DISCOURS PRELIMINAIRE. Es particularités qui conLcernent les Sçavans, intérefferont & plairont toujours, fi l'Ecrivain qui les recueille ne paroît préoccupé d'aucune paffion, & fi dans le détail qu'il en donne, il fçait répandre quelque aménité, c'eft-à-dire, s'il a trouvé l'art d'arranger agréablement les faits; art difficile, furtout lorfqu'on travaille fur un fond qu'il faut orner, en y tranf plantant,pour ainsi dire,des fleurs étrangères. J'ai craint, je l'avoue, que la vie d'un Sçavant qui a voulu fe dérober au grand jour, n'eût pas fuffifamment de 1 quoi intéreffer & occuper le Lecteur, fi je n'y faifois entrer quelques épifodes littéraires, pour donner plus d'action & de force au fujet principal. Rarement fe fait-on une grande idée d'un homme de Lettres modefte, dont les talens & l'érudition n'ont pas été connus autant qu'ils méritoient de l'être. Un nom fameux, le dût-on au hazard ou aux caprices du fiècle, l'eût-on même ufurpé, fait fouvent un prestige & ce preftige fert en quelque forte de recommandation dans le Public. Des évènemens bizarres, les entreprifes les plus téméraires ont quelquefois illuftré des gens d'un mérite très-médiocre. Parmi les grands hommes dont les noms font gravés dans le Temple de la gloire, ou dans les faftes de la République des Lettres, combien ne s'en trouve-t'il pas, qui ⚫ nous feroient aujourd'hui inconnus, fi ces avantures éclatantes n'euffent commencé, foutenu & confommé leur réputation ! Des dignités éminentes, la protection & la faveur des Grands, des opinions fingulières, des paradoxes, de célèbres rivaux ont fait honneur dans le monde littéraire à des hommes, qui peut-être fans ces heureux hazards y auroient été à jamais ignorés. La vie fimple & tranquille du P. Oudin ne m'ayant donc fourni aucunes de ces brillantes circonstances qui font un fi bel effet dans l'Hiftoire, j'ai été en quelque forte obligé d'y fuppléer par un affés grand nombre d'obfervations critiques & d'anecdotes. Je ne fçais fi ce genre de littérature eft encore du goût de notre fiècle ; mais vois-je en parlant d'un Sçavant de ce mérite, ne pas m'embar pou raffer quelquefois dans les ronces & les épines de l'érudition? Ceft la feule excufe que j'aye à donner à ceux de mes Lecteurs, que ces fortes de recherches pourroient fatiguer. D'ailleurs, fans affecter l'exactitude des dattes ni la compilation des petits faits, ne feroit-il pas ridicule de négliger dans une Hiftoire littéraire les époques & les circonstances effentielles qui en attirent à leur fuite une foule de minucieuses. dont on ne peut éviter la rencon tre, & qu'il n'eft pas même toujours inutile d'expofer: Ileft dans chaque genre d'Ouvrages un certain goût, une certaine manière d'écrire, que la raifon & l'ufage ont également confacrés, & qui doivent tenir lieu de règles. Quelle ftupidité, quelle folie n'y auroit-il pas à croire & à pré |