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Vous m'avez appris votre fecret, Don Juan, je veux auffi vous découvrir le mien. Ecoutez-moi. Infenfible aux foûpirs d'Alvaro Ponce, peu touchée de l'attachement de Mendoce, je menois une vie douce & tranquille, lorfque le hafard vous fit passer près du bois où nous nous rencontrâmes. Malgré l'agitation où j'étois alors, je ne laissai pas de remarquer que vous m'offriez votre fecours de très-bonne grace; & la maniere avec laquelle vous fçûtes féparer deux rivaux furieux, me fit concevoir une opinion fort avantageufe de votre adreffe & de votre valeur. Le moyen que vous propofâtes pour les accorder, me déplut. Je ne pouvois, fans beaucoup de peine me réfoudre à choifir l'un ou l'autre. Mais pour ne vous rien déguiser,

je

je croi que vous aviez déja un peu de part à ma répugnance. Car dans le même moment que forcé par la néceffité, ma bouche nomma Don Fadrique, je fentis que mon cœur fe déclaroit pour l'inconnu. Depuis ce jour, que je dois appeller heureux, après l'aveu que vous m'avez fait, votre mérite a augmenté l'estime que j'avois pour

vous.

Je ne vous fais pas, continuat-elle, un mistere de mes fentimens. Je vous les déclare avec la même franchise que j'ai dit à Mendoce que je ne l'aimois point. Une femme qui a le malheur de fe fentir du panchant pour un amant qui ne fçauroit être à elle, a raifon de fe contraindre & de fe venger du moins de fa foibleffe par un filence éternel; mais je croi que l'on peut fans fcrupule Tome II. G

découvrir une tendreffe innocente à un homme qui n'a que des vûes légitimes. Oui, je fuis ravie que vous m'aimiez, & j'en rends graces au Ciel, qui nous a fans doute destinés l'un pour l'autre.

Après ce difcours, la Dame fe tut pour laiffer parler Don Juan, & lui donner lieu de faire éclater tous les tranfports de joie & de reconnoiffance qu'elle croyoit lui avoir infpirés; mais au lieu de paroître enchanté des choses qu'il venoit d'entendre, il demeura trifte & rêveur.

Que vois-je! Don Juan, lui dit-elle, quand pour vous faire un fort qu'un autre que vous pourroit trouver digne d'envie, j'oublie la fierté de mon fexe & vous montre une ame charmée, vous réfiftez à la joie que doit vous caufer une déclaration fi obli

geante! vous gardez un filence glacé! Je vois même de la douleur dans vos yeux. Ah! Don Juan, quel étrange effet produifent en vous mes bontés!

Eh, quel autre effet, Madame, répondit triftement le Tolédan, peuvent-elles faire fur un cœur comme le mien? Je fuis d'autant plus miférable que vous me témoignez plus d'inclination. Vous n'ignorez pas ce que Mendoce, fait pour moi. Vous fçavez quelle tendre amitié nous lie. Pourroisje établir mon bonheur fur la ruine de fes plus douces efpérances? Vous avez trop de délicateffe, dit Dona Théodora. Je n'ai rien promis à Don Fadrique. Je puis vous offrir ma foi fans mériter fes reproches, & vous pouvez la recevoir fans lui faire un larcin. J'avoue que l'idée d'un amimalhen

reux doit vous caufer quelque peine; mais Don Juan, eft-elle capable de balancer l'heureux deftin qui vous attend?

Oui, Madame, repliqua-t-il, d'un ton ferme. Un ami tel que Mendoce a plus de pouvoir fur moi que vous ne pensez. S'il vous étoit poffible de concevoir toute la tendreffe, toute la force de notre amitié, que vous me trouveriez à plaindre ! Don Fadrique n'a rien de caché pour moi ; mes intérêts font devenus les fiens. Les moindres chofes qui me regardent ne fçauroient échapper à fon attention; ou pour tout dire en un mot, je partage fon ame

avec vous.

Ah! fi vous voulez que je profitafle de vos bontés, il falloit me les laiffer voir avant que j'euffe formé les nœuds d'une amitié fi

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