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affligés d'hydropifie fe prend & s'affecte affez ordinairement vers la fin de leur maladie ils deviennent affoupis, & perdent connoiffance: auffi eft-ce dans ce tems là même que leur langue devient feche. Je viens de voir un malade enflé depuis les pieds jufqu'à la tête. Cet homme, à la veille d'un jour que fa tête fe défenfla, tomba dans Paffoupiffement; il avoit la langue d'une féchereffe extrême : à peine pouvoit-il répondre aux queftions qu'on lui faifoit. Ses forces étoient tellement abattues, qu'on étoit obligé de lui tirer de la bouche les crachats qu'il avoit de la peine à expectorer: fon pouls néanmoins n'étoit pas tourà-fait mauvais après cet état de crife, fa langue s'humecta: il rendit quelques crachats fanguinolens : fon visage fe défenfla: il découloit de fes yeux une humeur épaiffe & colante : il expectoroit plus aifément, & il étoit moins affoupi: fa mort pourtant n'en fut différée que de quelques jours.

Il femble que l'organe intérieur ne fe laiffe pas infiltrer par la furabondance des eaux qui caufent l'hydropifie, & que quand, par le défaut d'ac

tion dans les organes deftinés à l'excrétion des humeurs, elles forment masse, la nature toujours vigilante les pouffe & les reporte, même avec douleur, dans les membranes cellulaires, où elles forment une efpece de dépôt: elles peuvent y rester des années entieres, fans troubler les fonctions vitales, & fans même que la fanté en foit confidérablement altérée. Combien de vieillards ont les jambes enflées, & ne s'en portent pas moins bien! Je connois une dame qui, quoiqu'elle ait les jambes & le ventre enflés depuis plus de vingt ans, veille, court, & ne manque aucune de toutes les occafions de s'amufer, qui se préfentent.

L'hydropifie ne paroît donc être que l'effet d'un travail excrétoire, nifus evacuatorius, comme une dartre, un polipe, une loupe; & fi le plus fouvent elle n'étoit pas l'effet & une caufe du plus grand dérangement dans l'action des organes les plus effentiels, fon prognoftic ne feroit pas toujours malheureux? Et en effet, n'y a-til pas des exemples de perfonnes qui ont vécu long-tems, les unes avec un

edeme aux jambes, les autres avec un hydrocele? Quelques-uns enfin peuvent, au moyen de la ponction répétée à des intervalles plus ou moins longs, fe prolonger les jours, & fe mettent en état de vaquer à leurs affaires.

LETTRE X X X V II I. Des caufes de l'hydropifie. Quelle peut être la fource des eaux dont elle est formée ?

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vous avez lu avec attention ma derniere Lettre, vous avez dû remarquer que l'hydropifie y eft confidérée comme une maladie de l'organe extérieur c'eft le tiflu cellulaire qui en eft le fiege il eft le feul organe, en effet, qui puiffe s'étendre affez & se prêter fuffifamment pour recevoir & contenir çette maffe énorme d'humeurs qui forment l'hydropifie. L'eau eft donc comme mise en dépôt dans cet organe, & là fans doute elle contracte des qualités qui la rendent étrangere à notre nature: elle perd in

fenfiblement ce caractere qui lui donnoit du rapport avec la fubftance de nos organes, & la faifoit reffembler aux humeurs qui imbibent, penetrent, arrofent & nourriffent les organes deftinés à la fécrétion des humeurs aqueufes.

Les principaux organes du ventre fe trouvent dans l'hydropifie afcite, comme une ifle au milieu de la mer: ils font environnés de cette maffe d'humeurs qui lui eft devenue étrangere, & qui, par fon impreffion dont ils ne peuvent fe défendre, leur devient funefte à la longue. Quels efforts ne doit pas faire la nature pour réfifter à cette maffe qui l'accable par fon poids, & eft devenue par fes mauvaifes qualités la caufe de mille fensations défagréables & importunes. Les cris & les plaintes d'un malade hydropique, la foif ardente qui le dévore, annoncent tout le défordre qui regne dans les mouvemens de la nature.

Vous me demandez maintenant comment vient l'hydropifie, & quelles en font les caufes. Si quelque chofe pouvoit fervir à étayer cette idée, que toutes les maladies ont une même cause

& une même marche, c'est la diverfité des caufes qui font naître l'hydropifie; la goutte qui fe développe mal, des hémorrhoïdes fupprimées, des dartres, & toute autre maladie de la peau repercutés; une fievre quarte fort enracinée, une fievre tierce dont les accès ont été trop tôt arrêtés : en un mot, tout ce qui peut occafionner ces diverfes efpeces de maladie : voilà les vraies caufes de l'hydropifie : elle est trèsfouvent précédée d'un embarras bien marqué dans les entrailles; telles que font la dureté du foie, celle de la rate, & d'autres tumeurs fituées dans les diverfes régions du bas-ventre. Ce font là les caufes les plus prochaines: elle en a de plus éloignées, & ces causes font les caufes tant morales que phyfiques de la mélancolie, que j'ai toutes indiquées dans mon Traité des principaux objets de Médecine.

La mélancolie, qui dérive de l'empâtement des entrailles, doit donc être confidérée comme la caufe de l'hydropifie; mais j'ai annoncé dans le même Traité qu'elle étoit la fource de toute les maladies chroniques. Ainfi l'hydro pifie, loin d'être confidérée comme l'effet des maladies dont je viens de

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