fer une alliance. Des peuples qui s'étoient interdit prefque toute communication avec leurs voifins, & que ce principe infociable avoit accoutumés à une défiance univerfelle, ne devoient pas être favorablement difpofés pour des Etrangers dont le ton étoit impérieux, & qui avoient fignalé leur arrivée par des infultes faites aux dieux du pays. Auffi repoufsèrent-ils, fans ménagement, les deux ouvertures. Les merveilles qu'on racontoit des Efpagnols étonnoient les Tlafcalteques, mais ne les effrayoient pas. Ils livrèrent quatre ou cinq combats. Une fois les Efpagnols furent rompus. Cortès se crut obligé de fe retrancher, & les Indiens fe firent tuer fur les parapets. Que leur manquoit-il pour vaincre ? Des armes. Un point d'honneur qui tient à l'humanité; un point d'honneur qu'on trouva chez les Grecs au fiège de Troye, qui fe fit remarquer chez quelques peuples des Gaules, & qui paroît établi chez plufieurs Nations, contribua beaucoup à la défaite des Tlafcalteques. C'étoit la crainte & la honte d'abandonner à l'ennemi leurs bleffés & leurs morts. A chaque moment, le foin de les enlever rompoir les rangs & ralentiffoit les attaques. Une conftitution politique, qu'on ne fe feroit pas attendu à trouver dans le Nouveau-Monde, 7 s'étoit formée dans cette contrée. Le pays Les Tlafcalteques avoient des mœurs extrê- Le mérite militaire étoit le plus honoré, comme il l'eft toujours chez les peuples fauvages ou conquérans. A la guerre, les Tlafcalteques portoient dans leurs carquois deux flèches, fur lesquelles étoient gravées les images de leurs anciens héros. On commençoit le combat par lancer une de ces flèches, & l'honneur obligeoit à la reprendre. Dans la ville, ils étoient vêtus; mais ils fe dépouilloient de leurs habits pour combattre. On vantoit leur bonne-foi & leur franchise dans les Traités: & entr'eux ils honoroient les vieillards. Leur pays, quoiqu'inéga!, quoique peu étendu, quoique médiocrement fertile, étoit fort peuplé, affez bien cultivé, & l'on y vivoit heureux. Voilà les hommes que les Efpagnols ne daignoient pas admettre dans l'efpèce humaine. Une des qualités qu'ils méprifoient le plus chez les Tlafcalteques, c'étoit l'amour de la liberté. Ils ne trouvoient pas que ce peuple eût un Gouvernement, parce qu'il n'avoit pas celui d'un feul; ni une police, parce qu'il n'avoit pas celle de Madrid; ni des vertus, parce qu'il n'avoit pas leur culte; ni de l'efprit; parce qu'il n'avoit leurs opinions. pas Jamais peut-être aucune Nation ne fut idolâtre de fes préjugés, au point où l'étoient alors, où le font peut-être encore aujourd'hui les Espagnols. Ces préjugés faifoient le fond de toutes leurs pensées, influoient fur leurs jugemens, formoient leur caractère. Ils n'employoient le génie ardent & vigoureux que leur a donné la nature, qu'à inventer une foule de fophifmes, pour s'affermir dans leurs erreurs. Jamais la déraifon n'a été plus dogmatique, plus décidée, plus ferme & plus fubtile. Ils étoient attachés à leurs ufages comme à leurs préjugés. Ils ne reconnoiffoient qu'eux dans l'univers de fenfés, d'éclairés, de vertueux. Avec cet orgueil national, le plus aveugle qui fut jamais, ils auroient eu pour Athènes le mépris qu'ils avoient pour Tlaf Malgré cette manière de penfer fi hautaine & fi dédaigneufe, les Efpagnols firent alliance avec les Tlafcalteques, qui leur donnèrent fix mille pour les conduire & les appuyer. foldats Avec ce fecours, Cortès s'avançoit vers Mexico, à travers un pays abondant, arrofé, cou vert de bois, de champs cultivés, de villages & de jardins. La campagne étoit féconde en plantes inconnues à l'Europe. On y voyoit une foule d'oifeaux d'un plumage éclatant, des animaux. d'efpèces nouvelles. La nature étoit différente d'elle-même, & n'en étoit que plus agréable & plus riche. Un air tempéré, des chaleurs continues, mais fupportables, entretenoient la parure & la fécondité de la terre. On voyoit dans le même canton, des arbres couverts de fleurs des arbres chargés de fruits. On femoit dans un champ le grain qu'on moissonnoit dans l'autre. Les Espagnols ne parurent point fenfibles à ce nouveau fpectacle. Tant de beautés ne les touchoient pas. Ils voyoient l'or fervir d'ornement dans les maifons & dans les temples, embellir les armes des Méxicains, leurs meubles & leurs per~ fonnes; ils ne voyoient que ce métal. Semblables à ce Mammona, dont parle Milton, qui, dans le ciel, oubliant la Divinité même, avoit toujours les yeux fixés fur le parvis, qui étoit d'or. Montézuma, que fes incertitudes, fes incertitudes, & peut-être la crainte de commettre fon ancienne gloire, avoient empêché d'ataquer les Espagnols à leur arrivée; de fe joindre depuis aux Tlafcalteques, plus hardis que lui; d'affaillir enfin des vainqueurs, fatigués de leurs propres triomphes : Montézuma, dont les mouvemens s'étoient réduits à détourner Cortès du deffein de venir dans fa Capitale, prit le parti de l'y introduire lui-même. Il commandoit à trente Princes, dont plufieurs pouvoient mettre fur pied des armées. Ses richeffes étoient confidérables, & fon pouvoir abfolu. Il paroît que fes fujets avoient quelques connoiffances & de l'industrie. Ce peuple étoit guerrier & rempli d'honneur. Si l'Empereur du Mexique eût fu faire ufage de ces moyens, fon trône eût été inébranlable. Mais ce Prince, oubliant ce qu'il fe devoit, ce qu'il devoit à fa Couronne, ne montra pas le moindre courage, la moindre intelligence. Tandis qu'il pouvoit accabler les Efpagnols de toute fa puiffance, malgré l'avantage de leur difcipline & de leur armes, il voulut employer contr'eux la perfidié. Il les combloit à Mexico de préfens, d'égards, de careffes, & il faifoit attaquer la Vera-Cruz, |