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refusent la poffeffion. Les efforts que faifoit Roger pour diffimuler fon état intérieur, fervirent encore à réveiller; à fon égard, l'amitié du Duc de Bourgogne; ce Prince eût voulu fçavoir la caufe d'une mélancolie apparence fi déplacée; mais il crut fe devoir à lui-même la difcretion de ne point embarrasfer-le Comte de Rethel, par une curiofité qu'il ne voudroit ou ne pourroit peut-être pas fatisfaire. Il s'adreffa au Sire de Couci, qui ne fit aucun miftére d'avouer l'inquiétude que lui caufoit la trifte fituation de fon ami, en ajoutant qu'il en ignoroit la cause. Cette converfation détermina Raoul à exiger de Roger, au nom même de leur amitié, de lui ouvrir fon

cœur.

Qui peut caufer en vous le changement qui me furprend, By

lui dit un jour ce tendre ami ? Je vous vois avec étonnement chercher la folitude, au milieu des plaifirs, qui ne peuvent vous diftraire un moment. Etes-vous venu ici les chercher, pour les fuir? Pourquoi ne vous montrez-vous que lorsque la bienfeance vous force à faire votre cour au Duc de Bourgogne ? Tout le monde vous recherche, & vous fuiez tout le monde: je fens même l'amour propre des jolies femmes de cette Cour, bleffé d'une froideur, qu'elles appelleront bien-tôt, impoliteffe. Enfin je ne vous reconnois plus depuis mon retour d'Ecoffe. Parlez, mon cher Roger; ne refufez pas à mon amitié, une ouverture de cœur qui vous eft peut-être néceffaire. Vous le voulez, mon cher Raoul, répondit Roger; il faut vous fatif

faire, & vous allez convenir que ma tristesse n'eft que trop bien fondée. Vous me pardonnerez le miftere que je vous ai fait jusqu'à ce jour, de ma cruelle fituation, quand vous fçaurez les raifons du filence auquel je m'étois condamné, malgré l'envie & le befoin que j'avois de dépofer mes chagrins dans le fein d'un Ami tendre & éclairé ; mais,mon cher Raoul,le tumulte d'un Camp n'est pas propre à un tel récit ; il demande de la tranquilité. Eloignons-nous. Alors le Comte de Rethel & le Sire de Couci monterent à cheval pour gagner un petit Bois, à une demie lieuë du Camp: ils s'y enfoncerent; & quand ils furent dans un endroit où ils crurent qu'ils ne feroient point interrompus, Roger commença ainfi :

La Paix avec le Comte de

Flandres fuivit de près la mort de mon oncle. A peine le Roi fut-il de retour à Paris, que mon pere me rappella auprès de lui: mais je ne vous ai jamais dit les raifons qu'il en avoit. Le plaifir que je devois fentir de voir un pere, dont à peine je conservois l'idée des traits, fut prefque étouffé par le chagrin que j'eus de m'éloigner de la Cour. J'obéis cependant, fans montrer la moindre répugnance: mon refpect pour celui à qui je devois le jour, m'en auroit fait un crime. J'arrive à Rethel ; j'eus la fatisfaction fecrete, malgré la retenuë de mon pere, de m'appercevoir que je lui laiffois peu de chofes à defirer; mais un jugement dicté par la nature, & l'amour & l'amour paternel, fi aisé à féduire par les арparences, n'étoient pas capables de m'aveugler affez, pour être

auffi content de moi-même que mon pere le paroiffoit. Il avoit fouvent de longues converfations avec moi; la Cour en étoit le fujet. Quelles qualitez, mon fils, me difoit-il un jour, croïez-vous les plus propres pour réuffir à la Cour? J'y vois, lui répondis-je, des gens, d'un caractere bien oppofé, arriver au but que leur ambition leur a marqué. Mais, reprit mon pere, quel eft celui que vous voudriez avoir ? Celui d'Enguerrand de Couci, lui disje fans balancer. Eh bien! me repartit-il, prenez-le pour modéle, il eft bon. Cependant, ajouta-t-il, faites-moi connoître les Courtifans, peignez-les moi chacun en particulier

&tels

que vous les croïez. Je lui dis ce que je penfois des différens caracteres des uns & des autres. Je blâmois celui qui immoloit à la

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