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à moins qu'une grande familiarité n'appelle ces adorateurs jufqu'à la ftrade qui eft comme le fanctuaire du culte & de l'idole. Cependant, les divinités aiment mieux y être libres que fières; &, banniffant le cérémonial, elles jouent de la harpe ou de la guitarre, chantent même & danfent quand on les en prie.

Les citoyens les plus diftingués trouvent, dans les majorats ou fubftitutions perpétuelles que leur ont tranfmis les premiers conquérans leurs ancêtres, de quoi fournir à ces profusions: mais les biens-fonds n'ont pas fuffi à un grand nom bre de familles, même très-anciennes. La plupart ont cherché des reffources dans le commerce. Une occupation fi digne de l'homme, dont il étend à la fois l'activité, les lumières & la puiffance, ne leur a jamais paru déroger à leur nobleffe; & les loix les ont confirmés dans une manière de penser fi utile & fi raifonnable. Leurs fonds, joints aux remises qu'on fait fans ceffe de l'intérieur de l'Empire, ont rendu Lima le centre de toutes les affaires que les Provinces du Pérou font entre elles; des affaires qu'elles font avec le Mexique & le Chili; des affaires plus importantes qu'elles font avec la Métropole.

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S. VIL

DU CHI L.I.

Premières irruptions des Espagnols dans le Chili..

CETTE région, telle qu'elle eft poffédée par l'Espagne, a une largeur commune de trentelieues entre la mer & les Cordilières, & neuf cents lieues de côte depuis le grand défert d'Atacamas qui la fépare du Pérou, jusqu'aux îles de Chiloé qui la féparent du pays des Patagons. Les Incas foumirent à leurs fages loix une partie de cette vafte contrée, & ils fe propofoient d'affu jettir le refte; mais ils trouvèrent des difficultés. qu'ils ne purent vaincre.

Ce grand projet fut repris par les Espagnols, auffi-tôt qu'ils eurent fait la conquête des principales Provinces du Pérou. Almagro, parti de Cusco au commencement de 1535, avec cinq cent foixante-dix Européens & quinze mille Péruviens, parcourut d'abord le pays des Charcas, auquel les mines du Potofi donnèrent depuis un fi grand éclat. Pour fe porter de cette contrée au Chili, on ne connoifoit que deux chemins, & ils étoient regardés l'un & l'autre comme prefque impraticables. Le premier n'offroit fur les bords de la mer que des sables brû

lans, fans eau & fans fubfiftances. Pour fuivre le fecond, il falloit traverfer des moitagnes trèsefcarpées, d'une hauteur prodigieife, & couvertes de neiges auffi anciennes que le monde. Ces difficultés ne rebutèrent pas 1 Général; & il fe décida pour le dernier paffage, par la feule raison qu'il étoit le moins long. Son ambition coûta la vie à cent cinquante Efpgnols & à dix mille Indiens; mais enfin il attegnit le terme qu'il s'étoit propofé, & il fut eçu avec une foumiffion entière par les peuple anciennement dépendans du trône qu'on venit de renverser. La terreur de fes armes lui arroit fait obtenir vraisemblablement de plus grads avantages, fi des intérêts particuliers ne lui uffent fait defirer de fe trouver au centre de Empire. Sa petite armée refufa de repaffer les Cordilières. Il fallut la ramener par la voie qui avoit été d'abord négligée; & les hafards furent i heureux, qu'elle fouffrit beaucoup moins qu3n ne l'avoit craint. Ce bonheur étendit les vus d'Almagro, & le précipita peut-être dans les erreprifes où il trouva une fin tragique.

Les Espagnols reparuret au Chili en 1541 Valdivia, qui les conduifor, y pénétra fans réfiftance. Mais les Nations ui l'habitoient ne furent pas plutôt revenues e l'étonnement où les armes & la difcipline d l'Europe les avoient

jetées, qu'lles voulurent recouvrer leur indé pendance. a guerre dura dix ans fans interruption. Si qulques cantons, découragés par des pertes réitérées, fe déterminoient à la foumiffion, un plus grand nombre s'obstinoit à défendre leur liberté, quelqu'avec un désavantage presque continuel.

Un Capitane Indien, à qui fon âge & fes infirmités ne pemettoient pas de fortir de fa cabane, entendot toujours parler de ces malheurs. Le chagrin de voir les fiens conftamment battus par une poigné d'Etrangers, lui donna des for ces. Il forma treze Compagnies de mille hommes chacune, qu'il mt à la file l'une de l'autre, & les mena à l'ennem. Si la première étoit mise ent déroute, elle devit, au lieu de fe replier fur la feconde, aller fe allier fous la protection de la dernière. Cet orde, qui fut fidèlement suivi, déconcerta les Efpgnols. Ils enfoncèrent fucceffivement tous les Corps, fans en tirer aucun avantage confidéralle. Les hommes & les che→ vaux ayant égalemat besoin de repos, Valdivia ordonna la retraite ers un défilé où il prévoyoit qu'il feroit aisé de ft défendre. On ne lui donna pas le tems d'y arrivr. Les Indiens de l'arrièregarde s'en étant emprés par des voies détournées, tandis que les autres fuivoient fes pas avec précaution, il ht enveloppé & maffacré

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avec les cent cinquante Cavaliers qui formoient fa troupe. On lui verfa, dit-on, de l'or fondu dans la bouche. Abreuve-toi donc de ce métal dont tu es fi altéré, lui crioient avec fatisfaction ces fauvages. Ils profitèrent de leur victoire pour porter la défolation & le feu dans les Etabliffe& mens Européens. Plufieurs furent détruits, tous auroient eu la même deftinée, fi des forces confidérables, arrivées à propos du Pérou, n'euffent mis les vaincus en état de défendre les poftes qui leur reftoient, & de recouvrer ceux qu'on leur avoit enlevés.

Ces hoftilités meurtrières fe font renouve➡ lées, à mesure que les ufurpateurs ont voulu étendre leur empire, fauvent même lorsqu'ils n'avoient pas cette ambition. Les combats ont été fanglans, & n'ont guère été interrompus que par des trèves plus ou moins courtes. Cependant, depuis 1771, depuis 1771, la tranquillité n'a pas

été troublée.

Les Araucos fant, dans ces contrées, les ennemis les plus ordinaires, les plus intrépides, les plus irréconciliables de l'Espagne. Souvent ils font joints par les habitans de Tucapel & de la rivière Biobio, par ceux qui s'étendent vers les Cordilières. Comme ces peuples font plus rapprochés, par leurs habitudes, des fauvages de l'Amérique Septentrionale que des Péruviens

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