Imágenes de páginas
PDF
EPUB

de la faux terrible fous laquelle tombent fucceffivement toutes les générations. Sur une de fes aîles font peints la guerre, la peste, la famine, le naufrage, l'incendie, avec les autres accidens funeftes qui lui fourniffent, à chaque inftant, une nouvelle proie. Et l'on voit fur l'autre aîle, de jeunes Médecins qui fe font recevoir Docteurs, en présence de la mort, qui leur donne le bonnet, après leur avoir fait jurer qu'ils n'exerceront jamais la Médecine autrement qu'on la pratique aujourd'hui.

Quoique Don Cléofas fût perfuadé, qu'il n'y avoit aucune réalité dans ce qu'il voyoit, & que c'étoit feulement pour lui faire plaifir, que le Diable lui montroit la Mort fous cette forme, il né pouvoit la confidérer fans frayeur:

il fe raffura néanmoins & dit au Démon: Cette figure épouvantable ne paffera pas feulement pardeffus la ville de Madrid; elle y laiffera fans doute des marques de fon paffage. Oui, certainement, répondit le Boiteux : Elle ne vient pas ici pour rien. Il ne tiendra .qu'à vous d'être témoin de la befogne qu'elle va faire. Je vous prens au mot repliqua l'Ecolier. Volons fur fes traces. Voyons fur quelles familles malheureufes fa fureur tombera. Que de larmes vont couler! Je n'en doute pas répartit Afmodée; mais il y en aura bien de commande ! La Mort, malgré l'horreur qui l'accompagne, cause autant de joie que de douleur.

[ocr errors]

Nos deux fpectateurs prirent leur vol & fuivirent la Mort, pour l'obferver, Elle entra d'abord dans

une maison bourgeoife, dont le chef étoit malade à l'extrémité. Elle le toucha de fa faux & il expira au milieu de fa famille, quí forma auffi-tôt un concert touchant de plaintes & de lamenta tions. Il n'y a point ici de tricherie, dit le Démon. La femme & les enfans de ce Bourgeois l'aimoient tendrement; d'ailleurs ils avoient befoin de lui pour fubfifter; leurs pleurs ne fçauroient être perfides.

Il n'en eft pas de même de ce qui fe paffe dans cette autre maifon, où vous voyez la mort qui frappe un vieillard alité. C'eft un Confeiller qui a toujours vêcu dans le célibat, & fait très-mauvaise chere pour amaffer des biens confidérables qu'il laisse à trois neveux qui fe font affemblés chez lui, dès qu'ils ont appris qu'il ti

roit à fa fin. Ils ont fait paroître une extrême affliction, & fort bien joué leurs rôles. Mais les voilà qui levent le mafque & fe préparent à faire des actes d'héritiers, après avoir fait des grimaces de parens. Ils vont fouiller par tout. Qu'ils trouveront d'or & d'argent! Quel plaifir, vient de dire, tout à l'heure, un de ses héritiers aux autres, quel plaifir pour des neveux, d'avoir de vieux ladres d'oncles, qui renoncent aux douceurs de la vie pour les leur procurer! La belle oraifon funebre! dit Léandro Perez. Oh! ma foi, reprit le Diable, la plupart des peres qui font riches & qui vivent long-temps, n'en doivent point attendre une autre de leurs propres enfans.

Tandis que ces héritiers pleins de joie, cherchent les trésors du

défunt,

défunt, la mort vole vers un grand Hôtel on demeure un jeu ne Seigneur, qui a la petite véro le. Ce Seigneur, le plus aimable de la Cour, va périr au commencement de fes beaux jours, malgré le fameux Médecin qui le gouverne, ou peut-être parce qu'il eft gourverné par ce Doc

teur.r

Remarquez avec quelle rapi dité la mort fait fes opérations. Elle a déja tranché la destinée de ce jeune Seigneur, & je la vois prête à faire une autre expédition. Elle s'arrête fur un Couvent, elle 'defcend dans une célule, fond fur un bon Religieux, & coupe le fil de la vie pénitente & mortifiée qu'il mene depuis quarante ans. La mort, toute terrible qu'elle eft, ne l'a point épou vanté ; mais en récompenfe elle Tome II.

C

« AnteriorContinuar »