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Il haïffoit Laïus, on le fçait, & fa haine
Aux yeux de vôtre époux ne fe cachoit qu'à peine.
La jeuneffe imprudente aifément se trahit ;
Son front mal déguifé découvroit fon dépit.
J'ignore quel fujet animoit fa colere:

Mais au feul nom du Roi, trop promt,

cere,

& trop fin

Efclave d'un couroux qu'il ne pouvoit dompter,
Jufques à la menace il ofoit s'emporter.

Il partit, & depuis fa deftinée errante
Ramena fur nos bords fa fortune flotante:

Même il étoit dans Thebe en ces tems malheureux

Que le Ciel a marqués d'un parricide affreux.
Depuis ce jour fatal avec quelque apparence
De nos peuples fur lui tomba la défiance.
Que dis-je ? affés long-tems les foupçons des The-
bains

Entre Phorbas & lui floterent incertains: Cependant ce grand nom qu'il s'acquit dans la guerre,

Ce titre fi fameux de vangeur de la terre,

Ce refpect qu'aux heros nous portons malgré nous,
Fit taire nos foupçons, & fufpendit nos coups.
Mais les tems font changés, Thebe en ce jour funefte
D'un refpect dangereux a dépouillé le refte.
Ce peuple épouventé ne connoît plus de frein,

Et

Et quand le Ciel lui parle il n'écoute plus rien.

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Helas! je porte envie

A ceux qui dans ces murs ont terminé leur vie.

Quel état, quel tourment pour un cœur vertueux !
EGINE.

Il n'en faut point douter, votre fort eft affreux.
Le peuple qu'un faux zele aveuglément anime,
Va bientôt à grands cris demander fa victime.
Je n'ofe l'accufer: mais quelle horreur pour vous,
Si vous trouvés en lui l'affaffin d'un époux ?

JOCASTE.

Lui! qu'un affaffinat ait pû fouiller fon ame!

Des lâches fcelerats c'est le

partage infame.

Il ne manquoit, Egine, au comble de mes maux, Que d'entendre d'un crime accufer ce heros;

C

Aprens que ces foupçons irritent ma colere,

Et qu'il eft vertueux puis qu'il m'avoit fçû plaire.

EGINE.

Cet amour fi conftant...

JOCASTE.

Ne crois pas que mon cœur De cet amour funefte ait pû nourir l'ardeur. Je l'ai trop combatu... cependant, chere Egine, *Quoi que faffe un grand cœur où la vertu domine On ne fe cache point ces fecrets mouvemens De la nature en nous indomptables enfans: Dans les replis de l'ame ils viennent nous fupredres Ces feux qu'on croit éteints renaiffent de leur cen

dre,

Et la vertu fevere en de fi durs combats,

Refifte aux paffions, & ne les détruit pas.

EGINE.

Votre douleur eft jufte autant que vertueuse,
Et de tels fentimens...

JOCASTE.

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Que je fuis malheureuse! Tu conois, chere Egine, & mon cœur & mes maux; J'ai deux fois de l'himen allumé les flambeaux," Deux fois de mon deftin fubiffant l'injustice, J'ai changé d'efclavage, ou plûtôt de fuplice; Et le feul des mortels dont mon cœur fut touché,

A mes vœux pour jamais devoit être arraché.
Pardonnés-moy,grands Dieux,ce fouvenir funefte,
D'un feu que j'ai dompté c'est le malheureux refte
Egine, tu nous vis l'un de l'autre charmés,
Tu vis nos nœuds rompus auffitôt que formés.
Mon Souverain m'aima, m'obtint malgré moi-
même;

Mon front chargé d'ennuis fut ceint du diadême :
H falut oublier dans fes embraffemens.

Et mes premiers amours, & mes premiers fermenst
Tu fçais qu'à mon devoir toute entiere attachée,
J'étouffai de mes fens la revolte cachée,
Et déguifant mon trouble & dévorant mes pleuss,
Je n'ofois à moi-même avouer mes douleurs.

EGINE.

Comment donc pouviés-vous du joug de l'himenét Une feconde fois tenter la destinée ?

JOCASTE

Helas!

EGINE.

Parle.

M'est-il permis de ne vous rien cacher a
JOCASTE

EGINE

Oedipe, Madame, a paru vous toucher ;

Et votre cœur du moins fans trop de refiftance,

1

De vos Etats fauvés donna la recompenfe.

JOCASTE.

Ah grands Dieux!

EGINE.

Etoit-il plus heureux que Laïus.

Ou Philoctete abfent ne vous touchoit-il plus 3
Entre ces deux heros étiés-vous partagée ?
JOCASTE.

Par un monftre cruel Thebe alors ravagée
A fon hiberateur avoit promis ma foi,

Et le vainqueur du fphinx étoit digne de moi.

Vous l'aimiés ?

EGINE.

JOCASTE.

Je fentis pour lui quelque tendreffe
Mais que ce fentiment fut loin de la foibleffe
Ce n'étoit point, Egine, un feu tumultueux,
De mes fens enchantés enfant impetueux.

Je ne reconnus point cette brûlante flamme
Que le feul Philoctete a fait naître en mon ame,
Et qui fur mon efprit répandant son poison,

De fon charme fatal a feduit ma raison.
Je fentois pour Oedipe une amitié fevere,
Oedipe eft vertueux, fa vertu m'étoit chere:
Mon cœur avec plaifir le voyoit élevé
Au trône des Thebains qu'il avoit confervé.

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