Imágenes de páginas
PDF
EPUB

loit; que l'Hiftorien avoit un vrai befoin des Réflexions fur la Vie de Monfieur Des Cartes; que bien loin de les fupprimer, c'étoit charité de les lui envoyer au plûtôt; afin de lui apprendre ce que c'est que l'Histoire, ou le tableau qui représente Mr. Des Cartes en grand. Peut-être que quelque autre lui apprendra ce que c'est que l'Abregé, ou le Portrait qui représente Mr. des Cartes en miniature.

On eft perfuadé que le public verra volontiers les raifons, qui ont obligé l'His torien à lui préfenter un Abregé de la Vie du Philofophe. On se flatte auffi qu'il faura gré à l'Auteur des Lettres, de ce qu'il a tâché de contribuer à la perfection de Mr. Baillet c'est là travailler pour le bien commun. Car avec l'ardeur & la facilité qu'a cet Ecrivain pour l'impreffion, s'il pouvoit une fois réüffir à faire de bons Livres, que pourroit-il arriver au monde de plus avantageux?

Au refte Pinterdiction de tout commer• ce entre la France & la Hollande a retardé de fix mois cette nouvelle critique: & cela y a fait quelques changemens. Le plus confiderable eft caufe par la mort de Mr. Ménage, dont il est parlé dans la premié re Lettre, comme s'il eût dû vivre encore long-temps; parce qu'on le fouhaittoit ainfi, pour l'intérêt qu'on prenoit à la vie d'un homme très-aimable de fon fonds; & que c'étoit pofféder encore en quelque fa Con les Balzacs, les Coftarts, les Voitu res, les Sarrafins, & tous les beaux esprits, que la mort nous a enlevez depuis

Soixante ans, que d'avoir en Mr. Ménage un de leurs meilleurs amis. Outre qu'on craignoit de perdre avec lui des talens finguliers, & cette vafte & rare érudition, qu'on ne devoit plus retrouver ailleurs.

Si c'étoit ici le lieu de faire l'éloge de cet homme fi diftingué parmi les Savans, on le feroit avec plaisir. Tout ce qu'on peut dire à préfent, eft que fi la Républi que des Lettres a perdu dans Mr. Ménage un de fes plus beaux ornemens, cette Critique perd au moins un approbateur. Certainement on a grand regret qu'il foit mort, avant qu'elle l'ait diverti. L'on s'en. confolera néanmoins, fur ce que les quatre premiéres Lettres aiant vangé le Varron de nôtre fiécle durant fa vie, les deux derniéres le vangeront encore après sa

mort.

S 2

RE.

LETT. L

REFLEXIONS

D'UN ACADEMICIEN

SUR LA VIE

DE MR. DES CARTES,

ENVOTEES A UN DE
fes amis en Hollande.

PREMIERE LETTRE.

E

Nfin, Monfieur, je reçois une de vos Lettres, qui m'aprend que les Réfléxions fur les Jugemens des Savans font entre les mains du Sieur Leers, & qu'expéditif comme il eft, il les aura bientôt imprimées. Cette nouvelle m'auroit donné de la joye il y a huit mois; à préfent elle me caufe un vrai chagrin. On m'a trompé : Mr. Baillet n'a pas continué fon Recueil; ou du moins la fuite de fon Recueil n'a pas encore parû. On lui a trouvé de la difpofition pour l'Histoi

[ocr errors]

re; & on lui a confeillé de faire valoir ce LETT É nouveau talent. 11 eft donc devenu Historien, mais fans ceffer d'être Compila

teur.

Il a imprimé la Vie de Mr. Des Cartes Cet Ouvrage eft auffi extraordinaire, que les Anti il n'y a pas deux hommes au monde qui puiffent en être Auteurs. C'e une compilation hiftorique, propre à impofer filence à tous les cenfeurs des Juge mens. J'achevai de la parcourir hier; & je vous écris aujourd'hui, pour vous prier de fupprimer ma Critique. J'aime mieux paier tous les frais de l'impreffion, que de chagriner un homme, qui m'a fait rire toute une femaine.

Outre qu'à préfent que les Jugemens font tombez, la Critique ne feroit plus de faifon, vous aurez lû dans l'Avertiffement fur les quatre Lettres, qu'on les a voit écrites, ou pour guérir le Bibliothé caire de la paffion d'imprimer, ou pour l'engager à produire quelque chofe de meilleur. Or il n'y a rien de meilleur en fon genre que le dernier Ouvrage: il furpalle de beaucoup les Jugemens, & même les Anti.

-Je condamne donc les quatre Lettres à ne jamais voir le jour; & bien loin d'exhorter le nouvel Hiftorien à ne plus écri re, je l'exhorte de tout mon cœur à nous donner tous les ans une Hiftoire, femblable à la Vie de Mr. Des Cartes. Je lui réponds du fuccès: elle n'enrichira pas le Libraire; mais elle réjouira le public, & fera plaifir à Mr. Ménage.

LETT. I. Il y aura toûjours cela de bon dans letravail de B. qu'il ne gâtera point le fujet qu'il traitera, du moins, avec toute fon abondance, il ne l'épuifera pas entiérement: un fecond Ecrivain pourra toûjours le traiter après lui, fûr de réüffir, en ne prenant prefque que ce que le premier aura laiffé.

Ainti ce feroit une chose à faire, lorsque B. écrira la Vie de quelque homme il luftre, & auffi diftingué dans fa profeffion que Mr. Des Cartes l'étoit dans la fienne,. qu'un Hiftorien du premier ordre entreprît auffi le même Ouvrage.. Nous aurions alors une hiftoire complette; tout cé que l'excellent Ecrivain ne jugeroit pas. à propos de nous dire, l'autre ne manque-roit pas de nous l'apprendre.

Le parallele de ces deux Hiftoires du. même Héros feroit d'une grande instruc tion. L'on verroit dans l'une, par où il faut entrer en matiére; & dans l'autre, paroù il n'y faut point entrer; ici ce que jet te la négligence; & là ce que l'exactitude place & arrange; ici ce qu'une plume groffiere écrit durement; là ce que l'art & la politeffe fait tourner & adoucir. On verroit, dans l'Ouvrage du bon Ecrivain, ce qu'en matiére de véritez cachées, un judicieux filence épargne à la confufion du Héros, & à la pudeur délicate du Lecteur; & dans l'Ouvrage de l'autre, comment l'indifcrette demangeaifon de parler produit des chofes capables de faire pâlir le Héros, & rougir le Lecteur. On remarqueroit dans le bon Hiftorien ce que

l'ha

« AnteriorContinuar »