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quoiqu'affez grièvement bleffé, veut fe charger lui-même de l'attaque. A peine eft-il en poffeffion de ce pofte important, que deux jeunes Mexi cains jettent leurs armes & viennent à lui comme déferteurs. Ils mettent un genou à terre, dans la pofture de fupplians, le faififfent & s'élancent avec une extrême vivacité, dans l'espérance de le faire périr, en l'entraînant avec eux. Sa force ou fon adreffe le débarrafsèrent de leurs mains, & ils meurent victimes d'une entreprise généreufe & inutile..

Cette action, mille autres d'une vigueur pa reille, font defirer aux Efpagnols qu'on puiffe trouver des moyens de conciliation. Montézuma, toujours prifonnier, confent à devenir l'inflrument de l'efclavage de fon peuple, & il fe montre, avec tout l'appareil du trône, fur la muraille pour engager fes fujets à ceffer les hoftilités. Leur indignation leur apprend que fon règne eft fini; & les traits qu'ils lui lancent le percent d'un coup mortel.

Un nouvel ordre de chofes fuit de près cet événement tragique. Les Mexicains voient à là fin que leur plan de defenfe, que leur plan d'attaque font également mauvais ; & ils fe bornent à couper les vivres à un ennemi que la fupériorité de fa difcipline & de fes armes rend invincible.. Cortès ne s'apperçoit pas plutôt de ce

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changement de fyftême, qu'il penfe à fe retirer chez les Tlascaltèques.

L'exécution de ce projet exigeoit une grande célérité, un fecret impénétrable, des mesures bien combinées. On fe met en marche vers le milieu de la nuit. L'armée défiloit en filence & en ordre fur une digue, lorfque fon arrière-garde fut attaquée avec impétuofité par un corps nombreux, & fes flancs par des canots diftribués aux deux côtés de la chauffée. Si les Mexicains, qui avoient plus de forces qu'ils n'en pouvoient faire agir, euffent eu la précaution de jetter des troupes à l'extrémité des ponts qu'ils avoient fagement rompus, les Efpagnols & leurs alliés auroient tous péri dans cette action fanglante. Leur bonheur voulut que leur ennemi ne fut profiter de tous fes avantages; & ils arrivèrent enfin fur les bords du lac, après des dangers & des fatigues incroyables. Le défordre où ils étoient, les expofoit encore à une défaite entière. Une nouvelle faute vint à fon fecours.

pas

L'aurore permit à peine aux Mexicains de découvrir le champ de bataille, dont ils étoient reftés les maîtres, qu'ils apperçurent parmi les morts un fils & deux filles de Montézuma que es Espagnols emmenoient avec quelques autres prifonniers. Ce fpectacle glaça d'effroi. L'idée d'avoir maffacré les enfans, après avoir immolé

le père, étoit trop forte, pour que des ames foibles & énervées par l'habitude d'une obéiffance aveugle, puffent la foutenir. Ils craignirent de joindre l'impiété au régicide; & ils donnèrent à de vaines cérémonies funèbres un tems qu'ils devoient au falut de leur patrie.

Durant cet intervalle, l'armée battue qui avoit perdu fon artillerie, fes munitions, fes bagages, fon butin, cinq ou fix cents Espagnols, deux mille Tlafcaltèques, & à laquelle il ne reftoit prefque pas un foldat qui ne fût bleffé, fe remettoit en marche. On ne tarda pas à la pourfuivre, à la harceler, à l'envelopper enfin dans la vallée d'Otumba. Le feu du canon & de la moufqueterie, le fer des lances & des épées, n'empêchoient pas les Indiens, tous nuds qu'ils étoient, d'approcher, & de fe jeter fur leurs ennemis avec une grande animofité. La valeur alloit céder au nombre, lorfque Cortès décida de la fortune de cette journée. Il avoit entendu dire que dans une partie du Nouveau-Monde le fort des batailles dépendoit de l'étendard Royal. Ce drapeau, dont la forme étoit remarquable, & qu'on ne mettoit en campagne que dans les occafions les plus importantes, étoit affez près de lui. Il s'élance avec ses plus braves compagnons, pour le prendre. L'un d'eux le faifit & l'emporte dans les rangs des Espagnols. Les

I iv

Mexicains perdent courage; ils prennent la fuite en jetant leurs armes. Cortès pourfuit fa marche, & arrive fans obftacle chez les Tlafcaltèques.

Il n'avoit perdu ni le deffein, ni l'espérance de foumettre l'Empire du Mexique; mais il avoit fait un nouveau plan. Il vouloit fe fervir d'une partie des peuples, pour affujettir l'autre. La forme du Gouvernement, la difpofition des efprits, la fituation de Mexico, favorifoient ce projet, & les moyens de l'exécuter.

L'Empire étoit électif, & quelques Rois ou Caciques étoient les Electeurs. Ils choififfoient d'ordinaire un d'entr'eux. On lui faifoit jurer que, tout le tems qu'il feroit fur le trône, les pluies tomberoient à propos, les rivières ne cauferoient point de ravages, les campagnes n'éprouveroient point de ftérilité, les hommes ne périroient point par les influences malignes d'un air contagieux. Cet ufage pouvoit tenir au Gouvernement théocratique, dont on trouve encore des traces dans prefque toutes les Nations de l'univers. Peut-être auffi le but de ce ferment bizarre étoit-il de faire entendre au nouveau Souverain, que les malheurs d'un Etat venant prefque toujours des défordres de l'adminiftration, il devoit régner avec tant de modération & de fageffe, qu'on ne pût jamais regarder les calamités publiques comme l'effet de fon impru

dence, ou comme une jufte punition de fes dé réglemens.

On avoit fait les plus belles loix pour obliger à ne donner la Couronne qu'au mérite: mais la fuperftition donnoit aux Prêtres une grande influence dans les Elections.

Dès que l'Empereur étoit inftallé, il étoit obligé de faire la guerre, & d'amener des prifonniers aux dieux. Ce Prince, quoiqu'électif,' étoit fort abfolu, parce qu'il n'y avoit point de loix écrites, & qu'il pouvoit changer les ufages reçus.

Prefque toutes les formes de la Juftice & les

étiquettes de la Cour étoient confacrées par la Religion.

Les loix puniffoient les crimes qui fe punifsent par-tout; mais les Prêtres fauvoient fouvent les criminels.

Il y avoit deux loix propres à faire périr bien des innocens, & qui devoient appefantir fur les Mexicains le double joug du defpotifme & de la fuperftition. Elles condamnoient à mort ceux qui auroient bleffé la fainteté de la Religion, & ceux qui auroient bleffé la majefté du Prince. On voit combien des loix fi peu précises facilitoient les vengeances particulières, ou les vues inté reffées des Prêtres & des courtisans.

On ne parvenoit à la nobleffe, & les Nobles

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