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fruit, obfervant toujours les réglemens qui leur avoient été prefcrits par leur premier directeur, que madame de Villeneuve fit venir à Paris, le commandeur de Sillery, Noël Brulard, lui ayant à fa recommandation procuré une penfion pour fon entretien. Mais ce directeur & madame de Villeneuve ne s'accorderent pas long-temps; car cette dame voulut introduire beaucoup de nouveautés parmi les filles, & le directeur refusa de rien changer dans les réglemen; qu'il avoit d'abord prefcrits; il n'approuvoit point furtout les vœux auxquels madame de Villeneuve vouloit engager ces filles, & qu'elle-même voulut faire pour donner exemple aux autres.

Le nombre de ces filles augmentant de jour en jour, elle obtint en 1640, de Jean-François de Gondy, archevêque de Paris, l'érection de cette compagnie de filles en fociété ou congrégation, fous le titre de Filles de la Croix, & qui fut autorisée par lettres patentes du roi, vérifiées au parlement de Paris en 1642. Ce fut pour pour lors que madame de Villeneuve fit avec fes filles, qui demeuroient avec elle à Vaugirard, les voeux fimples de chafteté, pauvreté, obéisfance & stabilité, entre les mains de M. Froger, curé de S. Nicolas du Chardonnet, qui leur fut donné pour fupérieur par l'archevêque de Paris.

Cette dame voyant la congrégation formée, voulut lui procurer un établiffement dans la capitale; elle pria la mere Angélique Luillier, fondatrice & premiere fupérieure du premier monaftere des filles de la Vifitation, de recevoir au noviciat dans fon monaftere deux des quatre premieres filles, qui avoient commencé l'inftitut des Filles de la Croix, pour prendre mieux l'efprit de cet inftitut, & fe former dans la pratique des obfervances régulieres. Elle acheta l'hôtel des Tournelles dans la rue S. Antoine, au cul de fac de l'hôtel de Guémenée, où les Filles de la Croix ont toujours demeuré jufqu'à préfent. Cette acquifition caufa de nouvelles brouilleries entre M. Guerin, premier directeur, & madame de Villeneuve, tant parce qu'elle l'avoit faite fans. fa participation, que parce qu'elle avoit, fans fon confentement, obligé quelques-unes des filles à faire des vœux : cela fut caufe que les filles de Brie-Comte-Robert & celles

de Paris fe féparerent, & formerent comme deux congrégations différentes : les unes demeurant dans leur premiere fimplicité, & ne voulant point s'engager par des vœux, s'attacherent toujours à M. Guerin & fuivirent fes réglemens, & les autres obéirent à madame de Villeneuve, & fe foumirent aux changemens qu'elle avoit introduits dans l'inftitut , par l'avis & le confeil de plufieurs grands ferviteurs de Dieu, & entr'autres de Vincent de Paul, inftituteur de la congrégation des prêtres de la miffion, qu'elle confultoit. en toutes chofes, & qui rendit de grands fervices à la congrégation des Filles de la Croix ; car, après la mort de madame de Villeneuve, arrivée le 15 Janvier 1650, les perfonnes qui s'étoient le plus intéreffées pour cette congrégation étoient d'avis qu'on la fupprimât, à caufe de la difficulté de pourvoir à sa subsistance & de quelques fàcheux accidens qui lui arriverent vers le même temps; il fut prefque le feil qui s'y of pofa dans plufieurs affemblées tenues fur ce fujet ; il foutint toujours qu'il falloit, pour le bien public, chercher tous les moyens poffibles de la foutenir & la faire fubfifter. C'est ce qui lui fit conseiller à une vertueuse dame, dont il connoiffoit le zèle & la charité, d'entreprendre cette bonne œuvre, & de fe rendre protectrice de ces bonnes filles. Madame de Traverfay, Anne Petau, veuve de M. Renaud, feigneur de Traverfay, confeiller au parlement de Paris, déférant à l'avis de Vincent de Paul, s'employa avec tant de zèle pour foutenir & défendre les intérêts de cette congrégation, qu'elle furmonta les obftacles qui fembloient les plus difficiles, & qu'elle la mit en état de fubfifter & de rendre, comme elle fait, un fervice utile à l'églife.

Dès l'an 1644, madame de Villeneuve avoit procuré aux Filles de la Croix de l'hôtel des Tournelles, un fecond établiffement à Ruel, village à deux lieues de Paris; elles y furent mifes par la ducheffe d'Aiguillon, niéce du cardinal de Richelieu, qu'elles reconnoiffent pour une de leurs principales bienfaitrices, puifqu'elle contribua par fes libéralités à l'achat de l'hôtel des Tournelles, qu'elle les établit dans la ville d'Aiguillon, & leur procura d'autres biens trèsconfidérables. Celles qui ne faifoient point de vœux, & qui demeuroient à Brie-Comte-Robert, eurent auffi, à peu

près

près dans le même temps, un établissement à Paris, dans la paroiffe de S. Gervais; elles en ont formé d'autres dans la fuite en plufieurs villes du royaume, comme à Roye, à Rouen & à Barbéfieux; toutes leurs maifons font unies fous la direction d'un même fupérieur, qui les conduit felon les premiers réglemens prefcrits par M. Guérin. Les filles qui font des voeux, ont des réglemens particuliers, qui leur furent donnés par M. l'évêque de Rhodez, Louis Abelly, pour lors leur fupérieur, leurs principales maifons, outre celles de l'hôtel des Tournelles, font celles de Ruel, de Moulins en Bourbonnois, de Narbonne, Tréguier, Aiguillon, Saint-Brieux, Saint-Flour & Limoges, fans compter plufieurs hofpices qui dépendent de quelques-unes de ces maifons, comme celui du fauxbourg S. Marcel à Paris, qui dépend de la maifon de l'hôtel des Tournelles, Mont-Luçon & Aivaux, qui dépendent de Moulins. Elles ont auffi paffé dans le Canada, où elles ont à Quebeck une communauté de plus de cent filles, avec une église ouverte, au lieu que dans les autres maifons elles n'ont que des chapelles domeftiques. M. de Harlay de Chanvalon, archevêque de Paris, permit en 1689, à celles de l'hôtel des Tournelles, d'avoir le faint Sacrement dans leur chapelle; mais celles qui demeurent dans la paroiffe de S. Gervais, n'ont ni église ni chapelle domeftique; elles vont à la paroiffe entendre la meffe & l'office divin. Le cardinal de Vendôme, légat à latere du pape Clément IX, en France confirma cette congrégation; & la bulle, qui fut adreffée aux maisons de Paris & de Ruel en 1668, s'exprime d'une maniere fort honorable & avantageufe pour cet inftitut.

Les filles de cette congrégation, tant celles qui font des vœux que celles qui n'en font point, s'exercent à toutes fortes d'oeuvres de charité fpirituelle qui leur font convenables à l'égard des perfonnes de leur fexe, & principalement envers les pauvres : elles tiennent leurs maisons ouvertes pour les recevoir, foit foit pour les inftruire des chofes néceffaires à leur falut, foit pour les difpofer à faire de bonnes confeffions générales; & même au befoin des retraites de quelques jours. Celles qui font des vœux récitent en commun le petit office de la Vierge,

Tome VIII.

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font en commun foir & matin l'oraifon mentale, ont les heures de filence, & jeûnent tous les vendredis, & les veilles de quelques fètes. Les unes & les autres font habillées de noir, comme les filles féculières. Elles ont un mouchoir de cou en biais. Celles qui font des vœux portent une petite croix d'argent, & les autres une petite croix de bois.

Mémoires donnés par les filles de la Croix de l'hôtel des Tournelles à Paris, & par les filles de la Croix de la paroiffe de S. Gervais. L'on peut confulter auffi la vie de Vincent de Paul, par Louis Abelly, évêque de Rhodez.

CHAPITRE XVIII.

Des Séminaires de S. Sulpice, fondés par M. Olier, Curé de S. Sulpice à Paris; Vie de ce Fondateur.

Dieu

M. Olier, l'un de ces hommes apoftoliques que fufcita dans le dernier fiécle pour travailler à la réforme du clergé, naquit à Paris le 20 feptembre 1608, & fut le fecond de trois enfans mâles dont la divine Providence bénit le mariage de M. Olier, maître des requêtes ordinaire de l'hôtel du roi, & de Marie Dolu, fon épouse. Baptifé à S. Paul, où il reçut le nom des apôtres S. Jean & S. Jacques, il fut porté peu de temps après au fauxbourg S. Germain, pour y être nourri, Dieu voulant qu'il passat les premieres années de fa vie, où il devoit finir fes jours, & que la paroiffe S. Sulpice, au bien de laquelle il devoit confacrer fes plus grands travaux, fût le lieu de fa première éducation. On remarqua dès fes premieres années que fes cris ne pouvoient être appaifés par les amufemens ordinaires des enfans, & que pour arrêter fes larmes & le mettre en repos, il le falloit porter à la paroiffe, où dès qu'il étoit entré il étoit tranquille & paifible. Après qu'il eut paffé les premieres années de l'enfance, & qu'on lui eut appris les premiers élémens de la langue Latine, on l'envoya au college, où il fit de fi grands progrès que fes parens le

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