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qu'elle m'avoit faite, prenoit plus de foin de me plaire, qu'elle n'en avoit jamais pris. Je trouvois plus de vivacité dans fes careffes, & peu s'en falloit que je ne fuffe bien-aise du chagrin qu'elle m'avoit caufé.

Je tombai malade en ce tempslà. Quoique ma maladie ne fût point mortelle, il n'eft pas concevable combien ma femme en parut allarmée. Elle paffoit le jour auprès de moi; & la nuit, comme j'étois dans un appartement séparé, elle me venoit voir deux ou trois fois pour apprendre par ellemême de mes nouvelles. Enfin, elle montroit une extrême attention à courir au-devant de tous les fecours dont j'avois befoin. Il fembloit que fa vie fût attachée à la mienne. De mon côté, j'étois fi fenfible à toutes les marques de

tendreffe qu'elle me donnoit, que je ne pouvois me laffer de le lui témoigner. Cependant, Seigneur Mendoce, elle n'étoient pas auffi finceres que je me l'imaginois.

Une nuit, ma fanté commençoit alors à fe rétablir, mon valet de chambre vint me réveiller : Seigneur, me dit-il tout émû, je fuis fàché d'interrompre votre repos; mais je vous fuis trop fidéle pour vouloir vous cacher ce qui fe paffe en ce moment chez vous. Le Duc de Naxera eft avec Madame.

Je fus fi étourdi de cette nouvelle, que je regardai quelque temps mon valet fans pouvoir lui parler. Plus je penfois au rapport qu'il me faifoit, plus javois de peine à le croire véritable. Non, Fabio, m'écriai-je, il n'est pas poffible que ma femme foit capa

ble d'une fi grande perfidie! Tu n'es point affuré de ce que tu dis. Seigneur, reprit Fabio, plût au Ciel que j'en puffe encore douter; mais de fauffes apparences ne m'ont point trompé. Depuis que vous êtes malade, je foupçonne qu'on introduit prefque toutes les nuits le Duc dans l'appartement de Madame. Je me fuis caché pour éclaircir mes foupçons, & je ne fuis que trop perfuadé qu'ils font justes.

A ce difcours, je me leyai tout furieux; je pris ma robe de chambre & mon épée, & marchai vers l'appartement de ma femme, accompagné de Fabio, qui portoit de la lumiere. Au bruit que nous fîmes en entrant, le Duc qui étoit affis fur le lit, fe leva, & prenant un piftolet qu'il avoit à fa ceinture, il vint au-devant de moi & me

tira; mais ce fut avec tant de trouble & de précipitation qu'il me manqua. Alors je m'avançai fur lui brufquement & lui enfonçai mon épée dans le cœur. Je m'adreffai enfuite à ma femme qui étoit plus morte que vive: Et toi, lui dis-je, infâme, reçoi le prix de toutes tes perfidies. En difant cela, je lui plongeai dans le fein mon épée toute fumante du fang de fon amant.

Je condamne mon emportement, Seigneur Don Fadrique, & j'avoue que j'aurois pû affez punir une épouse infidelle, fans lui ôter la vie; mais quel homme pourroit conferver fa raifon dans une pareille conjoncture? Peignezvous cette perfide femme attentive à ma maladie : représentezvous toutes fes démonftrations d'amitié, toutes les circonftances,

toute l'énormité de fa trahison, & jugez fi l'on ne doit point pardonner fa mort à un mari qu'une fi jufte fureur animoit.

Pour achever cette tragique histoire en deux mots : Après avoir pleinement affouvi ma vengeance, je m'habillai à la hâte ; je jugeai bien que je n'avois pas de temps à perdre : Que les parens du Duc me feroient chercher par toute l'Espagne, & que le crédit de ma famille ne pouvant balancer le leur, je ne ferois en fûreté que dans un pays étranger. C'est pourquoi je choifis deux de mes meilleurs chevaux, & avec tout ce que j'avois d'argent & de pierreries, je fortis de ma maison avant le jour, fuivi du valet qui m'avoit fi bien prouvé fa fidélité. Je pris la route de Valence, dans le deffein de me jetter dans le premier

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