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lû avec réflexion, fon érudition instruifoit autant qu'elle amufoit. Il citoit furtout avec une justesse admirable les plus beaux endroits des anciens Poëtes, qu'il avoit remarqués ; & que n'avoit-il pas remarqué? Il me difoit quelquefois, que dans fa jeuneffe les BellesLettres avoient eu pour lui des charmes inexprimables ; & que dans fa vieilleffe, elles adouciffoient encore les infirmités & les chagrins attachés à cet âge. En effet, elles ont tant d'attraits pour ceux qui les cultivent ardemment, qu'elles deviennent fouvent une paffion, mais une paffion noble, qui déli vre heureusement les vrais Sçavans de la tyrannie de toutes les autres.

Mon deffein n'étant pas de donner. ici toutes les anecdotes & les obfervations littéraires le P. Oudin m'a que communiquées, je ne prétens pas non plus rendre un compte exact de fes fentimens particuliers, & de fes jugemens fur le caractère des Auteurs & le mérite des ouvrages, qui ont fait l'objet de fa critique. Comme dans le cours defes lectures il avoit beaucoup écrit fes réflexions & fes remarques feroient feules la matière de plufieurs volumes.

D'ailleurs, les Sçavans fe livrent quelquefois avec trop de complaifance dans le fonds du cabinet à des idées fingulières, qu'il ne feroit pas fouvent à propos d'expofer au grand jour: éblouis par trop de lumières, ils fe frayent des routes peu connuës au refte des hommes. Il eft certain que les fyftêmes les plus neufs & les plus hardis n'ont pas été produits par des efprits médiocres. Mais on doit à cet égard de grands ménagemens au Public. Quelle rumeur n'exciterent pas dans la République des Lettres les fyftêmes du P. Hardouin ? Nous fommes accoutumés à une certaine manière de penfer fur divers fujets, parce que nous ne les confidérons que fous un même point de vûe. Les changet'on de pofition, les préfente-t'on d'un différent côté ? on demande du tems pour les confidérer dans ce nouveau jour., & l'on tient cependant avec opiniâtreté aux premières idées, jufqu'à ce qu'on ait apperçu nettement l'heureufe découverte qu'un Auteur croit y avoir faite. On ne fe détrompe pas tout d'un coup, fans doute parce qu'on a honte d'avouer qu'on étoit dans l'er

reur; effet naturel de l'amour propre. La pareffe nous arrête encore fur l'examen qu'il faut faire d'une nouvelle opinion on aime mieux penfer tranquillement comme les Auteurs ont toujours penfé, que de prendre la peine de difcuter un fentiment nouveau. Mais allons plus loin: un Sçavant qui veut détruire les opinions communes pour y fubftituer les fiennes propres, femble s'arroger un titre d'autorité qui offufque & qui déplaît d'abord. Il faut avouer cependant que cette prévention nuit infiniment à la recherché de la vérité. Qu'il foit donc permis aux hommes d'un génie fupérieur, de. tenter quelques nouvelles voies pour y arriver, & de ne pas toujours s'affujettir au fentiment ordinaire furtout lorfque par la force de leur efprit, & l'étenduë de leurs connoiffances, ils ont vû les objets d'une façon plus diftincte & plus réfléchie, ou quand ils en ont faifi quelques-uns, qui avoient échapé aux plus exacts Obfervateurs. Ces principes, ce me femble, peuvent également s'appliquer aux matières morales, hiftoriques & littéraires ainfi qu'aux objets de Phyfique, Mais

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qu'un Sçavant n'entreprenne jamais de fubjuguer fiérement le monde Philofophe, ou littéraire ; & qu'il ne propofe, comme je l'ai déja dit, fes idées, fes découvertes & fes fyftêmes, qu'avec les égards dus indifpenfablement à ce redoutable Public. Au refte, en rapportant ici quelques-unes des pensées détachées & des réflexions critiques du P. Oudin, je n'ai pas voulu y joindre mon propre jugement, ni les noyer dans un commentaire, qui ôte presque toujours la force & l'agrément de ces fortes d'Ouvrages

I.

Un Poëte Provençal, nommé Andiole, a fait imprimer un Recueil de vers Latins, qui déplurent fi fort au P. Oudin, qu'il écrivit fur l'exemplaire qu'il en avoit le diftique fuivant:

Andioli quifquis verfus non odit inertes,
Andini nunquam carmina vatis amet.
I I.

Les meilleurs Ecrivains Efpagnol's font fans contredit Grenade, Ribadeneira, Sainte Thérèfe, & Mariana.

Cependant le style de Sainte Thérèfe eft diffus. Mariana traduifit fon Hiftoire d'Espagne en Latin ; il écrivoit auffi très-purement en cette Langue. On pourroit à ces quatre Auteurs ajouter encore Cervante. On s'eft apperçu que les Jéfuites Espagnols qui avoient demeuré en France, ont écrit dans leur propre langue plus fpirituellement, & beaucoup mieux que les autres.

II I.

Le P. Folard étoit brûlé du feu Poëtique: il auroit bien voulu voir l'effet de fes pièces dramatiques fur le Théâtre. On lit avec plaifir fon Edipe & fon Themistocle: il avoit encore compofé deux autres Tragédies fort belles, qui n'ont jamais été imprimées, Théodore & Agrippa. Le Père Oudin avoit retenu quelques vers de cette dernière:

» C'eft le fils de Néron, dont le cœur indomp» table

Ne croit régner fur nous, qu'autant qu'il >> nous accable :

» Cruel fans le paroître', il fçait l'art inhu

>> main

» D'enfoncer le poignard, & de cacher la main

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