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fecret; je vous conjure feulement de garder le mien fur la démarche que que je fais aujourd'hui, & fur l'aveu que je viens de vous faire , que je ne fuis point amou reux de Mademoiselle du Mez parce que je le fuis d'un Objet qui peut feul lui difputer l'avantage qu'elle remporte fur toute autre. Si vous êtes aimé, mon cher Roger, me dit des Barres que vous êtes heureux! Hé ! pouvez-vous ne le pas être ? Il est vrai, continua - t'il, j'adore Mademoifelle du Mez: l'infenfible a triomphé de mon cœur, & je vois avec douleur combien ce triomphe lui eft à charge. Alors le Grand Sénéchal me conta qu'il étoit, depuis près d'un an, épris des charmes de la fœur du Maréchal qu'elle le rendoit auffi malheu reux qu'il étoit paffionné ; que fes foins, foutenus d'un refpect

égal à fon amour, ne trouvoient qu'une froideur qui le défefpéroit; mais que fa délicateffe ne pouvoit confentir qu'il demandât cette illuftre fille à ceux dont elle dépendoit; qu'ainfi, la Maréchale fa mere, & Alberic fon frere, ignoroient fa paffion. Vous fçavez à préfent ma foibleffe ajouta des Barres, & l'indifférence dont Mademoifelle du Mez la punit. Je l'avoue, tout ce qui approche de cette inhumaine me fait ombrage, & vous, plus que tout autre me paroiffez redoutable. Si, fans y fonger, vous alliez lui plaire, quel feroit mon malheur ! Combien ne gémiriezvous pas d'être l'objet qui me fermeroit le chemin de fon cœur? votre amitié pour moi,& votre eftime pour Mademoiselle du Mez, exigent que vous facrifiiez, à l'un & à l'autre, un air d'empreffe

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ment qui pourroit coûter cher à tous les deux. Du moins, répondis-je au Sénéchal, laiffez - moi avoir pour Mademoiselle du Mez les attentions & les politeffes dûës à fon fexe, à fa naiffance, & fur tout à fon mérite. Soïons tous deux raisonnables, ajoutai-je en fouriant. Peut-on l'être, me repartit-il, quand on est Amant & Amant malheureux Je fentis dans la fuite du difcours de des Barres, un defir ardent que je lui ouvriffe mon cœur, comme il venoit de m'ouvrir le fien. Outre que fa confiance exigeoit la mienles circonftances préfentes demandoient que je l'inftruififfe: je connois fa difcrétion, fa prudence, & fon amitié pour moi; de plus, je craignois qu'il ne foupçonnât ma bonne foi, & que ce ne fût la véritable raison qui lui faifoit craindre mes empreffe

ne

mens auprès de la fœur du Maréchal. Toutes ces réfléxions me déterminerent à lui parler naturellement ; je lui appris donc tout ce que vous venez d'entendrc. Notre confiance réciproque mit le fceau à notre amitié.

Madame de Rofoi exécuta ce qu'elle avoit projetté; mais des Barres me fervit à merveille : il lui dit, que fi je n'étois traversé dans mes deffeins que par lui, je pourrois facilement arriver au comble de mes vœux ; que fon amitié pour moi le lui faifoit defirer, & qu'il voudroit même pouvoir contribuer à mon bonheur. Il eft aifé de comprendre quelle fut la mortification de Madame de Rofoi; je ne fçais même ce que lui auroit fuggeré fa jaloufe rage, fans ce qui ar

riva.

Depuis que Madame de Rofoi

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étoit à Paris, j'allois rarement chez elle; je prenois même si bien mes mefures, que je ne la trouvois jamais feule. Un jour que j'avois dîné avec le Maréchal, il me demanda fi je voulois aller avec lui chez Madame de Rofoi; j'y confentis. Un moment après être entrez, le Maréchal se fouvint qu'il avoit un rendez-vous il fortit, & me laiffa vis-à-vis de Madame de Rofoi. Nous reftâmes tous deux embarraffez, & gardâmes quelque tems le filence. Elle le rompit pour me demander fi j'avois véritablement des deffeins fur Mademoiselle du Mez. Si mes foins & ma tendreffe, répondis-je, peuvent ne lui pas déplaire, Madame la Maréchale& Alberic feront bien-tôt les maîtres de me rendre le plus fortuné des hommes. Me voilà par votre aveu me dit-elle, libre

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