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ASTERIE.

Vous ne le craignez pas,

Seigneur ! je puis braver de pareils attentats.
Voilà donc les fecrets dont on devoit m'inftruire!
Qu'une ame généreuse est facile à féduire!
Tantôt, de fes difcours perçant l'obscurité,
J'ai dû voir, & j'ai vû l'affreuse vérité.

Mais croiant que fon cœur devenoit magnanime;
Ma vertu n'ofoit plus le foupçonner d'un crime.
Et fur quel fondement a-t-il pris cet espoir?
Tiran! mon cœur du moins eft hors de ton pouvoir.
Que ton indigne amour cherche quelqu'autre proïe...?
BAJAZET.

Ma fille, c'eft affez; vous me comblez de joïe.
On vient. C'eft Andronic qui porte ici fes pas.
ASTERIE, à part.

Le Perfide!

SCENE II I.

ANDRONIC, BAJAZET, ASTERIE, ZAIDE, AR CAS.

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Si j'ofe en ce moment vous rendre mon hommage,
Vous fçavez diftinguer le respect de l'outrage.
Mais n'ai-je point troublé votre entretien fecret?
Vous me voïez peut-être avec quelque regret?
Pardonnez. J'ignorois que déja la Princesse
Recueilloit en ce lieu les fruits de fa tendreffe.
Depuis que Tamerlan la retient fous fes Loix,
Elle m'entend ici pour la premiére fois.
Indigné de la voir captive, abandonnée,
J'ai fouvent accufé l'aveugle deftinée ;

Mais j'ai toujours pris foin de m'éloigner des lieux,
Où mille objets cruels bleffoient déja ses yeux.
Combien j'ai détefté la fatale Victoire,

Qui combla vos malheurs, en nous couvrant de gloire!
Avec quel desespoir ai-je vû dans les fers,

Un Sang' qui fembloit né pour régir l'Univers!
Que n'ai-je pû, Seigneur, vous être moins contraire!
BAJAZET.

Prince, vous avez fait ce que vous deviez faire,
De la Grèce, en vos mains, l'Empire étoit remis :
Vous avez combattu contre fes Ennemis :

Ma valeur inutile a cedé fous le nombre,

De tout ce que j'étois, je ne suis plus que l'ombre.
Triomphant autrefois, aujourd'hui désarmé,
Dans une Tour obfcure on me tient renfermé.
Le fort m'a fait tomber du rang le plus auguste;
Mais ce crime du fort ne me rend point injufte.
Je connois vos vertus ; & je ne puis penser
Qu'un Prince que j'eftime ait voulu m'offenser,

De la part du Tiran on m'avoit fait entendre....
ANDRONIC.

Oui, Seigneur, il aspire à se voir votre Gendre.
Je n'ai pû refuser à les empreffemens,

De venir m'informer quels font vos fentimens.
BAJAZET.

Et quels foupçonnez-vous, Prince, qu'ils doivent être?
ANDRONIC.

Il ne m'appartient pas de vouloir les connoître.
Votre fort en dépend : & cependant je crains,
Que vous n'approuviez pas de semblables desseins.
BAJAZET.

Les approuver? Qui, moi! que trahiffant ma gloire,
D'un opprobre éternel je charge ma mémoire?
Non, non; je n'irai point, vil joüet des revers,
'Affocier mon fang à cent crimes divers.
Eh! que penferiez-vous, fi le soin de ma vie,
'Avoit pû m'abaiffer à cette ignominie?
Prince, quelques malheurs dont je fois menacé,
Vous rougiriez pour moi, fi j'avois balancé.

ANDRONIC.

Mais fongez qu'un refus....

Allons, ma fille.

BAJAZET.

Je n'ai plus rien à dire,

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De quel indigne emploi m'étois-je donc chargé?
Quel furcroît de tourmens pour mon cœur affligé!
Tamerlan me choisit pour feconder fa flâme!

Le Cruel!

ARCAS.

Quel transport s'empare de votre ame?

D'où peut naître foudain?....

ANDRONIC.

A ce trouble fatal.

Arcas, de Tamerlan, reconnois le Rival.

Seigneur!...

ARCAS.

ANDRONIC.

Il n'eft plus temps de t'en faire un mistére, Je brûlois pour la Fille en combattant le Pere. Je n'ai point oublié, ni le lieu, ni le jour, Le Camp de Bajazet vit naître mon amour. Il fallut m'éloigner. Bajazet, Aftérie, Eprouvent des deftins toute la barbarie.

On les traîne en ces lieux. J'y vole fur leurs pas,
Témoin de mes transports, tu ne les connus pas.
Non, je ne cherchois point, esclave de la haine
Le plaifir inhumain de jouir de leur peine :

Mon cœur ne connoît point ces mouvemens honteux,
Eh! l'on doit bien au moins plaindre les malheureux!
Un fentiment plus vif, Arcas, je le confeffe,
M'intereffoit au fort d'une jeune Princeffe;
Et l'amour, indigné de voir couler ses pleurs,
M'inspira le deffein de finir leurs malheurs.

ARCAS.

Quoi! Voulez-vous, Seigneur, vous charger de leur fuite ?

ANDRONIC.

Oui, fi l'on daigne, Arcas, m'en laiffer la conduite,
Je veux tout hazarder. Hélas! malgré mes foins,
Je n'ai pû jusqu'ici lui parler fans témoins.
D'odieux furveillans fans ceffe environnée,
Elle ignore à quel point je plains fa destinée.
Mais pourquoi m'occuper de ce vain souvenir!
Oublions le paffé; songeons à l'avenir.
Si je dois renoncer à l'aimable Astérie,
Défendons-là du moins d'un Vainqueur en furie ;
Qu'elle-même, à fon gré, difpofe de fon fort;
Protégeons fa vertu contre un coupable effort;
Que le fier Tamerlan apprenne à nous connoître,

ARCAS.

Avez-vous bien pensé qu'il eft ici le Maître,

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