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des ducs de Bourgogne & de Berri, ce dernier depuis l'ambaffade d'Avignon étant auffi ennemi de Benoît qu'il avoit été ami de Clement; & par l'interceffion de Martin roi d'Arragon, qui avoit envoié des ambaffadeurs à Charles VI. pour l'affurer que le pape étoit prêt de remettre ses interêts entre fes mains, & de faire tout ce qu'il lui plairoit; le roi donna ordre au On change le marêchal de Boucicaut de changer le fiege du château en blocus, & d'y laiffer ege en blocus. entrer toutes les provifions neceffaires, fans en laiffer rien fortir, pendant qu'on traiteroit avec Benoît.

LXIV.

LXV.

ne,

Quelques hiftoriens difent que le roi d'Arragon avoit envoie une flotte pour délivrer Benoît; mais que n'aiant pû aborder à Avignon par le Rône, il tenta fa délivrance par la voie de la négociation, & que les ambaffadeurs firent fi bien, qu'ils obtinrent enfin du pape, quoiqu'avec beaucoup de peiqu'il promettroit de ceder en cas que fon concurrent cedât, qu'il mourût, ou qu'il fût dépofé. Il s'engageoit encore à faire fortir la garnison du château, ne le réfervant que cent hommes pour fa garde, & à fe trouver avec ce nombre d'hommes au concile, fi l'on en affembloit un. A ces conditions Benoît eft pri- le roi de France le prit fous fa protection, & le laiffa en liberté dans fon fonnier dans fon palais, content d'y mettre bonne garde de peur qu'il n'en fortît. Ce fut depalais. là qu'il écrivit diverfes lettres, entr'autres une au roi de France de la maHift. univ. Pa- niere la plus touchante & la plus pathetique..« On peut juger, lui dit-il, rif. 10. IV. fub » par les maux que je fouffre, que ce n'eft pas par opiniâtreté que je veux finem. » conferver un état auffi malheureux qu'eft le mien. Je ferois le plus miferable & le plus infenfé de tous les hommes, de rechercher dans ce monde » une mifere certaine, au hafard d'un malheur éternel dans l'autre. » Il conclut enfin en demandant fa liberté. Le roi lui répondit, & l'exhorta à accomplir le ferment folemnel qu'il avoit fait dans fon élection.

LXVI.

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pas

dans

Quelques mefures qu'on eût prifes pour établir la fouftraction, elle n'éLa voie de la toit pas generalement approuvée par ceux-là mêmes qui n'étoient fouftraction dé les interêts de Benoît. Cramaud patriarche d'Alexandrie affembla le clergé plaît à beaucoup pour demander un fecours d'argent. Cette propofition fouleva la plûpart, de perfonnes. & l'affemblée finit fans rien conclure. L'univerfité de Paris qui avoit confeillé la fouftraction, accufoit les évêques de priver les membres & fes fuppôts des benefices qui vacquoient, & de les donner à leurs créatures; ce qui l'irrita fi fort, qu'elle difcontinua fes leçons. L'univerfité de Toulouse pour d'autres raifons fe déchaîna ouvertement contre la fouftraction dans Hift. univ. Par. une lettre qu'elle écrivit au roi. Et quoique Nicolas de Clemangis defirât

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o. V. initio.

LXVII.

ardemment la fin du fchifine, & qu'il eût fortement écrit à Benoît XIII. depuis fon élection, il n'avoit cependant jamais approuvé la voie de la fouAtraction. Jean Gerfon étoit du même fentiment, auffi-bien que beaucoup d'autres docteurs habiles & bien intentionnez ; & fi dans la fuite ils vouJurent bien s'y foumettre, quand elle fut réfoluë en France, ils augurerent toujours qu'elle ne réuffiroit pas.

Le pape Boniface IX. fe rendoit odieux aux peuples par la fanonie qu'il Simonie de Bo- exerçoit à Rome, c'étoit d'abord d'une maniere fecrete, mais bien-tôt après niface IX. il leva le mafque pour la faire ouvertement. On prétend que ce fut lui qui Theod. de Niem. inventa les annates perpetuelles, comme un droit inféparablement attaché

Hift. ecclef. to

LX VIIT

Quelle étoit la fecte des Blancs. Niem. de fchifmi

aut fiege de Rome. Ses couriers parcouroient toute l'Italie, s'informant s'il de fchifm. 1. a n'y avoit point quelque bon beneficier malade, pour aller négocier fon be- c. 7. nefice à Rome. Et comme tous ceux qui venoient s'y faire promouvoir aux benefices, manquoient fouvent d'argent, l'ufure y devint fi publique fous ce pontificat, que ce ne fut plus un peché. Quelquefois même le pape ven doit le même benefice à plufieurs perfonnes fous la même datte, le propofant à chacun comme vacant. En un mot, dit M. Fleury, le trafic des benefices étoit fi public, que la plupart des courtifans foutenoient qu'il étoit 20. permis, & que le pape ne pouvoit pecher en cette matiere. Le patrimoine de faint Pierre étoit cependant au pillage; le comte de Fondi qu'il excommunia cette année 1399. avoit enlevé plufieurs villes de l'état de l'églife, & exerçoit des brigandages jufqu'aux portes de Rome. Jean Galeas duc de Milan s'étoit rendu maître de Peroufe; ce qui l'obligea de quitter Rome pour aller à Affife dans le deffein de pacifier ces troubles. Mais il revint bien-tôt à Roine à l'occafion du jubilé qui devoit s'y celebrer l'année fuivante. Ce fut dans ce même tems qu'arriva l'irruption de la secte des Blancs en Italie. Voici ce qu'en dit Thierry de Niem qui demeuroit en Italie depuis trente ans, & qui avoit ce fpectacle devant les yeux; en cela plus croiable que S. Antonin, Platine, Leonard Aretin & d'autres qui en ont parlé. «L'an dixiéme de Boniface, dit-il, vinrent d'Ecoffe en Italie certains impofteurs qui portoient des croix faites de briques fort artiftement arrangées, d'où « ils exprimoient du fang qu'ils y avoient fait adroitement entrer. En été ils « faifoient fuer ces croix avec de l'huile dont ils les frottoient en dedans. « rent. l. 3. p. 136. Ils difoient que l'un d'entr'eux étoit Elie le prophete; qu'il étoit revenu « du paradis, & que le monde alloit bien-tôt périr par un tremblement de « terre. Ils parcoururent prefque toute l'Italie, Rome & fa campagne, où « ils féduifirent une infinité de monde. Ce n'étoit pas feulement le peuple. les ecclefiaftiques eux-mêmes se revêtirent comme eux de facs ou de che- « mises blanches, & alloient par les villes en proceffion, chantant de nou- « veaux cantiques en formes de litanies. Ces pèlerinages duroient environ « treize jours, après quoi ils retournoient dans leurs maifons. Pendant leur « voiage ils couchoient dans les églifes, dans les monafteres, dans les ci- « metieres, faifant du dégât & de l'ordure par-tout où ils s'arrêtoient. Du- « ˆ rant leurs proceffions & leurs ftations il fe commettoit de grandes irré- « gularitez. jeunes, vieux, femmes, filles & garçons, tout couchoit pêle mêle dans un même lieu, fans qu'on y foupçonnât rien de mauvais. Mais " un de ces faux prophetes aiant été arrêté & mis à la queftion, confeffa «* fon crime, & fut brûlé. » Platine dit que ce fut Boniface qui fit brûler ce fanatique, mais il paroît douter que ce fut un impofteur.

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1.2. c. 26.

Antonin chron. tit. 22. c. 3.

Pogg. hift. Flos

Au refte, cette dévotion ne laiffa pas de produire de bons effets: car Pogge Pogg. hift. Fldans fon hiftoire de Florence dit, qu'avant de prendre les robes blanches rent.

que ces pénitens portoient, ils confeffoient leurs pechez à leurs prêtres, &

rémoignoient
un grand repentir de leur vie paffée. Chacun pardonnoit à fon
prochain, & mettoit fous les pieds toutes les offenfes paffées. Les Luquois fu-
rent les premiers qui vinrent en cet équipage à Florence au nombre de qua-
tre mille, faifant marcher devant eux un crucifix. On leur faifoit donner à

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LXIX.

.10.

Gobelin Perfon. Cofiod. 1. 6. c. 81. p. 311.

manger en public. Les Florentins à leur imitation prirent aussi l'habit blanc, & embrafferent cette nouvelle religion avec tant de ferveur, qu'on ne pou voit en témoigner du mépris fans être montré au doigt. On vit alors multiplier les bonnes œuvres avec une émulation admirable, & les haines les plus irréconciliables affoupies. C'étoit une réconciliation fi generale, qu'on n'entendoit plus parler d'embuches, ni d'affallinats, ni d'autres crimes contre le prochain. Voilà tout le bien qui en revint, car on reconnut enfin leur impofture; & tous ces faux penitens perdirent fi abfolument leur crédit, que peu de temps après leur ordre difparut & ceffa entierement.

La même année 13.99. le peuple chrétien & fur-tout les François qui étoient Jubilé a Rome toujours dans l'opinion que l'on devoit celebrer le grand jubilé au commencepour l'année 1400. ment de chaque fiecle, fe préparoient à aller à Rome pour gagner celui qu'ils Spond. an. 1400. s'attendoient d'avoir l'année fuivante 1400. Il eft vrai que Boniface VIII. qui avoit établi cette ceremonie en l'an 1 300. avoit déclaré qu'elle fe réïtereroit tous les cent ans: mais Clement VI. aiant trouvé ce terme trop long, l'avoit fixé à chaque cinquantiéme année, & enfin Urbain VI. pour honorer Niem. 1. 1. c. 68. les années que Jefus - Chrift a paffées dans fa vie mortelle, l'avoit réduit à Juv. des Orfins trente trois. Cependant comme on ne fe défait pas aifément des anciens préP.142. jugez, on n'avoit pas laiffé d'aller à Rome tous les cent ans dans l'intention de gagner le jubilé, ce qui apportoit beaucoup d'argent à Rome; en forte que les autres roiaumes s'en trouvoient incommodez. Le roi de France qui fentoit que le fien étoit épuifé, voulut donc arrêter la dévotion de fon peuple qui Le préparoit à fe rendre en foule à Rome pour l'année 1400. & pour y mieux réuffir; il défendit expreffément ce voiage à tous fes fujets, tant afin que Boniface ne crût pas qu'on le reconnoiffoit par là comme pape, que pour empêcher la fortie de l'argent hors du roiaume. Malgré ces défenfes, les François, hommes & femmes, voulurent y aller en foule. Mais comme Boniface étoit en guerre avec Honoré Cajetan comte de Fondi, ces pelerins furent fi bien punis de leur défobéiffance par les troupes du comte, qu'avant que d'arriver à Rome les uns furent pillez, les autres affaffinez, plufieurs femmes de qualité violées ; & de ceux qui entrerent dans Rome, il en mourut une quantité prodigieufe de la pefte, qui emportoit alors dans la ville jufqu'à fix cens perfonnes par jour.

cc.

LXX.

Cependant Conftantinople étoit inveftie par les Turcs depuis l'année préceVoiage & recep- dente 1 399. & dans le dernier danger; Pera qui eft comme fon fauxbourg, & tion de l'empereur d'où la ville tiroit tous les vivres, étant fur le point d'être pris. Le maréchal de de C. P. en Fran- Boucicaut alla pour le fecourir avec douze cens hommes feulement, le délivra, & par conféquent la ville. Après qu'il eut un peu reculé les Turcs qu'il batMoine de S. De- tit en plufieurs rencontres, l'argent & les homines lui manquant; il revint mis, l. 20. c. 1. en France avec l'empereur Michel Paleologue folliciter un plus grand fecours, & laiffa le Seigneur de Château-Morand dans Conftantinople pour défendre cette place. En paffant à Milan le duc Jean Galeas Vifconti reçut très-bien Palcologue, & le fit escorter jufqu'en France, où il arriva cette année. Il fut reçu à Paris avec les honneurs convenables à fa dignité; & comme il demandoit un nouveau fecours, on lui fit de belles promeffes, mais il n'eut Fien d'effectif qu'une penfion annuelle pour fa subsistance. La maladie du roi

fut

pu

du Quinziéme Siecle.

xxxiij fut caufe que les princes divifez entre eux ne voulurent rien faire davantage pour lui. Il demeura près de deux ans en France, au bout defquels aiant reçu la nouvelle de la défaite & de la prise de Bajazet par Themir - Lanc ou Tamerlan, & que le victorieux vouloit qu'il rentrât dans fes états, il remercia le roi de France & toute la cour des honneurs & des avantages qu'il en avoit reçus. Le roi de France fe montrant liberal jusqu'à la fin, fit de riches prefens à l'empereur Manuel, lui affigna une penfion de quatorze mille écus pour l'aider à rétablir fes affaires, & ordonna deux cens hommes d'armes pour le conduire en Grece, & en donna le commandement au feigneur de Château-Morand qui étoit arrivé depuis peu de Conftantinople, & qui preffoit l'empereur de s'en retourner, s'obligeant de le rendre dans Conftantinople. Ce voiage de l'empereur des Grecs lui fut moins avantageux à luimême par rapport à fes vûës, qu'à plufieurs états de l'europe, & fur-tout Denis, l. 22. c. 6. à l'Italie, où les favans qu'il avoit amenez avec lui apporterent le goût des belles lettres Grecques & Latines.

Le Moine de S.

LXXI. Dépofition de l'empereur Ven

ceflas.

3. 111.

Dubrav. I. 23.

La dépofition de l'empereur Venceflas fils aîné de Charles IV. & frere de Sigifmond qui fut depuis empereur, arriva auffi cette année. Ce prince étoit un monftre d'avarice, de molleffe, d'impudicité, d'intemperance, & de toutes fortes de vices; il deshonoroit fa dignité & l'empire par fes continuelles débauches. Ses cruautez obligerent enfin les grands de Bohême à le fai- Bzov. an. 1400. re mettre dans une prifon où il fut trois ou quatre mois dans l'ordure & dans la puanteur, & d'où il fe délivra par le moien d'une femme qui fervoit dans les bains où on lui permit de fe laver, & qu'il reçut enfuite par reconnoiffance ou par paffion à sa table & dans fon lit. Comme cette premiere difgrace ne l'avoit pas changé, Sigifmond fon frere le fit emprisonner une hift. Boh. feconde fois, & transferer à Vienne fous la garde d'Albert d'Autriche. Il en fortit encore par le fecours d'un pêcheur qu'il fit enfuite chevalier. Et comme toutes ces punitions ne le faifoient point changer de vie, les électeurs prirent la réfolution de le dépofer, & le déclarerent déchû de l'empire le vingtiéme d'Août 1400. Ce fut l'électeur de Maïence qui lût publiquement la fentence de dépofition, en prefence des deux autres électeurs ecclefiaftiques, de Robert duc de Baviere, de Frederic duc de Brunfvick, du Burgave de Nuremberg & d'autres.

LXXII. Robert duc de

pereur.

D. Martenne

Gobelin Perfon.

Cette dépofition étant faite, on avoit jetté les yeux fur le duc de Brunfvick & de Lunebourg prince genereux & très-grand capitaine; mais aiant été affaffiné par le comte Valdek, l'élection tomba fur Robert III. duc de Baviere eft élu emBaviere qui entra dans Francfort fur le Mein fix femaines après, reçut l'hommage de cette ville & de plufieurs autres, & fut couronné à Cologne l'an- Anecdotes tom. 1. née fuivante 1401. le jour de la fête des Rois, parce que ceux d'Aix-la- p. 1634. Chapelle où cette ceremonie devoit fe faire, n'avoient pas voulu le recevoir dans leur ville ni le reconnoître, non plus que les Bohemiens.& d'autres Cosmod. l. 6.6. qui étoient dans le parti de Venceflas. Dès que ce prince fut élu, il écrivit à Boniface, & lui notifia fon élection fans faire aucune mention de Vencellas, & promit d'envoier une ambassade folemnelle à fa fainteté pour former plus particulierement des circonftances de toute cette affaire. Les électeurs écrivirent au même pape & à fes cardinaux; leur lettre contenoit

Tome XXL.

е

pour l'in

70.

xxxiv Introduct. à l'Hist. Ecclefiaft. du Quinziéme Siecle. les motifs de la dépofition de Venceslas. Je ne dirai rien ici du voiage de Robert en Italie dans le deffein de s'y faire couronner, & de reprendre fur Jean Galeas duc de Milan toutes les terres que Venceflas lui avoit cedées. Ces deux princes en vinrent à une guerre affez sanglante; l'armée de Robert fut battue, & lui contraint de s'en retourner en Allemagne au printems: de l'année fuivante fans s'être fait couronner. Voilà tout ce que nous avons cru neceffaire de rapporter pour l'intelligence des faits arrivez dans le quinziéme fiecle que nous allons prefentement commencer.

V.LS

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