avec les poinçons dont ils fe fervoient pour écrire fur leurs tablettes, jufqu'à ce qu'on l'eût retiré de leurs mains pour le conduire au château de Rivoque; on prétend que pendant sa prifon il traduifit en françois les actes des Apôtres, & que S. Paul, pour lequel il avoit toujours eu beaucoup de dévotion, s'apparut à lui.

Après avoir paffé un temps confidérable enfermé dans ce lieu, foit qu'il eut demandé d'être envoyé à Rome pour fe juftifier des accufations formées contre lui, foit le que pape eut appris les mauvais traitemens qu'on lui faifoit effuyer, & qu'il eut ordonné de le faire venir devant lui; Radulphe l'envoya à Rome, pour être puni de fon imprudence & de fa témérité. Mais le pape n'eut pas pour Lambert les mêmes fentimens que l'évêque de Liége: il reconnut que l'envie feule lui avoit procuré les mauvais traitemens qu'il avoit reçus; il en eut compaffion & le renvoya pleinement justifié, avec tout pouvoir pour annoncer la parole de Dieu, mais il n'eut pas la confolation de voir sa patrie; il mourut en chemin

en 1177.

C'est tout ce que l'on fait de la vie de ce faint fondateur des Béguines, qui dans la fuite fe multiplierent fi fort, qu'au rapport de Thomas de Cantipré, un gentilhomme, nommé Philippes de Montmirail, en assembla jufqu'à cinq mille en divers béguinages. S. Louis en établit auffi à Paris & en d'autres villes de fon royaume. On a confondu plufieurs communautés de filles féculieres du tiers-ordre de S. François avec ces Béguines, comme celles qui demeuroient à Paris où eft préfentement le monastère de l'ave Maria: quoiqu'on les ait appelées Béguines & qu'il y eût près de leur maison une porte qui portoit le même nom, néanmoins elles étoient des foeurs du tiers-ordre de S. François, ainfi qu'il paroît par la bulle du pape Innocent VIII de l'an 1485, qui permit à ces filles de suivre la régle de fainte Claire.

Quelques-unes de ces Béguines, établies en Allemagne, donnant dans des erreurs extravagantes, fe perfuaderent que l'on pouvoit s'élever jufqu'à la fouveraine perfection, jusqu'à l'impeccabilité & à la vue claire de Dieu, enfin jufqu'à un degré fi éminent de contemplation, qu'il n'étoit plus befoin après cela de jeûner, ni de fe foumettre à la direction & à

Beguine d'Amsterdam

de Poilly f

l'obéiffance des hommes mortels. Le concile de Vienne en 1113 condamna ces erreurs & abolit l'état des Béguines comme fufpect, permettant néanmoins aux femmes & aux filles véritablement fidelles, de vivre en chasteté & en pénitence, fans vœux ou avec des vœux.

Le pere Thomaffin remarque que c'eft fans doute à la faveur de cette derniere claufe qu'on a confervé & qu'on voit fleurir dans la Flandre tant de célebres & nombreux béguinages, qui, reftés fermes dans la foi, ne furent pas compris dans la condamnation & abolition de ceux qui étoient tombés dans l'héréfie; ceux de France auroient pu jouir de ce privilége, fi Philippe le Bel, qui cherchoit à autorifer & faire exécuter les décrets du concile de Vienne, ne les eût abolis, quoiqu'ils n'euflent jamais été infectés de l'héréfie; quelques-uns néanmoins fe font confervés jusqu'au commencement du dix-feptieme fiécle. Les Béguines qui ont furvécu au concile de Vienne, fe font gouvernées avec tant de fageffe & de piété, que le pape Jean XXII, par fa décrétale, qui explique le décret de fon prédéceffeur, fait dans le concile de Vienne, les prend fous fa protection. Selon cette décrétale, plufieurs d'entr'elles faifoient profeffion de chafteté, vivoient en communauté, & poffédoient des biens, propres à leur communauté. Enfin ce pontife dans la même décrétale, & Boniface VIII dans une autre, mettent les chanoineffes féculieres & les Béguines fous la jurifdiction des évêques, & les exemptent du tribunal féculier, quoique fans approuver expreffément leurs inftituts.

Il n'y a prefque point de ville dans les Pays-Bas qui n'ait des béguinages, & malgré le changement de religion arrivé à Amfterdam, il y en a un fort beau dans cette ville. Ces fortes de béguinages comprennent plufieurs maisons renfermées dans un même enclos, avec une ou plufieurs églifes, felon le nombre des Béguines. Chaque maison a une prieure ou maitreffe, fans la permiffion de laquelle elles ne peuvent fortir. Elles font des voeux fimples entre les mains du curé de la paroiffe où eft fitué le béguinage, & ce vou eft conçu en ces termes: Moi N. je promets à vous mon curé & aux magiftrats préfens & à venir, obedience & chafteté, tant que je demeurerai dans le béguinage. Elles font trois ans de noviciat

avant de recevoir l'habit; on ne le leur donne qu'en prononçant leurs vœux, ce qu'elles font en particulier,, & même au confeffional; celles qui font difcolles & défobéiffantes font chaffées de la Congrégation. Le curé de la paroiffe eft fupérieur du béguinage, & il ne fe fait rien fans le confeil de huit Béguines.

Autrefois les unes étoient habillées de gris, les autres de couleur tannée, & quelques-unes de couleur de bleu célefte; mais aujourd'hui elles font prefque toutes habillées de noir. Elles portent hors de chez elles une certaine toque noire & plate fur la tête, avec un toupet de foie au deffus & un manteau noir qui leur couvre auffi la tête & descend jusqu'aux talons; celles d'Amfterdam ne mettent qu'un voile noir. Autrefois les Béguines avoient autant de ftatuts différens, que de différentes formes d'habillemens. Celles de Malines en ont de particuliers; ils leur ont été donnés par des archevêques de cette ville, qui ont retranché des anciens ce qui étoit fuperflu. Lors des vifites de 1600 & 1601 faites par l'archevêque Mathias Hovius; dans le même béguinage il leur fut défendu d'avoir de petits chiens, fous peine de payer une certaine fomme d'argent au tréfor de l'églife toutes les fois qu'elles iroient contre cette défenfe. Ce béguinage eft le plus beau de toute la Flandre; il y a ordinairement quinze ou feize cents Béguines, fans les penfionnaires. Celui d'Anvers, qui eft auffi très-grand & fpacieux, a deux églises féparées. Nous donnons ici l'habillement de ces Béguines d'Anvers & d'Amfterdam.

Jofeph Geldofph. K. Rykel ab Orbeck, Hift. Beghinafiorum Belgii. Petr. Coëns, Difquifit. Hiftor. de Orig. Beghinarum. Philipp. Doutreman. Hift. de Valencienne. Le Mire, Chronic. Cift. pag. 168. Le pere Thomaffin, Difcipline ecclef. tom. II, part 4, livr. 1, chap. 62, num. 11, & fequent.