Imágenes de páginas
PDF
EPUB

nant ce récit, jusques à tant que le plus de ceulx en furent mors & périlz de froit: car plufieurs tranfiffoient de pur froit & mouroient tout roydes de lez leurs amyes, &auffi leurs amyes de lez eulx, en parlant de leurs amourettes & en eulx moc-* quant & bourdant de ceulx qui eftoient bien vestus. Et aux autres il convenoit defferer les dents de coufteaulx & les chauffer & frotter au feu comme roydes & engellez.... fine double point que ces Galois & Galoifes qui moururent en ceftreftat ne foient martyrs d'amour, &c.

16. Obfcènes 1. Si l'on juge des mœurs d'un fiècle par les écrits qui nous en font reftés, nous ferons en droit de juger que nos ancêtres obfervèrent mal les loix qui leur prefcrivirent la décence & l'honnêteté. Les poëtes les plus déréglés n'ont point été au-delà de nos anciens poëtes François; je n'oferois croire cependant que les Cours des Seigneurs, pour qui les contes & les fables avoient tant de charmes, euffent entendu patiemment quelques-uns de nos fabliaux. Peu de gens en foûtiendroient aujourd'hui la lecture, fans un extrême defir d'y trouver quelques details inftructifs pour notre hiftoire & pour nos antiquités: on ne les étudie que comme certains tableaux que le feul amour des arts

a fait refpecter. L'art d'Amour, compofé Fabliaux m par Guiart, & qui ne fauroit être comparé du Roi, num. par aucun endroit à celui d'Ovide, con- 7615, folio tient des leçons d'amour les plus diffolues, 178 & fuiv. terminées par tout ce que la religion nous

peut offrir de plus édifiant & de plus facré. Après cela qu'on ofe nous vanter les fiè cles de l'ignorance & de la barbarie !

17. Libertinage ]. Quelques traits empruntés de différens fiècles me ferviront à prouver que la corruption de nos ancêtres ne le cédoit point à celle qui, dans tous les temps, excita la colère des cenfeurs publics. Le Moine du Vigeois, vers 1180, parlant de la licence qui régnoit alors dans les troupes, comptoit dans une de nos armées, jufqu'à quinze cens concubines, dont les parures fe montoient à des fommes immenfes: Quarum ornamenta ineftimabili thefauro comparata funt. Le même hiftorien nous apprend que le refpect public ne les renfermoit point dans la claffe qui leur convenoit ; parées comme les plus grandes Dames, on les confondoit avec ce qu'il y avoit de plus refpectable: la Reine elle-même y fut trompée, en voyant à l'Eglife une femme de cette espèce: Quandam meretricem Regiam infignibus ftipatam veftibus; comme elle alloit au baifer de la paix, elle l'embraffa de même que les autres femmes: Dum pax acciperetur à Populo in Ecclefia, putans ex ordine. fore fponfarum, ofculata eft. Ayant été depuis mieux informée, elle en fit des plaintes au Roi fon mari; & le Monarque défendit que les femmes publiques portaffent dans Paris le manteau, qui devint la marque à laquelle on diftingua les femmes mariées: Tunc prohibuit Rex mulieres publicas clamyde feu cappa uti Paripis, me

[ocr errors]

Apol. pour

tali notá à legitimè nuptis difcernerentur.
Le x111. fiècle ne fut pas mieux réglé,
même dans le temps où S. Louis donnoit
l'exemple d'une vie toute chrétienne. Sans
recourir au témoignage d'Henri Etienne 2,
qui cependant cite les prédicateurs les plus Hérodote, ch
accrédités, je renverrai aux Ordonnances
de ce faint Roi, rapportées dans le traité
de la police. Elles font voir qu'un poete
du même temps n'abusoit point du privi-
lège de la poëfie dans les vers fuivans:

Qui refon voudroit faire,
L'on devroit, par S. Gille,
Riche femme qui fert
De barat & de guille &,
Et qui pour gaignier
Vent fon cors & aville,
Auffi com un meself,
Chacier hors de la ville,
S'en fouloit g maintes femmes,

Par maintes achoisons h,
Chacier hors de la ville;
C'eftoit droiz & raifons:
Or eft venu le temps,
Et or eft la raisons,
Plus a par tout bordiauz

Qu'il n'a autres mesons.

Un témoignage plus refpectable, que je vais encore copier, ne fera pas plus d'honneur aux mœurs du fiècle qui fuivit celui de S. Louis, & fait voir que fous Charles VI la Cour même devint le théatre du fcandale. La plus ancienne & la plus édi

с

VI.

T. I. p. 489 & fuiv. Chatie Mufart, fahl.m. 1o.7615, fol. 140 ro. col. I & 20

d Faufferé, tromperie. e Avilit, dif. fâme.

f Comme un lépreux.

g Avoit coû

tume.

h Sujet, causes.

fiante de nos Maisons religieufes en eut le trifte fpectacle, fuivant le Moine de S. Denys, qui déplore en ces termes le malheur de fon monaftère.

Hift. de S. Après le récit des tournois faits en 1389 Den. ch. vi, à S. Denys pour la chevalerie du roi de P. 170 171. Sicile & de fon frère: Jufques-là, dit l'hiftorien, tout alloit affez bien, mais la dernière nuit gafta tout par la dangereuse licence de mafquer & de permettre toutes fortes de poftures plus propres à la farce qu'à la dignité de perfonnes fi confidérables, & que j'eftime à propos d'eftre remarquées dans cette hiftoire pour fervir d'exemple à l'advenir à caufe du defordre qui en arriva. Cette mauvaise coûtume de faire le jour de la nuit, joint à la liberté de boire & de manger avec excès, fit prendre des libertés à beaucoup de gens, auffi indignes de la présence du Roi que de la fainteté du lieu où il tenoit fa Cour. Chacun chercha à fatisfaire fes paffions; & c'est tout dire qu'il y eut des marys qui patirent de la mauvaise conduite de leurs femmes, & qu'il y eut auffi des filles qui perdirent le foin de leur honneur. Voilà en peu de mots le récit de toute cette fefte que le Roi acheva de folemnifer par mille fortes de préfens, tant pour les Chevaliers & Efcuyers qui s'y fignalèrent, que pour les Dames & les Damoifelles: il leur donna des pendans d'oreille de diamans, plufieurs fortes de joyaux & de riches étoffes prit congé des principales qu'il baifa, & licentia toute la Cour.

On pratiquoit enfin fi mal les leçons de l'amour honnête tant recommandé

, que

Voy. M. de Buffon, Hift. Nat. vol. 111,

nos Romanciers & nos Poëtes, dans l'éloge des Seigneurs qui faifoient le mieux les honneurs de leurs châteaux, leur prêtent la même complaifance pour leurs hôtes que celle des peuples qui habitent le long du Nil, fuivant les relations de nos Voyageurs. Qu'on life dans l'auteur du roman de Gérard de Rouffillon, en Provençal, les détails très-circonftanciés dans lefquels il entre fur la réception faite par le comte Gérard à l'Ambaffadeur du Mf. du Roi, roi Charles, on y verra des particularités 7991, fol. 40 fingulières qui donnent une étrange idée verfo des mœurs & de la politeffe de ces fiècles auffi corrompus qu'ignorans.

Si je rapporte encore les vers fuivans d'un de nos poëtes François, qui ne peuvent point être pris à la lettre, c'eft moins pour faire connoître la dépravation du fiècle, que pour donner une idée de l'efprit de nos écrivains, qui repaiffoient leurs lecteurs de pareilles fictions..

Une Dame qui reçoit chez elle un Chevalier, ne veut point s'endormir qu'elle ne lui envoye une de fes femmes pour lui faire compagnie.

a La Comteffe qui fut courtoise,
De fon ofte pas ne li poife b,
Ainz li fift fere à grant delit,
En une chambre un riche lit.
Là fe dort à aife & repofe ;
Et la Comteffe à chief fe pofed,
Apele une foue pucelle,

La plus courtoife & la plus bele,
A confoil fli dift, belle amie,

a Fabliaux mff. du Roi, num. 7615. ful. 210 v0. col. 1. b N'eft pas fâchée d'avoir un tel hôte. < Une grande jvie. d Enfin va fe coucher. e Sienne. f En fecreti à l'oreille,

« AnteriorContinuar »