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n'ayant pas trouvé les difpofitions dont il s'étoit flatté, il voulut garder quelque mefure par un accommodement qu'il fit avec le Roy captif; mais la Reine plus fiére & moins traitable que fon mari, ne put confentir à vivre fous cette efpece de tutelle, qui ne convenoit ni à fon courage ni à fon rang. Elle refufa conftamment de revenir à Londres, bien qu'on obligeât le Roy de la rappeller, & continuant de travailler à rétablir fon parti, elle fe trouva bien-tôt en état de donner une grande Bataille au Duc d'Yorck.

Ce Prince méprifoit des forces commandées par une femme; elle fut cependant victorieufe, il y perdit lui-même la vie avec le Comte de Rutland fon fils; la Reine irritée fit expofer leurs têtes fur une des Portes de la Ville d'Yorck.

Elle tournoit fes pas vers Londres pour voir le Roy fon époux & pour le tirer d'oppreffion, lors qu'elle apprit que les Comtes de la Marche & de Warwick le conduifoient comme leur prifonnier, & qu'ils avoient une nouvelle armée, elle n'héfita pas à la combattre & triompha encore ; mais elle joüit peu de fon bonheur; le Comte de la Marche la prévint, il entra dans Londres † & fe fit reconnoître pour Roy fous le nom d'Edouard

IV.

Cette nouvelle étant portée à Henry & à Marguerite, ils la reffentirent vivement & travaillerent à former un parti. Edoüard aïant 1460. † 1461

appris qu'ils avoient déja bien des forces, il ne voulut pas fe laiffer affiéger dans Londres, de maniére qu'il courut avec le Comte de Warwick vers fon armée, & trouvant celle de Henry proche de Saxton, il s'y donna une Bataille fi furieufe qu'elle dura deux jours; il y perit 36. mille hommes, Edouard remporta la Victoire & ne voyant perfonne qui pût tenir la campagne contre lui, il fe mit en état de récompenfer fes amis, & de goûter les douceurs d'un repos qu'il ne connoiffoit pas depuis long-temps.

Ce Prince étoit doüé de toutes les qualités qui rendent aimable. La grandeur de fa Naiffance & la Couronne qu'il portoit, lui attiroient moins le refpect & l'amour de fes fujets que fa bonne mine & fes grandes qualités; il avoit un efprit engageant, vif, plein de douceur, le cœur tendre, il étoit trop galant, & les differentes inclinations qu'il a euës lui peuvent attirer quelque reproche; mais tout au moins il n'aimoit que lors qu'il n'avoit point de guerre; quand il s'agiffoit de combattre il n'y avoit rien au-deffus de lui..

L'on peut juger de l'extrême joye que chacun reffentit le voyant revenir à Londres chargé des Lauriers qu'il venoit de moissonner; le General Talbot Comte de Strop étoit un de ceux qui l'avoient mieux fervi, & cè jeune Monarque voulant que tout le monde fçût les obligations qu'il lui avoit, le combla de biens, l'honora de fa confidence, & d'un cre

dit qui lui attiroit une Cour confiderable. Le Comte de Dévonshire avoit alors des affaires importantes ; il réchercha l'amitié du General Talbot, & il auroit peut être eu de la peine à la gagner, car c'étoit un homme peu pratiquable, qui faifoit confifter toute fa politeffe à être fidele ferviteur du Roy & bon foldat : mais ayant été un jour fe promener à Hamptoncourt, il trouva dans le jardin la Comtefle de Dévonshire fi belle & fi charmante qu'il en parut ébloui: le Comte d'Anglefey fon pere l'avoit toûjours gardée chés. lai depuis fon mariage, craignant que fa beauté naiffante ne fit trop de fracas à la Cour; il falloit qu'une rencontre imprévûë fournît Foccafion de la voir.

Le General demeura également frappé d'amour & de refpe&, il n'ofa l'aborder, il fe contenta de paffer cent fois dans une allée de charmille d'où il pouvoit l'appercevoir; il revint à Londres tout rempli de cette charmante idée, & fe rendit à Witthall.

Le Roy étoit au jeu avec plufieurs Dames; une groffe troupe de Courtifans l'entouroit: Ee Comte de Warwick s'étoit écarté de la fou→ le, voulant écrire fur fes tablettes queique. chofe qu'il avoit intereft de ne pas oublier.

J'ai déja dit qu'il fe nommoit Richard de Neville Comte de Warwick; mais je n'ai pas dit qu'ayant été élevé avec le Roy, ce Princel'aimoit plus cherement qu'aucun de fes Favoris, & il n'y en avoit point auffi à qui il

dût tant qu'à lui: Il étoit fils de Richard de Neville Comte de Sarifburg, Grand Chancellier d'Angleterre, & d'Alicie fille unique de Thomas de Montaigu Comte de SarifburgBien qu'il fût très-jeune, il étoit déja veuf d'Anne fœur de Henry Duc de Warwick; celui dont j'écris l'hiftoire étoit fuperieur en merite, en valeur, & en generofité à tout ce qu'il y avoit d'hommes à la Cour. Ces qualités toutes merveilleufes lui avoient acquis dans le monde le furnom de Grand : L'on n'a jamais dépensé plus volontiers, & donné de meilleure grace que lui, il fe foucioit moins d'amaffer du bien ou de conferver le fien, que fi le bien eût été une chofe abfolument inutile ; mais malgré cette indifférence,il ne laiffoit pas d'être le plus riche Seigneur de tout le Royaume; fon efprit étoit fi fuperieur aux autres, que quelque prévenu que l'on fût, foit pour le contrarier ou pour ne le pas croire, fi-tôt qu'il parloit, l'on demeuroit comme enchanté, & l'on ne vouloit rien que ce qu'il vouloit ; il étoit admirablement beau & bien fait, fa magnificence jointe à la galanterie qui lui étoit naturelle, le rendoit également aimable & dangereux. Le Roy l'aimoit par inclination & par devoir, il poffedoit fa confiance & les premieres Charges de la Couronne L'on peut dire encore qu'il n'y auroit rien eu au deffus de fa Sphere s'il avoit été capable d'application: mais fon penchant pour l'amour & le fiftême qu'il s'étoit fait que les plus grands honneurs coûtent trop

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ther, quand il faut leur facrifier les plaifirs de la vie, le faifoient quelquefois reculer dans une carriere où il ne dépendoit que de lui d'aller auffi loin qu'il auroit voulu.

Ce portrait fur lequel je me fuis peut être trop étendue, m'a éloignée du General Talbot: Il regarda joüer un moment ; mais auffitôt qu'il apperçut le Comte de Warwick, il vint à lui & lui dit tout bas : Vous êtes trop ga-. lant pour vous foupçonner d'écrire autre chofe que des Vers à vôtre Maîtreffe ? mais que vous êtes heureux, Milord, d'en fçavoir faire ! Le Comte le regarda, & foûriant de ce qu'il lui difoit: Eft-ce le General Talbot, repliquatil, qui comprend quelque plaifir dans les tendres fentimens qui font faire des Vers? Il ne lui repondit qu'en levant les yeux au Ciel d'une maniere fi plaifante, qu'il remarqua dans ceux du Comte cet air yronique & malin qu'on lui reprochoit; Ha! s'écria le General, je voulois vous faire une confidence ; mais vous n'êtes pas affés indulgent. A ce mot de confidence, le Comte fentit une extrême envie de fçavoir fon fecret ; il avoit déja jugé par fes foupirs & par fon émotion qu'il s'agiffoit d'un engagement, & il comprenoit comme une chofe trèsplaifante, de voir cette efpece de fauvage pris. dans les filets d'une jeune beauté.

Raffurez-vous, lui dit-il, contre mes manieres badines, je fçai être ferieux quand il le faut ; je pénetre une partie de vos penfées; vous aimés, & vous pouvés compter que je

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