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maniere qu'elle eft en ufage; & dans l'année 1688. il donna les Devoirs des Maîtres & des Domestiques, où les uns & les autres peuvent profiter des avis generaux qui y font folidement établis.

les

Enfin, il entreprit un corps d'Histoire Ecclefiaftique, dont on a vingt volumes, le premier aiant paru en 1690. & le dernier fur la fin de 1719. Il s'eft propofé dans cet ouvrage de rapporter faits certains qui peuvent fervir à établir ou à éclaircir la doctrine de l'églife, fa difcipline & fes mœurs. Il omet les faits рец importans, qui n'ont point de liaifon entr'eux, ni de rapport au but principal de l'hiftoire: il n'admet que le témoignage des auteurs contemporains, & encore faut-il qu'il foit perfuadé de leur bonne foi. Il n'a femé dans fon hiftoire que quelques reflexions très-courtes; mais bien fenfées & bien judicieuses. Il en a retranché les differtations, les difcuffions & les notes de critique. Il ne s'y attache point fcrupuleufement aux questions de chronologie; il y fait des extraits exacts des ouvrages des Peres touchant la doctrine, la difcipline & les mœurs. Il donne les actes des martirs qu'il a cru les plus veritables. Il marque la fuite des empereurs, & les évenemens particuliers qui ont une connexion neceffaire avec l'hiftoire de la religion. Il expofe dans le difcours qui eft à la tête du premier volume, les regles qu'il s'eft prefcrites & qu'il a fuivies exactement. On trouve plufieurs autres difcours au commencement de quelques vo, lumes, qui montrent également le bon goût, l'érudition & le jugement de l'auteur. On voit dans celui qui eft au huitiéme tome l'établiffement divin du chriftianifme & le > gouvernement de l'églife; au treizième, l'inondation des barbares & la décadence des études : au feizième, le changement dans la difcipline & dans la penitence, les tranflations, érections, appellations, &c. Au dix-feptiéme, les univerfitez & les études : au dix-huitième, les croifades & les indulgences: au dix-neuviéme, la jurifdiction effentielle à l'églife, où il parle de l'inquifition: au vingtième enfin, qui finit en 1414. l'origine, l'état & le relachement des ordres religieux. Voilà tout ce que nous avons de cette hiftoire. Il fe preparoit à en donner la fuite lorfqu'il mourut le quatorze de Juillet 1723. dans fa quatre-vingtdeuxième année, après avoir été nommé confeffeur du roi Louis XV. en 1716. & s'être démis de cet important emploi dans le mois de Mars de l'année 1722. à caufe de fon grand âge.

Comme le public fouhaitoit avec beaucoup d'empreffement

fa continuation de l'Hiftoire de ce favant abbé, j'ai ofé l'entre-
prendre, quoique je fente beaucoup mieux que je ne puis l'ex-
primer, combien je fuis éloigné de cette nobleffe d'expreffions,
de ce ftile aifé qui fans être affecté n'eft cependant que de cet
auteur, de ces tranfitions heureuses, de ces traits vifs, de ces
reflexions, courtes à la verité, mais pleines de fens, répanduës
dans les vingt volumes de fon hiftoire. Enfin, j'avoue que je
n'ai aucun de ces talens. Mais s'il m'eft permis de dire ici quel-
que chofe pour ma justification, j'ofe affurer que mon dessein
n'avoit jamais été de m'ériger en continuateur de l'ouvrage de
M. l'abbé Fleury, & que ce que je commence à donner au pu-
blic, n'est que le fruit de quelques études que j'avois faites de
l'histoire des trois derniers fiecles, afin d'avoir pour mon ufage
particulier un corps d'hiftoire complet, qui put fuppléer à ce
pût
qui nous manquoit de ce favant abbé, que la mort a trop tôt
enlevé pour le bien public, quoiqu'il eût fi dignement fourni
fa carriere encore plus chargé de merites que d'années. Je n'a-
vois donc compofe cet ouvrage que pour ma propre inftruction,
&, fi j'ofe m'exprimer ainfi, par une efpece de defefpoir légi-
time, de ce que nous ne pouvions pas avoir la fuite de cette hi-
ftoire. Mais quelques amis m'ont déterminé à le rendre public,
dans la vûë du fruit qu'on en pourra retirer; & comme ils m'ont
rendu auteur en quelque façon malgré moi, il eft juste que je
rende compte
à mes lecteurs de mon deffein & de la maniere
dont je l'ai executé..

que

Je me fuis propofé de recueillir fimplement, & de réunir tout ce qui peut donner une idée jufte, & fuffifamment étenduë de ce qui s'eft paffé de plus confiderable, & dans l'églife, & dans les differens états de l'Europe pendant les trois cens dernieres années; aufquelles j'ajouterai les vingt-cinq du dix-huitiéme fiecle qui fe font déja ecoulées. J'avois dans la premiere édition divifé cette continuation par annales, afin que le lecteur fût plus aifément au fait de chaque point d'histoire, & d'un coup d'œil il pût connoître ce qui s'eft fait dans chaque année.. C'est la methode qui a été fuivie par Sponde évêque de Pamiers, & avant lui par le cardinal Baronius, dont il a été l'abbreviateur & le continuateur; par M. Godeau évêque de Vence; par Genebrard, & d'autres favans chronologiftes. Il m'a paru même que M. l'abbé Fleury auroit embraflé cette maniere d'écrire, s'il eût continué fon ouvrage, puifqu'il s'explique ainsi dans le premier. difcours qui fert de préface au premier volume. "Quant à “

M. Fleury dif

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l'ordre des temps, dit il, je n'ai pas cru m'y devoir attacher ,, trop fcrupuleufement. Il ne convient qu'à un hiftorien con,,temporain, comme Tacite, de faire des annales, écrivant des faits qu'il connoît dans un grand détail, & dont la proximité rend les dattes certaines. Ainfi, qui se propoferoit l'histoire ecclefiaftique depuis le concile de Trente, ou même depuis celui de Conftance, auroit raifon de la ranger par annales: mais il n'eft pas aifé de réduire ainfi les faits très-anciens, dont ,, on ne fait le temps que par conjectures ; c'eft fe donner de peine, & fe mettre au hafard de fe tromper & de tromper

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les autres.,

trop

Mais comme cette methode d'écrire par annales ne laiffe pas d'avoir fes inconveniens, ainfi que le même abbé l'a très-bien reconnu, lorfqu'il ajoute "que dans les faits mêmes les plus ,, certains, il n'eft pas toujours à propos de fuivre exactement l'ordre des années; autrement l'hiftoire tombera dans une extrême féchereffe , par les trop fréquentes interruptions. Il faudra paffer inceflamment d'Orient en Occident, d'Allema,, gne en France, ou en Espagne, d'un concile tenu en Italie à quelque diete de princes Allemands; parler de la mort d'un », pape, enfuite de celle d'un empereur ou d'un roi, & quelquefois fans liaisons, & par des transitions forcées. Ce qui fait juger qu'il vaudroit bien mieux anticiper quelques années, cu y remonter pour reprendre un fait important dès fon origine, & de le continuer fans interruption jusqu'à la fin, afin de ,, ne plus détourner l'attention du lecteur.,, J'ai fuivi l'ordre de M. l'abbé Fleury ; j'ai, comme lui, divifé par livres cette histoire, qui n'aiant plus le défaut d'être coupée par des interruptions défagréables, eft en même temps plus conforme à ce qui a été obfervé dans les vingt premiers volumes dont elle eft la conti

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nuation.

Si cet ouvrage n'eft pas une hiftoire complette, s'il n'a pas toute l'étendue qu'on auroit pû lui donner, ce n'eft pas non plus une fimple chronologie des faits qu'on rapporte: on s'est attaché à prendre un jufte milieu, n'aiant rien omis de ce qu'on a jugé neceffaire, retranchant ce qui a puru le moins effentiel, évitant enfin tout ce qui approche de la difpute & de la controverfe. Le propre de l'hiftoire cft d'expofer l'ordre & le détail des faits fans trop rechercher de preuves, de raifons & de témoins, pour faire connoître précisément en quel temps les chofes font arrivées, La chronologie au contraire ne s'attache qu'à étudier

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non feulement les époques confiderables, mais les mois, les jours, quelquefois les heures mêmes, où les faits fe font paffez, fans les approfondir, & fe contente feulement de les marquer. Ainfi elle ne donne qu'une connoiffance fort obfcure du paffe, & fi féche, qu'on ne peut en tirer aucun fuc qui puiffe donner une veritable nourriture à l'efprit. Mon dessein tient donc de l'histoire & de la chronologie, je les ai tellement conciliées l'une avec l'autre, qu'on y découvre une espece de détail des faits les plus importans ; d'un ftile plus étendu que la chronologie, & de la même maniere dont on écrit l'histoire. J'ai marqué autant qu'il m'a été poffible, le temps précis des faits établis par des preuves chronologiques, & par tout ce qu'il y a d'auteurs plus celebres & plus dignes de foi, dont j'ai rapporté fouvent les propres expreffions traduites en notre langue. J'ai joint à l'hiftoire de l'églife celle des états de l'europe, aux affaires defquels elle a eu part, afin que par la connoiffance de l'une, on puiffe aifément parvenir à être inftruit de l'autre. Peut-être paroîtra-t'il aux lecteurs, que je l'ai fait d'une manicre trop étendue en quelques endroits; mais je n'ai ufé de cette liberté que quand l'hiftoire ecclefiaftique ne m'a presque rien fourni en certaines années, ou quand les papes par des motifs particuliers fe font mêlez des affaires des princes, ou par eux-mêmes, ou par les négociations de leurs légats. On trouvera, par exemple, dans le vingt-troifiéme volume l'Histoire des differens entre Louis XI. & Charles duc de Bourgogne, expofée affez au long, parce que Sixte IV. y voulut entrer, & que pour réconcilier ces deux princes, il envoia en France & en Flandres le cardinal de S. Pierre-aux-liens fon neveu. Je dis la même chose de la grande affaire de Naples, qu'on verra dans le vingt-quatrieme tome. Ces détails ne peuvent que faire plaifir, ils inftruisent & apprennent un grand nombre de faits qu'on ne pourroit favoir qu'en confultant differens auteurs, que fouvent on n'a pas, ou qu'on n'a pas le temps de lire.

Au refte, on ne trouvera ici, ni de ces abregez où l'on n'apprend rien, ni de ces volumes multipliez, pleins de chofes inutiles à favoir, où tout eft long, jufqu'au détail des plus petites minuties, où les descriptions, les portraits trop détaillez, les harangues, la politique & les reflexions morales abforbent les faits, confondent la memoire & occupent trop l'efprit. L'on a donné à cet ouvrage une étendue proportionnée à chaque matiere qu'on y traite; l'on y montre en paffant ce qu'il ne faut pas

abfolument ignorer; l'on y découvre à fonds ce qu'il faut favoir;L'on n'en a banni, ni les descriptions, ni les portraits, ni les raifonnemens politiques, ni même les reflexions morales ; mais on a tâché que tout cela fût plus conforme au goût des anciens, qu'à l'abus qu'en font quelques modernes, où toutes ces chofes font d'ordinaire trop longues, trop fréquentes, trop négligées ;& par-là même, fouvent ennuieufes & dénuées de ce fel qui les fait goûter. Sur tout on a obfervé de ne les pas amener de loin, & de n'en ufer que quand elles fe presentent naturellement d'elles-mêmes, ou comme caufes, ou comme fuites, ou comme circonftances des faits qu'elles fervent à mettre dans leur jour, au lieu de les offufquer & de les confondre. C'eft pour cette rai-fon que les reflexions y font rares, afin de laiffer au lecteur le plaifir de les faire lui-même, & d'égaïer par-là fon imagi

nation.

Comme la verité eft l'ame de l'hiftoire, il femble qu'un écrivain doit mettre toute fa gloire à s'y borner, afin de ne pas tomber dans le défaut de ceux qui ont cru rendre leurs ouvrages plus agréables par des épifodes fabuleux, & par des faits licz exprès ensemble, pour faire un effet plus furprenant. Combien d'ouvrages avons-nous vû tomber de nos jours par ce feul en-droit, même dans l'efprit de gens d'une capacité médiocre, & qu'on ne lit, s'ils trouvent encore aujourd'hui des lecteurs, que comme un roman, & non pas comme une veritable histoire? Tant il eft vrai qu'il faut toujours préferer l'exacte verité à tous ces agrémens qu'on ne peut emploier fans l'intereffer, & que ce qui ne paroît pas veritable, de quelque côté qu'on le re-garde, ne doit point trouver de place dans une histoire. Il se peut faire que dans les chofes douteufes & conteftées, ce qui aura paru le plus vrai à un écrivain, le paroîtra moins à un autre, & peut-être auffi le fera-t'il moins : mais c'est-là une nature de faute de laquelle on ne s'excufe point, tous les hommes y étant fujets, & n'y aiant que Dieu qui fache tout.

Je n'ai rien avancé fans garans ; & afin de les mettre, pour ainfi dire, fous les yeux du lecteur, j'ai reftitué en marge les citations que j'avois omifes dans le tome vingt-uniéme de la premiere édition in-12. & j'y en ai ajouté un grand nombre dans le xx11. tome. Je n'y avois manqué que parce que j'avois pensé d'abord que les favans reconnoîtroient aifément les fources d'où j'ai puife ce que je raconte, & que les autres ne les confulteroient pas. Mais on m'a fait appercevoir que ce fentiment

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