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On porte jufqu'aux cieux leur juftice fuprême, Adorés de leur peuple, ils font des Dieux eux-mê

mes :

Mais aprés leur trépás, que font-ils à vos yeux ?
Vous éteignés l'encens que vous brûliés pour eux,
Et comme à l'interêt l'ame humaine eft liée,
La vertu qui n'est plus eft bientôt oubliée.
Ainfi du Ciel vangeur implorant le couroux,
Le fang de votre Roi s'éleve contre vous ;
Apaifons fon murmure,& qu'au lieu d'hecatombe,
Le fang du meurtrier foit verfé fur fa tombe.
A chercher le coupable apliquons tous nos foins.
Quoi,de la mort du Roi n'a-t-on point de témoins?
Et n'a-t-on jamais pû parmi tant de prodiges
De ce crime impuni retrouver les vestiges ?
On m'avoit toûjours dit que ce fut un Thebain
Qui leva fur fon Prince une coupable main:

à Jocafte.

Pour moi qui de vos mains recevant fa couronne Deux ans aprés fa mort ai monté sur son trône, Madame, jufqu'ici refpectant vos douleurs, Je n'ai point rapelé le fujet de vos pleurs, Et de vos feuls perils chaque jour allarmée, Mon ame à d'autres foins fembloit être fermée

JOCASTE

Seigneur, quand le deftin me refervant à vous,

1

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Par un coup imprévû m'enleva mon époux
Lorfque de fes Etats parcourant les frontieres, -

Ce heros fuccomba fous des mains meurtrieres

Phorbas en ce voyage étoit feul avec lui;
Phorbas étoit du Roi le confeil & l'apui.
Laïus qui connoiffoit fon zele & fa prudence,
Partageoit avec lui le poids de fa puiffance:
Ce fut lui qui du Prince à fes yeux maffacré
Raporta dans nos murs le corps défiguré;
Percé de coups lui-même il se traînoit à peine,
Il tomba tout fanglant aux genoux de sa Reine,
Des inconnus, dit-il, ont porté ces grands coups,
,, Ils ont devant mes yeux maffacré vôtre époux;

دو

دو

دو

Ils m'ont laiffé mourant, & le pouvoir celeste

De mes jours malheureux a ranimé le refte.

Il ne m'en dit pas plus, & mon cœur agité
Voyoit fuir loin de lui la triste verité :
Et peut-être le Ciel que ce grand crime irrite
Déroba le coupable à ma jufte poursuite :
Peut-être accompliffant fes decrets éternels
Afin de nous punir, il nous fit criminels.
Le fphinx bientôt aprés défola cette rive;
A fes feules fureurs Thebe fut attentive,
Et l'on ne pouvoit guere en un pareil effroi
Vanger la mort d'autrui quand on trembloit pour

foi,

OE DIPE.

Madame, qu'a-t-on fait de ce sujet fidele?
JOCASTE.

Seigneur, on paya mal fon fervice & fon zele.
Tout l'Empire en fecret étoit fon ennemi;
Il étoit trop puiffant pour n'être point haï ;
Et du peuple & des grands la colere insensée
Brûloit de le punir de fa faveur paffée.
On l'accufa lui-même, & d'un commun transport
Thebe entiere à grands cris me demanda fa mort ;
Et moi de tous côtés redoutant l'injustice,
Je tremblois d'ordonner fa grace, ou son suplice.
Dans un château voifin conduit fecretement

Je dérobai fa tête à leur emportement;
Là depuis quatre hivers ce vieillard venerable ·
(De la faveur des Rois exemple déplorable)
Sans fe plaindre de moi, ni du peuple irrité,
De fa feule innocence attend fa liberté.

OE DIPE.

à fa fuite.

Madame, c'est affés. Courés, que l'on s'empreffe,
Qu'on ouvre fa prifon, qu'il vienne, qu'il paroifle.
Moi-même devant vous je veux l'interroger;
J'ai tout mon peuple ensemble & Laïus à vanger:
Il faut tout écouter, il faut d'un œil fevere
Sonder la profondeur de ce trifte miftere.

Et vous, Dieux des Thebains, Dieux qui nous

exaucés,

Puniffés l'affaffin, vous qui le connoiffés.
Soleil, cache à fes yeux le jour qui nous éclaire ;
Qu'en horreur à fes fils, execrable à fa mere
Errant, abandonné, profcrit dans l'univers,
Il raffemble fur lui tous les maux des enfers,

Et que fon corps fanglant privé de sépulture,

Des vautours dévorans devienne la pâture.

LE GRAND PRESTRE.

A ces fermens affreux nous nous uniffons tous.
OE DIPE.

Dieux, que le crime feul éprouve enfin vos coups;
Ou fi de vos decrets l'éternelle juftice
Abandonné à mon bras le foin de fon fuplice,
Et fi vous êtes las enfin de nous haïr,
Donnés en commandant le pouvoir d'obeïr.
Si fur un inconnu vous pourfuivés un crime,
Achevés votre ouvrage, & nommés la victime.
Vous, retournés au temple, allés, que votre voix
Interroge ces Dieux une feconde fois :
Que vos vœux parmi nous les forcent à defcendre;
S'ils ont aimé Laïus, ils vangeront fa cendre
Et conduisant un Roi, facile à fe tromper,
Ils marqueront la place où mon bras doit fraper
Fin du premier Acte.

A

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HIDASPE.

Vi ce peuple expirant dont je fuis l'inter

prete,

D'une commune voix accuse Philoctete,

Madame, & les deftins dans ce trifte féjour
Pour nous fauver fans doute ont permis fon retour.

JOCASTE.

Qu'ai-je entendu, grands Dieux!

EGINE.

Ma surprise éft extrême...

JOCASTE.

Qui lui ! qui Philoctete?

HIDASPE.

Oui, Madame, lui-même.

A quel autre en effet pouroient-ils imputer
Un meurtre qu'à nos yeux il fembla mediter

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