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pour les aveugler. Le plus doux préfent de la nature, la lumière, eft pour eux un don funefte. La plupart en font privés de bonne-heure.

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Un mal plus cruel encore, les confume lentement. Le fcorbut s'attache à leur fang, en altère, en épaiffit, en appauvrit la maffe. Les brumes de la mer, qu'ils refpirent; l'air épais & fans reffort, qui règne dans l'intérieur de leurs cabanes, fermées à toute communication avec l'air du dehors; l'inaction continuelle de leurs longs hivers ;. une vie tour-à-tour errante & fédentaire : tout provoque en eux cette maladie scorbutique, qui, pour comble de malignité, devient contagieufe, & fe tranfmet par la co-habitation..

Malgré ces incommodités, aucun peuple n'est plus paffionné pour fa patrie, que les Eskimaux. L'habitant du climat le plus fortuné, ne le quitte

pas avec autant de regret, qu'un de ces Sauvages du Nord en reffent, quand il s'eft éloigné d'un pays où la nature mourante n'a que des enfans débiles & malheureux : c'eft que ces peuples ont de la peine à refpirer un air plus doux & plus tiède. Londres, Amfterdam, Copenhague, ces villes couvertes de brouillards & de vapeurs fétides, font un féjour trop délicieux: pour des Eskimaux. Peut-être auffi les mœurs des peuples policés, font-elles plus contraires que leur climat à la fanté des Sauvages?

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Tels étoient les habitans du pays qui fut découvert en 1607 par Henri Hudfon, occupé du foin de chercher au nord-oueft un paffage pour entrer dans la mer du Sud. Cet intrépide & habile navigateur parcouroit pour la troisième fois, en 1611, ce détroit jufqu'alors inconnu, lorfque fes lâches & perfides compagnons le jettèrent, ainfi que fept matelots animés de fon efprit, dans une barque des plus fragiles, & l'expoferent fans provifions, fans armes, à tous les périls de la mer & de la terre. Les barbares qui lui refusoient les fecours de la vie, ne purent lui ôter la gloire de fa découverte. La baie où il entra le premier, eft & fera toujours la baie d'Hudfon,

Les calamités inféparables des guerres civiles firent perdre de vue, en Angleterre, une contrée éloignée qui n'avoit rien d'attrayant. Des jours plus fereins n'en avoient pas rappellé le fouvenir, lorfque Grofeillers & Radiffon, deux François Canadiens, mécontens de leur patrie, avertirent les Anglois, occupés à guérir par le commerce les plaies de la difcorde, qu'il y avoit de grands profits à faire fur les pelleteries qu'ils pouvoient tirer d'une terre où ils avoient des droits. Ceux qui propofoient l'entreprise montrèrent tant de capacité, qu'on les chargea de la commencer. Le premier établiffement qu'ils for

mèrent, furpaffa leurs efpérances & leurs pro meffes.

Ce fuccès chagrina la France, qui craignit avec raison, de voir paffer à la baie d Hudson les belles fourrures que lui fourniffoient les contrées les plus feptentrionales du Canada. Ses inquiétudes étoient fondées fur le témoignage unanime de ses coureurs de bois, qui, depuis 1656, s'étoient portés jusqu'à quatre fois fur les bords de ce détroit. On auroit bien defiré de pouvoir aller attaquer la nouvelle Colonie, par la même route qu'avoient fuivie ces traiteurs; mais les diftances furent jugées trop confidérables, malgré les facilités qu'offroient les rivières. Il fut arrêté que l'expédition fe feroit par mer; & elle fut confiée à Groseillers & à Radiffon, dont on avoit ramené l'inconftance; foit que tout homme revienne aisément à fa patrie, ou qu'un François n'ait befoin que de quitter la fienne pour l'aimer.

Ces deux hommes, inquiets & audacieux, partirent en 1682 de Quebec, fur deux bâtimens mal équipés. A leur arrivée, ne se trouvant pas affez puiffans pour attaquer l'ennemi, ils fe contentèrent d'élever un fort au voisinage de celui qu'ils s'étoient flatrés d'emporter. Alors on vit naître entre deux compagnies, l'une établie en Canada, l'autre en Angleterre, pour le

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commerce exclufif de la baie, une rivalité qui devoir toujours croître, dans les combats de cette funefte jaloufie. Leurs comptoirs réciproques furent pris & repris. Ces miférables hostilités n'auroient pas discontinué, fans doute, fi les droits, jufqu'alors partagés, n'avoient pas été réunis en faveur de la Grande-Bretagne par la paix d'Utrecht.

La baie d'Hudson n'eft, à proprement parler, qu'un entrepôt de commerce. La rigueur du climat y a fait périr tous les grains femés à plufieurs reprises; y a interdit aux Européens tout espoir de culture, & par conféquent de population. On ne trouve fur ces immenfes côtes que quatre-vingt-dix ou cent foldats & facteurs, enfermés dans quatre mauvais Forts, dont celui d'York eft le principal. Leur occupation eft de recevoir les pelleteries, que les Sauvages voifins viennent échanger contre quelques marchandifes, dont on leur a fait connoître & chérir l'uLage.

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Quoique ces fourrures foient fort fupérieures à celles qui fortent des contrées moins feptentrionales, on les obtient à meilleur marché. Les Sauvages donnent dix caftors pour un fufil; deux, pour une livre de poudre; un caftor pour quatre livres de plomb; un, pour une hache; un, pour fix couteaux; deux castors pour une

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livre de grains de verre; fix, pour un furtout de drap; cinq, pour une jupe; un caftor pour une livre de tabac. Les miroirs, les peignes, les chaudières, l'eau-de-vie, ne valent pas moins de caftors à proportion. Comme le caftor eft la mefure commune des échanges, un fecond tarif, auffi frauduleux que le premier, exige deux peaux de loutre ou trois peaux de martres, à la place d'une peau de caftor. A cette tyrannie autorisée, se joint une tyrannie au moins tolérée. On trompe habituellement, dit-on, les Sauvages fur la mesure, fur le poids, fur la qualité de ce qu'on leur livre; & la léfion eft à-peu-près d'un tiers.

S. VI.

DES TREIZE ÉTATS-UNIS.

UNE

NE partie de ces Provinces étoit autrefois comprife fous le nom de Nouvelle-Angleterre. Toutes enfemble, elles faifoient parties des poffeffions de la Grande-Bretagne en Amérique. Mais le Gouvernement ayant voulu les traiter en fimples Colonies; & ces Provinces ayant prétendu être regardées comme parties conftituantes de l'Empire Britannique, avantage qui leur fut refufé, elles prirent les armes. Leur alliance avec

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