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Boeufs qui en eft fort proche. En 1675, ils y étoient deux cent foixante. Leur ardeur, d'abord extrême, ne tarda pas à fe ralentir. L'habitude de l'oifiveté reprit le deffus. Comme ils étoient la plupart excellens tireurs, la chaffe devint leur paffion la plus forte; & leur ancien goût pour le brigandage, fut réveillé par cet exercice. Bientôt ils commencèrent à faire des courfes dans les bourgs Indiens, dont ils enlevoient les habitans. Les femmes étoient destinées à les fervir, & on vendoit les hommes à la Jamaïque, ou dans d'au

tres îles. L'Espagnol, tiré de fa léthargie par ces excès, les furprit au milieu de leurs débauches, & les enleva la plupart dans leurs cabanes. Ils furent conduits prifonniers à Mexico, où ils finirent leurs jours dans les travaux des mines.

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Ceux qui avoient échappé, fe refugièrent dans le golfe de Honduras, où ils furent joints par des vagabonds de l'Amérique Septentrionale. Ils parvinrent, avec le tems, à former un Corps de quinze cents hommes. L'indépendance Le libertinage, l'abondance où ils vivoient, leur rendoient agréable le pays marécageux qu'ils habitoient. De bons retranchemens affuroient leur fort & leurs fubfiftances; & ils fe bornoient aux occupations, que leurs malheureux compagnons gémiffoient d'avoir négligées. Seulement ils avoient la précaution de ne jamais entrer dans

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l'intérieur du pays pour couper du bois, fans

être bien armés.

Leur travail fut fuivi du plus grand fuccès. A la vérité, la tonne qui s'étoit vendue jufqu'à neuf cents livres, étoit tombée infenfiblement à une valeur médiocre : mais on fe dédommageoit par la quantité de ce qu'on perdoit fur le prix. Les coupeurs livroient le fruit de leurs peines, foit aux Jamaïcains qui leur portoient du vin de Madère, des liqueurs fortes, des toiles, des habits; foit aux Colonies Angloifes du Nord de l'Amérique, qui leur fourniffoient leur nourriture. Ce commerce, toujours interlope, & qui fut l'objet de tant de déclamations, devint licite en 1763. On affura à la Grande-Bretagne la liberté de couper du bois, mais fans pouvoir élever des fortifications, avec l'obligation même de détruire celles qui avoient été conftruites. La Cour de Madrid fit rarement des facrifices auffi difficiles que celui d'établir au milieu de fes poffeffions une Nation active, puiffante, ambitieuse. Auffi chercha-t-elle immédiatement après la paix, à rendre inutile une conceffion que circonftances fâcheufes lui avoient arrachée.

des

Le bois qui croît fur le terrein fec de Campêche et fort fupérieur à celui qu'on coupe dans les marais de Honduras. Cependant le dernier étoit d'un ufage beaucoup plus commun,

parce que le prix du premier avoit depuis long-
tems paffé toutes les bornes. Ce défaut de vente
étoit une punition de l'aveuglement, de l'avidité
du fifc. Le Ministère Efpagnol comprit à la fin
cette grande vérité. Il déchargea fa marchandise
de tous les droits dont on l'avoit accablée; il la
débarraffa de toutes les entraves qui gênoient fa
circulation; & alors elle eut un grand débit dans
tous les marchés. Bientôt les Anglois ne trouve-
rent plus de débouché. Sans avoir manqué à fes
la Cour de Madrid se verra déli-
engagemens,
vrée d'une concurrence qui lui rendoit inutile
la poffeffion de deux grandes Provinces. Quel-
quefois Cadix tire le bois directement du lieu de
fon origine; plus fouvent il eft envoyé à la
Vera-Cruz, qui eft le vrai point d'union du
Mexique avec l'Espagne.

DE LA VERA-CRUZ.

DEUX villes du Mexique portent ce nom: l'une eft appelée la vieille; l'autre, la nouvelle.

Vera-Cruz vieja ou la vieille, fondée par Cortès fur la plage où il arriva, fervit d'abord d'entrepôt. Elle est placée fur les bords d'une rivière qui manque d'eau une partie de l'année; mais qui, dans la faifon des pluies, peut recevoir les plus grands vaiffeaux. Le danger auxquels ils font exposés, dans une pofition où rien ne les

Liit

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défendoit contre la violence des vents fi communs dans ces parages, fit chercher un abri plus fûr; on le trouva dix-huit milles plus bas fur la même côte. On y bâtit la nouvelle Vera-Cruz.

Vera-Cruz Nueva, bâtie à foixante-douze lieues de la Capitale, eft fituée fous un ciel qu'un foleil brûlant & de fréquens orages rendent défagréable & mal-fain. Des fables arides la bornent au N., & des marais infects à l'O. Tous les édifices y font en bois. Elle n'a pour habitans qu'une garnison médiocre, quelques agens du Gouvernement, les Navigateurs arrivés d'Europe, & ce qu'il faut de Commiffionnaires pour recevoir & pour expédier les cargaifons. Son port eft formé par la petite île de Saint-Jean-d'Ulua. Il a l'inconvénient de ne pouvoir contenir que trente ou quarante bâtimens, encore ne les met-il pas entièrement à l'abri des vents du Nord. On n'y entre que par deux canaux fi refferrés, qu'il n'y peut paffer à la fois qu'un navire. Les approches mêmes en font rendues dangereufes par un grand nombre de rochers à fleur-d'eau. Des corfaires audacieux ayant furpris la Place en 1712, on conftruifit fur le rivage des Tours où des fentinelles attentives veillent continuellement à la fûreté commune. C'eft dans cette rade qu'arrivent les objets deftinés pour l'approvifionnement du Mexique.

DE MEXICO.

M. de Pagès, qui arrivoit dans la nouvelle Espagne par le vieux Mexique, apperçut la Capitale d'affez loin de deffus des hauteurs.

Je découvris, dit-il, un très-grand lac, au milieu duquel,à environ une lieue de distance, paroît la ville de Mexico, comme une maffe immenfe qui ne tient à la terre que par des chauffées fur montagne, qui y conduifent: au pied de la le bord du lac, eft un bourg nommé Noftra Senora de Guadeloupe, qui pourroit paffer pour une petite ville d'Europe. Il y a auffi un bel aqueduc & une belle Eglife, dédiée à cette même Noftra Senora, ainfi que tout le Royaume.

On fe rend à la ville par une fuperbe chauffée, très-bien entretenue : elle a au moins cent pieds de largeur & une lieue de longueur. On y remardes arcades de diftance en distance, pour que donner un libre cours aux eaux du lac qui font faumâtres. Cinq pareilles chauffées conduisent de différens côtés à cette grande ville, qui peut avoir fix lieues de tour, & qui n'est fermée que des barrières. Le lac lui tient lieu de fortifipar cations; car il eft impoffible de le paffer à gué, à cause de la vafe, & il n'y a pas affez de bois dans le pays pour y conftruire un grand nombre de

bateaux.

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