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tiere avoient vú fans doute ces vers de Malberbe, & Mr. Corneille ces deux de Mr. Godeau. Car il arrive fouvent qu'une chofe nous demeure dans l'efprit, que l'Auteur de cette chofe s'efface de nôtre memoire. Mais ce qui eft arrivé à Mr. de Racan eft tout-à-fait extraordinaire. En l'année 1 608. étant en garnijon à Calais, âgé de 19. ans, il fit ces quatre vers,

Eftime qui voudra la mort épouvantable,
Et la faffe l'horreur de tous les animaux,
Quant à moi je la tiens pour le point defi-
rable,

Où commencent nos biens & finiffent nos

maux.

Quelque tans après étant à Paris, & récitant ces vers comme étant de lui à fen ami Ivrante, fon ami lui dit qu'il ne donnoit point dans ce panneau: qu'il favoit fort bien que ces vers étoient de Mathieu : &que c'étoit le prémier quatrain de fon Livre intitulé Les Tablettes de la Vie & de la Mort. Mr. de Racan qui n'avoit jamais vu ce Livre, contefta long-tems, & opiniatrément, que Mathieu ne pouvoit avoir fait ces vers : & il ne fe rendit làdeffus que lors qu'Ivrante les lui fit lire dans ce Livre de Mathieu, avec le plus grand étonnement du monde. Je ne doute point de cette Histoire: étant très-perfuadé que Mr. de Racan, qui me l'a fouvent racontée, & en présence de plufieurs perfonnes; est un homme très-véritable: mais je doute fort de ce que dit Leonardo Salviati

au

نوع

au Livre prémier de fes Avertiffemens de la Langue Italienne, qu'un Poëte de fon tems qui n'avoit jamais vu les Sonnets du Cardinal Bembo, en avoit fait de tous femblables. Quoi qu'il en soit, il n'y a guére de Poëte à qui il n'arrive de faire quelques vers qui fe trouvent dans d'autres Poëtes, & par là on peut juger, combien font injuftes & ridicules ceux qui décrient aujourd'hui les Poëmes les plus achevez pour y avoir rencontré quelques hemiftiches des Anciens: qui à proprement parler, ne font que des phrafes du langage Poetique. Et en cela ils font d'autant plus injustes, d'autant plus ridicules, qu'il eft permis aux Poëtes de prendre des Anciens des vers entiers. Les Grecs & les Latins, & les Italiens qui ne cedent de guére aux Grecs & aux Latins, en ont tous ufé de la forte. Et c'eft auffi de la forte qu'il en faut user: comme je le ferai voir dans ma Differtation du larcin & de l'imitation des Poëtes. Cependant, voyez ce que dit là deffus Vida dans fon admirable Poëtique. Mais quoi qu'il foit permis à tout le monde, il n'eft pas donné à tout le monde de prendre des anciens Poëtes célébres. Il faut que les vers parmi lesquels on mêle ceux de ces grands hommes, ne leur foient point inferieurs: Car il ne faut pas coudre de la pourpre avec de la bure: & comme difoit Virgile, il eft plus aifé d'ôter la mafué à Hercule, que de prendre un vers à Homere.

Defcendons maintenant dans le particulier: & voyons les vers que j'ai pris des Anciens.

A 6

CXXIX.

CXXIX.

Examen des vers & des demi vers des Anciens inférez dans mes Poëfies.

J'A

'Ai dit dans mon Epigramme à Mr. Heinfius; qui eft la 50. de mes Epigrammes Latines; Heinfi, Caftalidum decus fororum. Et Martial a dit dans l'Epigramine 14. de fon Livre IV. Sili, Castalidum decus fororum. On crie là-deffus contre moi au voleur. Un homme de lettres, au nom duquel je pardonne, m'aiant traité de plagiaire au fujet de ce vers Heinfi, Caftalidum decus fororum, & de cet autre, Pereri, Aonidum decus immortale fororum, de mon Elégie à Mr. du Périer & à Mr. Santeuil, qui étoit, difoitil, de quelqu'autre Poëte ancien; il me vint prier quelque tans après de lui corriger une Epitre Dédicatoire qu'il avoit faite. Après lui en avoir corrigé plufieurs endroits, je lui dis qu'il en avoit pris le commencement & la fin d'une Lettre de Balzac. Il me fit de grands ferments qu'il n'avoit pris de Balzac ni cette fin, ni ce commencement: & qu'il falloit qu'il ût concouru avec lui. Je fis apporter un volume des Lettres de Balzac: où je lui fis voir qu'une de ces Lettres commençoit par le mot de Monfieur, qui étoit le premier mot de fon Epitre Dedicatoire, & qu'elle finiffoit par ces mots, Votre trèsbumble très-obéiffant Serviteur, qui étoit la fin de la même Epitre. Étje lui

dís,

dis, que de m'accufer d'avoir pris de Martial, Caftalidum decus ferorum, & de cet autre Poëte, Aonidum decus immortale fo rorum, c'étoit m'accufer d'avoir pris le mot de Monfieur d'une Lettre de Balzac. Il en eft de même de ce vers Difertiffime quot fuere, vel funt, de mon Epigramme

Mr. Pucelle Avocat au Parlement : qu'on prétant qui eft dérobé de Catulle. J'ai dit dans mon Elégie à Mr. Bachot,

Ne mihi, ne pigeat, fido veterique Sodali,
Ne pigeat medicas applicuiffe manus.

Et dans l'Epicedium de Mr. Corneille, en parlant à Apollon Auteur de la Médecine, j'ai dit,

Divino nonne Poëta

Debueras medicas applicuiffe manus.

On m'accufe d'avoir pris ces endroits de ces vers de Tibulle, qui font de fon Elégie à Phœbus:

Crede mihi, propera: nec te jam Phoebe, pigebit

Formofa medicas applicuiffe manus.

Je répons à cette accufation que medicas applicare manus n'eft pas une penfée; que ce n'eft qu'une phrafe, qui fignifie guérir; & que de m'accufer d'avoir pris cette expreffion de Tibulle c'eft m'accufer d'avoir pris de Tibulle le mot de guérir; ma

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nus

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nus medica a été dit par tout le monde. Vincere quos medice non potuere manus dit l'Auteur de l'Epitaphe d'Eutiches, conducteur de chariots. Mais qui n'a point dit medicas applicare, ou adhibere manus? Virgile a dit dans le 3. des Géorgiques Dum medicas adhibere manus ad vulnera paftor Abnegat. (1) Jan de la Cafe a dit fur la mort de Flaminius,

Aureus ille fenex, vita qui licia Parca,
Intacta ducunt candidiora nive,
Qui nec Principibus, urbi nec fcilicet agra
Formidet medicas adplicuiffe manus.

Le Pere Rémond, Jéfuite a dit,

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Audiit alma parens, agroque adlapfa gementi eft:

Et vifa eft medicas applicuiffe manus.

J'ai dit dans la même Elégie à Mr. Bachot,

Uror, ut incenfa flammis uruntur arista:
Uruntur facris ut pia thura focis.

On dit que j'ai pris ce dernier vers de Tibulle qui a dit, Urimur, ut celeres

urunt

1. Ces vers du Cafa ne font pas fur la mort de Flaminius, c'eft une plainte aux Manes de Flaminius contre le Priuli qui au préjudice du plaifir que le Cafa trouvoit à Rome dans la conversation de GaI cazzo Florimonte Evêque d'Aquien, avoit fait des

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