd'hui Sicou-yong dans le pays de Ta-yuen-fou dans le Chanfi. Tome I.

T

que fa mere lui avoit prédit qu'il auroit une poftérité qui s'éAprès J. C. tendroit jufqu'à la troifiéme génération, tira un heureux augure du rapport de toutes ces chofes. Mais on ne s'en tient point à ces fables on y ajoute de nouveaux prodiges, que je ne rapporte que parce qu'ils peuvent fervir à nous faire connoître le caractere de cette Nation.

Lieou-yuen vint au monde à treize mois, ayant en écrit dans fa main gauche le nom de Yuen-hai qu'on lui donna. Il avoit beaucoup d'efprit & de fagacité. Il perdit sa mere à fept ans. La vive douleur qu'il témoigna dans cette occafion, fes larmes & fes cris toucherent toute fa famille, & lui mériterent de juftes éloges de la part des étrangers. Les Hiftoriens Chinois font cette remarque, parce qu'il n'y a pas de pays où les devoirs que les enfans font obligés de rendre à leurs parens, foient plus recommandés qu'à la Chine, & où celui qui s'en acquite foit plus eftimé; en même-tems que celui qui y manque eft couvert d'un mépris univerfel. Lieou-yuen attira donc par-là fur lui l'attention des principaux Officiers de la Province. Souvent de pareilles actions chez les Anciens Chinois faifoient fortir de la pouffiere un Sujet pour l'élever aux plus grandes dignités de l'Empire.

Quoi que j'écrive l'Hiftoire d'un Prince Hun ou Tartare, il ne s'agit plus ici de ces Barbares qui habitoient dans les plaines de la Tartarie fous des tentes & au milieu de leurs troupeaux. Depuis que les Huns étoient venus demeurer dans la partie Septentrionale de la Chine, les principaux de la Nation s'étoient policés. Ils aimerent les Sciences, les cultiverent, les apprirent à leurs enfants & imiterent en tout les Chinois à cet égard.

Lieou-yuen donna tout le tems de fa jeuneffe à l'étude & à la lecture de ces anciens livres fi refpectés des Chinois, c'est-à-dire des King, ou livres canoniques qui contiennent les principes d'un bon gouvernement. Il méditoit fans ceffe fur ces fameux ouvrages; c'eft ainsi qu'il vit l'Y - king, le Chi - king, le Chou-king, & le Tchun

tcieou.

Le premier de ces King, l'Y-king eft le monument le

plus ancien qui fe foit confervé parmi les Chinois &
même parmi les hommes. L'Empereur Fo-hi, suivant
tous les Hiftoriens, en eft l'Auteur. Il confifte en lignes
droites, entieres ou coupées en deux parties, toujours
placées horisontalement, réunies les unes avec les autres
en différentes manieres, dont la combinaison monte à foi-
xante-quatre, que l'on appelle les foixante quatre
Koua. C'eft véritablement un livre inintelligible que la
feule antiquité a rendu refpectable, & qui l'eft devenu
d'avantage par les Commentaires que Ven-vam, & en-
fuite Confucius, les Fondateurs de l'Ecole Philofophi-
que des Chinois
y ont ajoutés, tirant des principes de
morale, tant pour la Société que pour le Gouvernement,
de l'accord & de la réunion de toutes ces lignes. Mais le
plus grand ufage que l'on fait de ce livre eft là divina-
tion. Plus il eft enveloppé de ténébres & plus les
Chinois y découvrent de connoiffances. L'Y-king fert
à tout,
il eft la fource de toutes les Sciences, & on l'em-
ploye à prédire aux hommes ce qui doit leur arriver.

Le Chi-king beaucoup moins ancien, eft un recueil de piéces de Poëffes faites à la louange des grands hommes fous les trois premieres Dynafties Chinoifes. Selon Confucius rien n'étoit plus propre que ce livre pour porter les hommes à la vertu & les inftruire de leurs devoirs. On chantoit ces Odes dans toutes les Cérémonies publiques, dans les Sacrifices, dans les Affemblées ; car la Mufique faifoit alors une partie confidérable du Gouvernement & de la Religion. L'accord & l'harmonie des fons qui fervoient à exprimer ces chanfons, portoient dans le cœur des peuples le même accord, & leur infpiroient la douceur les uns pour les autres, & le refpect pour les Dieux. Un des principaux Officiers de l'Empire préfidoit à la Mufique; il étoit chargé de l'enseigner aux Princes & aux Grands de la Nation. Il mettoit en vers & en chant les préceptes qu'il leur donnoit & les fentimens qu'il vouloit leur infpirer.

Le Chou-king encore plus inftructif & plus utile par le détail des vertus & des vices des Empereurs de la Chine

A lès J. C.

Après J. C.

& de leurs Miniftres, offre aux hommes, & furtout aux Princes, des reflexions fur la conduite qu'ils doivent tenir avec leurs Sujets. On y voit des Monarques que la feule pratique de la vertu a portés jufques fur le Thrône, toujours prêts à le céder à un Sujet encore plus vertueux; d'autres en. exclure leurs propres enfans, pour le donner à un homme qui n'avoit été occupé jufqu'alors qu'à manier la charue. Partout dans cet Ouvrage on trouve les maximes d'un fage Gouvernement. » Si je fais des fautes, » dit un de ces Princes à fes Miniftres, vous devez m'en avertir. Quels reproches ne mériteriez-vous pas, fi vous blâmiez ailleurs une conduite à laquelle vous applaudi»riez en ma présence? Celui qui fe croit plus habile & plus judicieux que le refte des hommes ne peut réuffir, & celui-là eft digne de regner, qui a fçu trouver un maître » pour s'inftruire.

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Le Tchun-tcieou, compofé par Confucius lui-même, n'eft qu'une chronique très-féche de l'Hiftoire de fon pays & des Etats voifins; mais un Chinois, accoutumé à refléchir, trouve dans ce détail rapide des évenemens, une fource inépuifable de reflexions. D'un coup d'œil il voit paffer devant lui les fiécles qui entraînent avec eux les Rois, les Conquérans, les Miniftres & tous les Grands hommes dont il ne refte que le fouvenir des bonnes ou des mauvaises actions.

Tels font les Ouvrages dans lefquels Lieou - yuen (a) chercha à fe former le cœur ; il y joignit ceux qui traitoient de l'Art-Militaire comme néceffaires à fon Etat, & une infinité d'écrits compofés par les Sçavans qui avoient fleuri fous la Dynaftie des Han. Auffi, disoit-il fans ceffe qu'il ne pouvoit fouffrir ceux qui étoient peu inftruits. Il s'appliqua encore à tirer de l'arc, & à tous Kam-mo. les exercices de la guerre. Il n'avoit point une figure ordinaire, & tous ceux qui le voyoient en étoient frappés; il gagna l'amitié des principaux Officiers Chinois qui de

Tein-chou

(a) Les Hiftoriens l'appellent indiffé remment Licou-yuen-hai ou Lieou-yuen. Je me fers plus volontiers de ce dernier,

parce qu'il eft plus court, & par conféquent plus facile à retenir.

Après J. C.

meuroient dans les environs. Le bruit de fes grandes qualités fut porté jufqu'à la Cour : l'Empereur Vou-ti voulut le voir & s'entretenir avec lui. Plufieurs Officiers s'emprefferent de faire valoir auprès de ce Prince les talens fupérieurs de Lyeou-yuen, tant dans les Lettres, que dans la Guerre, & repréfenterent la néceffité de les employer. D'autres, que la jaloufie infpiroit, parlerent différemment, & firent envisager à l'Empereur que les talens de Lyeouyuen étoient à appréhender, mais qu'il ne falloit pas paroître ni les méprifer, ni les oublier. Ils ajoutoient encore que fi on lui confioit quelque autorité, il pourroit entreprendre de repaffer dans le Nord à la tête de ses Sujets, & rétablir l'ancien Empire des Huns. Tous ces difcours n'empêcherent pas que l'Empereur, lorfque Pao qui étoit Général des Hordes d'Orient vint à mourir, ne lui don- L'an 279. nât cette dignité & ne. le comblât dans la fuite de nou- L'an 180 veaux titres qui le rendirent plus puiffant encore parmi les Hordes du Nord.

Lieou-yuen s'appliqua à policer fes Sujets, leur donna des Loix, établit des peines pour les criminels, & mit

an frein au vice. Il fçût gagner le cœur des Peuples par Tein chow. le mépris qu'il faifoit des richeffes, & le plaifir qu'il avoit Kam-mo. de les diftribuer. Tous les principaux & les plus braves de la Nation vinrent fe ranger auprès de lui. Il obtint L'an 290. enfuite la charge de Général d'Armée & le Commandement fur cinq Hordes des Huns avec le titre de Heou (a).

C'eft vers le même-tems que les Tartares So-teou, autrement Topa, s'approcherent d'avantage de la Chine, & fe partagerent en trois bandes, qui fe cantonnerent dans plufieurs de fes Provinces Septentrionales. La premiere habita au Nord du territoire de Cham-ko (b), la feconde dans celui de Tay (c) & la troifiéme vers Timfiam (d). Dans la fuite ces Tartares firent des conquêtes

(a) Les Chinois ont trois dignités principales qui font Kum, Pé, Heou, que plufieurs Miffionnaires ont rendu par Ducs, Comtes, & Marqui. C'eft de cette derniere dont il s'agit ici.

(b) Dans le Petcheli vers Pao-gantcheou.

(c) Dans le diftri&t de Ta-tong-fou dans le Chanfi.

(d) Aufli vers Ta-tum-fou dans le Chanfi.

L'an 295.

Kam-mo

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