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On étoit dans l'attente d'événemens terribles, lorfque les promeffes du Général Efpagnol, les fupplications d'Aubry, ce foible Commandant François, dont l'imbécillité avoit tout perdu; les difcours pleins de véhémence d'un Magistrat éloquent, calmèrent la fermentation. Perfonne ne s'oppofa à la marche de la petite flotte, qui arriva devant la Nouvelle-Orléans le 17 Août. Le lendemain, tous les citoyens furent déchargés de l'obéiffance qu'ils devoient à leur première patrie. On prit poffeffion de la Colonie au nom de fon nouveau maître ; & les jours fuivans ceux des habitans qui confentoient à joug de la Caftille, prêtèrent leur ferment.

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le

Tout étoit confommé, tout, excepté les vengeances. On vouloit des victimes. Il en fut choift douze dans ce que le militaire, la magiftrature & le commerce avoient de plus diftingué. Six de ces hommes généreux payèrent de leur tête la confrdération dont ils jouiffoient. Les autres, plus infortunés peut-être, allèrent languir dans les cachots de la Havane.

Effrayés de ces atrocités, ceux des habitans

que

les intérêts de leur négoce avoient appelés. dans la Colonie, portèrent ailleurs leur activité. Le défefpoir fit abandonner plufieurs riches plantations par leurs propriétaires. Le refte vécur fous l'oppreffion & dans la mifère. Sans quelques

liaisons furtives avec l'Anglois, qui naviguoit fur le Miffiffipi, dont il poffédoit & enrichiffoit une des deux rives, ces malheureux habitans n'auroient connu aucun débouché pour leurs productions; ils n'auroient eu aucune voie pour fe procurer les premiers befoins. Leur destinée doit, avec le tems, devenir un peu moins fâcheufe, & parce que les communications de l'Espagne avec fes Colonies ont été débarraffées. de beaucoup d'entraves, & parce qu'il a été accordé aux îles Françoises la liberté de tirer de cette grande Province, fur leurs propres navires, des bois & des fubfiftances.

La partie de la Louifiane, qui eft à la gauche. du Miffiffipi, depuis les lacs jufqu'au trenteunième degré de latitude, fait actuellement partie des poffeffions des Anglo-Américains. La droite du fleuve, & ce qui eft au-deffous du trenteunième degré, y compris la Floride, eft aux Espagnols.

S. IV.

DE LA FLORIDE.

LA Floride, autrefois plus étendue, se borne presque maintenant à une prefqu'île qui communique avec la Louifiane par une portion de ter

rein, cédée aux Espagnols par la paix de 1783, & bornée au Nord par la Géorgie.

La France avoit laiffé les Efpagnols & les Por tugais découvrir des mondes & donner des loix à des Nations inconnues. Un feul homme lui ouvrit enfin les yeux. Ce fut l'Amiral de Coligny, un des génies les plus étendus, les plus fermes, les plus actifs qui aient jamais illuftré ce puiffant Empire. Ce grand politique, citoyen jufques dans les horreurs des guerres civiles, envoya, l'an 1652, Jean Ribaud dans la Floride. Cette immenfe contrée de l'Amérique Septentrionale s'étendoit alors depuis le Mexique, juf qu'au pays que les Anglois ont depuis cultivé fous le nom de Caroline. Les Efpagnols l'avoient parcourue en 1512, mais fans s'y établir. On ne fait lequel admirer le plus, ou du motif qui les engagea dans cette découverte, ou de celui qui la leur fit abandonner.

Tous les Indiens des Antilles croyoient, fur la foi d'une ancienne tradition , que la nature cachoit dans le Continent une fontaine dont les eaux avoient la vertu de rajeunir tous les vieilJards affez heureux pour en boire. La chimère de l'immortalité fut toujours la paffion des hommes, & la confolation du dernier âge. Cette idée enchanta l'imagination romanefque des Efpagnols. La perte de plufieurs d'entre eux, qui

furent victimes de leur crédulité, n'ébranla pas la confiance des autres. Plutôt que de toupçonner que les premiers avoient péri dans un voyage où la mort étoit ce qu'il y avoit de plus fûr, on penta que s'ils ne paroiffoient plus, c'étoit parce qu'ils avoient trouvé le fecret d'une jeuneffe, éternelle, & ce féjour de délices d'où l'on ne vouloit plus fortir.

Ponce de Léon fut le plus célèbre entre les navigateurs qui s'infatuèrent de cette rêverie. Perfuadé qu'il exiftoit un troifieme monde, dont la conquête étoit réfervée à fa gloire, mais croyant que ce qui lui reftoit de vie étoit trop court pour l'immense carrière qui s'ouvroit devant fes pas, il réfolut d'aller renouveller fes jours & recouvrer la jeuneffe dont il avoit befoin. Auffi-tôt il dirigea fes voiles vers les climats où la fable avoit placé la fontaine de Jouvence, & trouva la Floride, d'où il revint à Porto-. Rico fenfiblement plus vieux qu'il n'en étoit parti. C'eft ainfi que le hafard immortalifa le nom d'un aventurier, qui ne fit une véritable découverte qu'en courant après une chimère. Il eut le fort de l'alchymifte, qui cherche de l'or qu'il ne trouve pas, & qui trouve une chofe précieufe qu'il n'avoit pas cherchée..

Les Espagnols avoient méprifé la Floride parce qu'ils n'y avoient trouvé ni la fontaine

qui devoit les rajeunir, ni l'or qui hâte notre vieilleffe. Les François y découvrirent un tréfor plus réel & plus précieux : c'étoit un ciel ferein, une terre abondante, un climat tempéré, des Sauvages amis de la paix & de l'hofpitalité; mais ils ne connurent pas eux-mêmes la valeur de ce tréfor. Si l'on eût fuivi les ordres de Coligny; fi l'on eût cultivé les terres qui ne demandoient que la main de l'homme pour l'enrichir; fi la fubordination avoit été maintenue entre les Européens; fi les droits des naturels du pays n'avoient pas été violés, on auroit pu fonder une Colonie, dont le tems auroit augmenté l'éclat & affuré la profpérité. Mais la légéreté Françoise ne permettoit pas tant de fageffe. On prodigua les vivres. Les champs ne furent point ensemencés. L'autorité des chefs fut méconnue par des fubalternes indociles. La fureur de la chaffe & de la guerre échauffa tous les efprits. On ne fit rien de ce qu'on devoit faire.

Pour comble de malheur, les troubles civils qui défoloient la France, détournèrent les regards des fujets, d'une entreprife où l'Etat n'avoit jamais arrêté les vues.

L'Espagne, toute occupée de l'Amérique, étoit accoutumée à s'en attribuer la poffeffion exclufive. Inftruite des tentatives de quelques François pour s'y établir, & de l'abandon où les

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