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putation de Henri, ni l'idée qu'on avoit d'un caractere fi rare, ne fouffrirent jamais la moindre altération. Voilà les Gouverneurs que le fang & une tendreffe paternelle donnerent à Roger & à Raoul. Ce font ces exemples domeftiques & journaliers qui mirent en valeur leur heureux naturel; c'étoit cet heureux naturel qui leur faifoit recevoir avec modeftie, les marques que le Duc de Bourgogne, & toute fa Cour, leur donnoient d'une eftime finguliere. Les grandes qualitez de l'un & de l'autre avoient frappé ce Prince, & avoient reüni en leur faveur tous les fuffrages. Les femmes les trouvoient aimables, & les hommes les trouvoient vertueux. Sur tout le Duc de Bourgogne admiroit avec quelle rapidité Roger avoit marché fur les tra

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ces de fon oncle, ce qui l'avoit rendu digne neveu de Henri & digne fils de Thibault, que l'on aura occafion de connoître dans la fuite.

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Si Roger de Rethel & Raoul de Couci, avoient prévenu en leur faveur le Duc de Bourgogne; le Maréchal du Mez & le Comte des Barres lui parurent dignes de l'accueil qu'ils en reçûrent. Il n'attribua point leur voïage à la fimple curiofité; il penfa qu'ils étoient tous deux chargez, de la part de Philippe,

d'examiner fi fes forces étoient capables de réfifter aux entreprifes de la France. Comme elles pouvoient le défendre & le maintenir dans fes Etats, il vit fans chagrin arriver le Maréchal du Mez & le Comte des Barres. La valeur du dernier, déja connuë par plus d'une action d'éclat, &

l'amitié particuliere dont Philippe honoroit le premier, lui avoient fait naître le defir de connoître perfonnellement ces deux · grands Sujets. Il vouloit juger par lui-même, fi l'un, avoit autant de capacité pour la Guerre, que de valeur; & fi l'autre, méritoit d'être le Favori de fon Roi. Il vouloit juger du difcernement de Philippe, par le caractere du Maréchal; il vouloit enfin 'démêler celui de Philippe, par les défauts ou par les vertus d'un homme, dont la faveur étoit au plus haut dégré. L'eftime que lui infpira Alberic du Mez, confirma ce Prince dans l'opinion qu'il avoit d'un jeune Monarque, dont toute l'Europe admiroit la prudence, la fageffe & l'attention à connoître comme à remplir fes devoirs. Il fentit chez Guillaume des Barres ces heu

reux talens qui font les grands Capitaines, & qui, dans la fuite, le rendirent digne d'être appellé l'Achille de fon tems.

Le Duc de Bourgogne fe connoiffoit bien en vrai mérite : il faifoit cas d'une illuftre naiffancc; elle met, difoit-il, la vertu dans fon plus beau jour; mais par malheur, ajoutoit-il, une grande élevation ne fert qu'à mieux expofer les vices, & qu'à rendre plus méprifable celui qui auroit à rougir de ne tirer fa grandeur que de celle de fes Ancêtres. Si la politeffe de ce Prince, la magnificence, la beauté de fes Troupes, & l'exactitude du fervice Militaire faifoient voir en lui un Souverain digne de l'être, il trouvoit tous les

Seigneurs François dignes d'être les Sujets de Philippe, & Philippe, heureux de regner fur de

tels Sujets. Ces réfléxions faifoient fouvent la matiere de fes entretiens avec cette Noblesse

diftinguée, qui embelliffoit fa Cour; mais c'étoit fur tout avec le Comte de Rethel, qu'il aimoit à s'entretenir librement fur le compte de chaque Seigneur. Sa confiance pour lui, égaloit prefque l'eftime dont il étoit pré-. venu en fa faveur.

La naissance, la jeunesse, l'efprit, & la fortune, tout devoit rendre content Roger de Rethel : avec tous ces avantages, on remarquoit, malgré fa vigilance fur lui-même, un fonds de trifteffe où il retomboit à chaque moment. Les vrais connoiffeurs ne fe méprennent point à ces fimptômes; ils jugent que la Fortune ou l'Amour nous laiffent foupirer après un bien dont ils nous

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